Adrien Mondot ou la solitude du jongleur face à une nuée de balles virtuelles. © DR
< 20'06'07 >
Adrien Mondot en chef de ballet de balles hybrides
Invitation à douter de tout, à plonger dans l’image, à regarder une balle et ses doubles à l’écran. Ne plus savoir laquelle est réelle et tangible, laquelle réagit aux actions du jongleur seul en scène (à l’exception d’une violoncelliste qui l’accompagne sublimement).
Convergence 1.0, présentée dans le cadre de la manifestation
Des auteurs des cirques, à la Villette, est un spectacle en apesanteur, une troublante expérience sensorielle, où les technologies sont convoquées à la manière des théâtres d’ombre de la fin du XIXème siècle, pour opérer l’enchantement du spectateur.
Repéré aux
Jeunes talents cirque 2004,
Adrien Mondot, ancien chercheur à
l’Inria (Institut national de recherche informatique et automatique), utilise l’informatique au service du jonglage. Convergence 1.0, montée en 2005 au
Manège de Reims, est la première réalisation de sa compagnie
Adrien M, et son premier succès aussi. La pièce a été programmée partout, du
festival d’Avignon en 2006 à des scènes nationales expérimentant les nouvelles formes jusqu’à ces manifestations dédiées aux nouveaux cirques, telle cette programmation de la Villette (avec également Jean-Baptiste André, acrobate de l’extrême ou "distorsionniste" comme il se définit lui-même, et
Christophe Huysman avec « Human (articulations) »).
Sur la scène nue (un fauteuil, un violoncelle, un écran de tulle transparent au premier plan), ombres et lumières et vraies fausses balles jouent à cache-cache. Les balles virtuelles sont activées depuis la régie à l’aide d’une palette graphique en temps réel, de même que la musique instrumentale de Véronika Soboljevski est hybridée aux samples électroniques de Christophe Sartori. Le jonglage virtuel se fait alors tentative d’épuisement des contraintes physiques et spatiales de la discipline (vitesse, pesanteur, apparition et disparition). Et la magie opère, au point qu’on oublie de céder à cette gymnastique mentale qui consiste à se demander qui fait quoi, si les balles qui tombent sur Mondot comme un rideau de neige sont activées par un humain ou un capteur sensoriel (réponse négative), si la vitesse est liée aux mouvements du violoncelle (réponse négative). Magie pure.
Pour renouveler l’écriture circassienne, Adrien Mondot s’est posé cette question : « Que reste-t-il du jonglage quand on enlève les balles ? » Le jongleur traditionnel peut-il résister à ces balles « augmentées » qui deviennent autant de personnages autonomes ? Sans lourdeur et même avec humour (deux balles virtuelles recomposent un jeu de tennis façon Pong sur l’écran de tulle), Adrien Mondot pousse à petites touches à remettre en cause la virtuosité de l’artiste quand il lui pousse deux, trois, quatre bras, et que les vraies balles peinent à rivaliser en nombre avec les fausses. Il n’apporte que des ébauches de réponse et finit par crever l’écran des balles virtuelles pour jongler avec une balle de cristal. Réelle et pourtant magique aussi...
annick rivoire
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