On peut fabriquer des cartes hyper-technos et ne s’intéresser qu’à l’affect des gens. C’est le cas de Christian Nold, un artiste-chercheur britannique qui s’attache à la façon dont les gens réagissent émotionnellement à leur environnement. Depuis quatre ans, plus de 1500 personnes, de Rotterdam à San Francisco (et non, pas à Rio, dommage pour la chanson), sont passées par ses ateliers biomapping pour imaginer une cartographie urbaine du stress. En avril, et pour la première fois à Paris, c’est à Ars Longa que s’est tenu un atelier, dont on peut voir le résultat à la galerie jusqu’au 28 juin : une carte émotionnelle de l’Est parisien, une projection 3D et une vidéo du workshop.

L’outil de travail de Christian Nold ? Un prototype qui combine un GPS et un GSR (Galvanic Skin Response), une sorte de détecteur de mensonges portatif développé par l’artiste, sensible à la sudation du bout des doigts, qui permet d’enregistrer les niveaux d’excitation et de tension émotionnelle. Ainsi équipés, dix-huit volontaires parisiens sont partis marcher une heure dans le quartier. Un petit tour et puis revient : sur les itinéraires retranscrits en temps réel dans Google Earth se dessinent des lignes de crêtes, de vagues et de creux, matérialisant les différentes émotions ressenties. Les participants ont ensuite fait le récit des événements qui ont ponctué leur balade, manière d’illustrer et d’expliquer les variations de parcours. Les creux, c’est facile : calme plat, rien ne perturbe le promeneur. Aux pics correspondent des faits bien tangibles (l’envie pressante non assouvie pour cause de toilettes hors service, la traversée de carrefour encombré, la confrontation avec une manif place de la République) ou des impressions plus diffuses (le souvenir d’un ami décédé qui revient percuter la mémoire, l’odeur des arbres...).

Détournement des technologies numériques pour s’approprier l’espace public, ambiguïté des frottements entre la ville et le corps, ajout de strates d’informations à la réalité physique, nouvelles formes de cartographies possibles grâce au Net, dérive psychogéographique théorisée par les situationnistes… La petite fenêtre offerte par Ars Longa à Christian Nold ne suffit pas à abriter tous les thèmes qu’il soulève. D’où l’intérêt d’aller ce jeudi soir à la Cantine, où, à l’invitation du site Villes 2.0, Nold discutera « Cartographies parallèles » avec l’écrivain Philippe Vasset, auteur d’« Un Livre Blanc » et co-créateur du formidable site blanc.

julie girard