Compte-rendu d’après 30e Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand, du 1er/02 au 9/02, à Clermont-Ferrand (63).
Laura Waddington, Royston Tan et Annick Rivoire, pour une remise des prix du jury Labo unitaire, revendicative... et verte. © DR
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Clermont 6/6 : dans la peau d’un jury
(Clermont, envoyée spéciale) (Pop’archive). Autour de 2h du matin, dans la nuit de samedi à dimanche, Calmin Borel, programmateur à Clermont-Ferrand, est déjà dans l’après-festival : « Il va falloir qu’on discute de la 31e édition. » La fête de clôture à la Coopérative de mai bat pourtant son plein, DJ Oof électrise la jeunesse clermontoise sur fond de vieux clips kisch et groove tandis que la fanfare des beaux-arts réchauffe les fumeurs à l’extérieur. Cernes et teint légèrement blafard de rigueur, l’équipe organisatrice est plutôt contente de son trentième anniversaire : fréquentation en légère hausse (137 000 spectateurs), palmarès éclectique (un vrai fourre-tout, avec 48 prix et mentions confondus), la touche polémique en plus, avec la déclaration à la cérémonie de clôture de trois réalisateurs du jury, Danielle Arbid, Souad El Bouhati et Jacques Mitsch, « inquiets de la baisse des subventions attribuées cette année aux festivals de cinéma » qui « remettent en cause (leur) existence ». Pour la première fois, poptronics était des deux côtés de l’écran : sur le site pour rendre compte du festival au quotidien et dans les coulisses, en tant que membre du jury de la section Labo, pour décider quels films parmi les 47 en compétition esquissaient le meilleur paysage des nouvelles images. Dans la peau d’un jury, récit. Première projection Cinq programmes à l’affiche, d’une heure trente chacun environ, à découvrir en salle, avec les réactions du public. Rencontre avec les autres membres du jury, Laura Waddington et Royston Tan, tous deux cinéastes, l’une britannique, l’autre de Singapour. Première inquiétude : comment dire son soutien à un film dans la langue de Shakespeare (que la membre française du jury ne maîtrise pas totalement, comme il se doit avec les Français et leur « so bad english ») ? Deuxième inquiétude : comment argumenter sur le fond quand les deux autres sont des professionnels et non des moindres ? Laura a notamment réalisé le très remarqué « Border » en 2004, en passant des mois dans les champs autour du camp de la Croix-Rouge à Sangatte avec des réfugiés, Roystan a reçu l’an passé le Grand prix Labo pour « Monkey Love » et cartonne en ce moment à Singapour avec son dernier long, une comédie musicale déjantée, « 881 » après avoir été censuré sur le précédent, « 15 » (une bande d’ados à Singapour, ébouriffant, glaçant, fascinant). Comment lutter contre leurs connaissances des techniques et des gimmicks de la profession ? A la sortie, les premiers sujets d’embrouille s’annoncent : nos goûts sont parfois à l’opposé, Laura n’aime ni l’animation, ni le cinéma britannique « trendy » (les deux tendances 2008 du Labo), Royston est sans pitié pour les exercices de style (images composites et mix de techniques) qui sont la marque de fabrique du Labo. Je n’aime pas les sophistications cinématographiques quand elles excluent le spectateur dans la boucle du plaisir. Briser la glace Laura est végétarienne, Roystan allergique au vin, j’ai un site sur le feu… Le repas est l’occasion de dissiper les malentendus : tous d’accord pour défendre un film qui ait un supplément d’âme, quelle que soit la virtuosité techno-futuriste. Et de s’échauffer côté arguments. Laura est catégorique, Roystan enthousiaste, hyper-critique et diplomate à la fois. Le partage des rôles qui me voit défendre les réalisateurs, ceux qui sortent de l’école (beaucoup de films portés par des universités et écoles prestigieuses), ou qui innovent (mix animation-stop motion-pixillation), me change carrément : moi, toujours plus critique, en avocate des créateurs ! Un seul film nous met tous trois d’accord, « Plivnuki Polibkem » (Baiser craché), par le mélange de techniques précinématographiques (très tendance) et sa poésie et sa légèreté (malgré le pitch : un homme couché sur le sol, qui aime regarder les jambes des filles et plus, « tombe » amoureux même s’il ne peut aller plus bas). C’est aussi l’un des « moins Labo » de l’ensemble. Troisième jour, tension maximale Mercredi soir, repas officiel avec les représentants politiques locaux, les autres membres du jury. Matthieu Boogaerts, chanteur, veut savoir si ça se passe bien, raconte les dissensions au sein du jury national (ils sont cinq, c’est pire). Les organisateurs tentent une médiation auprès du jury Labo, sentant monter la fronde (« que de la merde, ce Labo… »). Je temporise, on va y arriver, simple question d’échanges d’arguments. Il nous reste une séance après tout, soit encore 8 films à voir… Quatrième jour, il faut choisir Jeudi, dernière projection, Laura a très mal dormi, Roystan sature, je crains le pire. Atmosphère à la franche rigolade, on fomente une action « labo labo labo » pour la remise des prix. « Pika Pika » emballe Roystan et moi, Laura est plus réservée, « Plot Point » emballe Roystan et Laura, et c’est moi qui suis plus réservée… Obligations diverses et variées nous séparent l’après-midi. Rendez-vous 19h15 pour une soirée délibérations. Nous avons jusqu’au lendemain midi pour donner notre palmarès. J’imagine une discussion serrée, tendue, violente. Je collecte des infos sur Nicolas Provost (qui a emballé une bonne partie du public, des organisateurs et, chez poptronics, Benoît Hické). Nous devons éviter le compromis mou du genou. Je n’emporterai pas l’adhésion sur un film d’animation. J’arrive bardée d’arguments sur « Pika Pika », le film d’une génération post-graffiti, qui fait dans les effets spéciaux humains au Japon, une façon de vivre d’art et de légèreté. Un film emblématique du Labo en 2008 : il a fallu au collectif Tochka deux ans d’interventions dans l’espace public pour réaliser cette animation à partir de photos prises avec un temps d’exposition maximum. Le court-métrage expérimental n’est que la partie exposée d’un tout : soit que les réalisateurs aient fabriqué leur matière première (« The Apology Line » met en place une ligne d’appels d’excuses publiques, « Plot Point » fait du footage à partir d’images volées de Times Square), soit qu’ils imaginent une suite ou une déclinaison (« Artificial Worlds v3.0 » de Richard Fenwick fait ainsi partie de la série « RND# »). Laura est venue avec plusieurs scénarios (selon que l’un ou l’autre d’entre nous prendrait le dessus), Royston est calme, à son habitude. En moins d’une demi-heure, le trio infernal s’est accordé sur deux lauréats, ne reste plus tomber d’accord sur l’ordre (un grand prix, un prix spécial). A ce stade, un plan foireux dans un film de 15 minutes peut faire pencher la balance, la subjectivité devient quasi totale. Et Roystan se hâte lentement, tranche pour la bande de Japonais mal vus dans leur pays. Une once de subversion ne peut que nous plaire. Le soir venu, la soirée Canal+ (l’un des plus anciens soutiens du festival) permet d’évacuer toute tension. Le jury est content de lui et ça se voit. Vendredi, calme et préparatifs Avant la remise des prix samedi, chacun vaque à ses occupations, tout en préparant le « happening » de la remise des prix. Roystan a repéré un sweat vert squelette du plus bel effet, Laura a imaginé qu’on pourrait tous le porter, j’ai négocié avec le vendeur un prix de groupe. Samedi, un micro pour trois Après une après-midi aux bains, le jury Labo fait dans le défouloir : trois individus se retrouvent à faire les couillons sur scène, pour défendre à leur manière, décalée et légère (on espère…), une vision du cinéma engagée, contemporaine et labo. Et le Palmarès du 30e Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand : Compétition Internationale Grand Prix : « Auf der Strecke » (Reto Caffi/Allemagne, Suisse) ; Prix Spécial du Jury : « Mompelaar » (Wim Reygaert, Marc Roels/Belgique) ; Prix du Meilleur Film d’Animation : « The Pearce Sisters » (Luis Cook/Royaume-Uni) ; Prix du Public : « The Wednesdays » (Conor Ferguson/Irlande) ; Prix de la Jeunesse : « René » (Tobias Nölle/Suisse) ; Prix Canal + : « I Love Sarah Jane » (Spencer Susser/Australie, Etats-Unis) ; Prix des Médiathèques : « La rebelion de los pinguinos » (Simon Bergman/Chili, Espagne, Finlande) ; Prix de la Presse : « La rebelion de los pinguinos » (Simon Bergman/Chili, Espagne, Finlande) ; Prix du Rire « Fernand Raynaud » : « I Am Bob » (Donald Rice/Royaume-Uni). Mention spéciale du Jury International : « Wrestling » (Grimur Hakonarson/Islande), « Ryba » (Alexander Kott/Russie), « John and Karen » (Matthew Walker/Royaume-Uni) ;
Mention spéciale du Jury Jeunes International : « Mompelaar » (Wim Reygaert, Marc Roels/Belgique) ; Mention spéciale du Jury Presse International : « Giganti » (Fabio Mollo/Italie), « Lacreme napulitane » (Francesco Satta/Italie) ; Mention spéciale du Prix des Médiathèques : « Procrastination » (Johnny Kelly/Royaume-Uni). Compétition Labo Grand Prix : « Pika Pika, Lightning Doodle Project » (Tochka : Takeshi Nagata, Kazue Monno/Japon) ; Prix Spécial du Jury : « Plot Point » (Nicolas Provost/Belgique, Etats-Unis) ; Prix du Public : « 45 CM » (Annette Kristina Olesen, Charlotte Sieling/Danemark) ; Prix Canal + : « Yours Truly » (Osbert Parker/Royaume-Uni) ; Prix de la Presse Télérama : « Do-It-Yourself » (Eric Ledune/Belgique). Mention spéciale du Jury Labo : « Plivnuti Polibkem » (Milos Tomic/République Tchèque), « The Apology Line » (James Lees/Royaume-Uni) ; Mention spéciale du Jury Presse Labo - Télérama : « Silencio » (Sivaroj Kongsakul/Thaïlande), « Milk Teeth » (Tibor Bànòczki/Royaume-Uni). Compétition Française Grand Prix : « Como todo el mundo » (Franco Lolli) ; Prix Spécial du Jury : « Erémia Erèmia » (Olivier Broudeur, Anthony Quéré) ; Prix de la Meilleure Musique Originale (SACEM) :« Les miettes » (compositeur : Gilles Alonzo) ; Prix du Public : « C’est dimanche ! » (Samir Guesmi) ; Prix de la Jeunesse : « Les miettes » (Pierre Pinaud) ; Prix Canal + : « Tony Zoreil » (Valentin Potier) ; Prix de la Meilleure Première Œuvre de Fiction (S.A.C.D.) : « Les ombres qui me traversent » (Emilie Carpentier / France, Roumanie) ; Prix du Meilleur Film d’Animation (S.A.C.D.) :
« La Saint-Festin » (Anne-Laure Daffis, Léo Marchand) ; Prix Adami d’Interprétation :
Meilleure comédienne : Stéphanie Daub-Laurent (dans Primrose Hill, de Mikhaël Hers),
Meilleur comédien : Bruno Clairefond (dans La main sur la gueule, de Arthur Harari) ;
Prix Procirep du Producteur de Court Métrage : Les Films du Nord/Arnaud Demuynck ; Prix « Attention Talent » Fnac : « 664 km » (Arnaud Bigeard) ; Prix de la Presse National – Club de la Presse Clermont-Ferrand Auvergne : « Lisa » (Lorenzo Recio) ; Bourse des Festivals : « Boro in the box (ou portrait craché) » (Bertrand Mandico/
Société Parisienne de Production) ; Prix de l’Œuvre d’Art Numérique (SCAM) : « Cuisine » (François Vogel / France). Mention spéciale du Jury National : pour la comédienne Marie Nicolle dans « Lucas sur terre » (Maud Alpi), « La Saint-Festin » (Anna-Laure Daffis et Léo Marchand), « Les illusions » (James Thiérrée), « Tony Zoreil » (Valentin Potier), « La main sur la gueule » (Arthur Harari) ; Mention spéciale du Jury Jeunes National : « Résistance aux tremblements » (Olivier Hems) ; Mention spéciale du Jury Presse National : « La Saint-Festin » (Anna-Laure Daffis et Léo Marchand), « Le vacant » (Julien Guetta). Cet article a été initialement publié le 11 février 2008.
Clermont 2011, retour vers le futur en 40 courts (1/4)
Ah ça IA, ça IA, ça IA Clermont 2019, le court du jour 3 : « Mais Triste que Chuva… » Clermont 2020, le court du jour 7 : « Arabian Night », c’est beau une fable la nuit Nos Pop’palmes au Festival du court métrage de Clermont |