« Lucent Landscapes » de David Burrows © Benoît Hické. Enregistrement de sons produits par le passage des véhicules sur une autoroute et retranscrit en courbes sonores sous forme de graphique. Un aquarium de fumée ondule au gré des courbes dudit graphique : on a tôt fait de s’abîmer dans la contemplation de ce cube en mouvement, au gré de vagues sonores très balnéaires.
< 05'06'07 >
Coupables et innocents du Fresnoy
Le Fresnoy, fameux Studio national des arts contemporains sis à Tourcoing qui sélectionne chaque année une cinquantaine d’artistes-étudiants (ou l’inverse) venus de 45 pays, présente les réalisations des promos Sartre-Beauvoir et Nam June Paik (sic), qui œuvrent cette année sous la houlette de fortes personnalités type Ryoji Ikeda, André S. Labarthe et Chantal Akerman. Pour l’intitulé général de l’exposition, Dominique Païni, le commissaire invité, s’est basé sur le procès très médiatisé intenté au CAPC de Bordeaux. Coupables ? On pense aussitôt à cette célèbre phrase du critique rock déjanté et moustachu Lester Bangs, « tout artiste est coupable jusqu’à ce qu’il prouve le contraire ». L’outrance n’est pourtant pas au rendez-vous des travaux présentés, la plupart semblant déconnectés de la thématique (slogan ?) de départ, clairement politique. Promenade détachée, donc, dans les hautes travées du Fresnoy. On tombe tout d’abord sur « Lucent Landscapes » de David Burrows, qui a enregistré les sons produits par le passage des véhicules sur une autoroute et retranscrit les courbes sonores sous forme de graphique. Un aquarium de fumée ondule au gré des courbes dudit graphique : on a tôt fait de s’abîmer dans la contemplation de ce cube en mouvement, au gré de vagues sonores très balnéaires, voire tati-esques. Immersive et ludique, cette pièce devrait connaître une vie après Le Fresnoy. Un artiste ne s’« installe » pas seulement dans l’espace, il le met en question, l’envisage, se plait à soumettre le spectateur à une expérience sensorielle et/ou intellectuelle. Ce que pratique Marie Hendricks avec « Défaire l’héritière », autour de la tension qui monte au cours du repas familial (on pense tout de suite à « Festen »). Un salon reconstitué, une table bourgeoise, des murs recouverts d’une tapisserie plutôt chargée et un écran sur lequel sont projetés un mélange de films de famille en Super 8, de photos filmées et de scènes reconstituées. Le tout forme la matière d’une installation intelligente et complexe, dont on ressort pensif, l’écheveau familial demeurant décidément un terreau inépuisable.
Passons sur Ryoji Ikeda, pas précisément une révélation mais dont le « data.tron » fait toujours son effet : cette atomisation des signes et des codes qui, propulsés sur un écran 10X15m et lardés de stridences synthétiques très minimales, crée un halo noir et blanc poétique où se lover. Ultra-moderne solitude. Au premier étage, on découvre son « data.film n°1-a », long néon qui figure une compilation de chiffres microscopiques imprimés sur un film 35mm, ce qu’on ne découvre qu’en approchant très près. Toujours cette obsession des codes et cette réflexion sur la duplicité du réel. Dmitri Makhomet, avec « Rue en rue », s’intéresse aussi à la démultiplication des signes qui font sens si on prend le temps de les observer (en des temps où la lenteur est une insulte). Sont projetées à même le sol des grappes de lettres en 3D (on dirait un tapis de feuilles mortes balayées par le vent) qui s’agrègent peu à peu pour reconstituer des bribes de vers du futuriste Maïakowski. Simple et touchant, le dispositif aurait mérité un espace dédié et une bande-son ad hoc. Ana Maria Gomes parle elle aussi d’espace, dans « Antichambre une fragilité exposée ». L’artiste a filmé des ados face caméra, dans leur piaule, ce lieu de toutes les expérimentations. Deux écrans/deux ados se font face, opérant une tension du regard de ces deux solitudes. Au final, ces jeunes sont très normaux, qui s’entraînent à danser, soucieux du regard qu’on pose sur eux, gênés, insouciants ou absents, c’est selon. On pense à un Larry Clark moins acide. Et puis, retour au cinéma, avec, entre autres choses, un film bref et si intéressant qu’il aurait pu être anglais…, « Prototype », d’Yves Akerman, esthétisant jusqu’à l’épuisement, qui met en scène un homme exécutant au ralenti une sorte de sarabande du fusillé, et semblant exploser de toutes parts. Dans « l’agnosie visuelle », Guillaume Meigneux pose à André S. Labarthe la question de ce qu’est le cinéma. Pourquoi ce souci de définition provient-il plus de champs annexes -dont l’art contemporain-, alors que le cinéma, lui, continue son bonhomme de chemin ? Labarthe, en verve et en vrac, évoque un film perdu que Godard aurait dû monter, l’invention du remake par les frères Lumière (le fameux train rentrant en gare ayant été filmé… trois fois de suite !) ou un film infini sur la rue Custine (le même trottoir filmé dix minutes par an depuis 25 ans, pour un résultat que Labarthe refuse de voir, sauf sous forme de gigantesque installation à X écrans). Le cinéma et son histoire, comment la reconstituer pour mieux la déconstruire, thèmes aussi vieux et inépuisables que le septième art lui-même.
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