Poptronics, en soutien à Mediapart, attaqué pour avoir sorti l’affaire Woerth-Bettencourt, sollicite artistes du Net et d’ailleurs pour qu’ils apportent leur lecture de l’événement. Suite de notre série (d’été ?) avec Éric Arlix, écrivain et éditeur, co-auteur avec Jean-Charles Massera du « Guide du démocrate, les clés pour gérer une vie sans projet », essai paru récemment aux éditions Lignes.
En vacances ce mercredi, le ministre du Travail Eric Woerth prend l’air pur de Chamonix, dans son appartement de (seulement) "60 mètres carrés" (c’est lui qui l’a dit sur TF1 au début de l’affaire). © DR
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Dans l’affaire en cours, par Eric Arlix

Malgré les contre-feux sécuritaires du matamore Sarkozy, l’affaire Woerth-Bettencourt ne cesse de dérouler ses révélations déstabilisantes pour le pouvoir. En soutien au site d’information Mediapart et à son boulot d’investigation, Poptronics a sollicité la participation des auteurs et artistes du Net (écouter la « Vox populiste » de Jean-Philippe Renoult et voir les remix vidéo de Systaime). Cette semaine, l’écrivain éditeur Éric Arlix, co-auteur avec Jean-Charles Massera du « Guide du démocrate, les clés pour gérer une vie sans projet », a décoché sa plume acide.

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Dans les pays les plus avancés sur le plan des privilèges qui ne décroissent pas, des privilégiés croissent et se croient tout permis. Bienvenue dans l’ère de l’enveloppe de cash, des paradis fiscaux et de la souveraineté criminelle*.

Dans les pays les plus avancés sur le plan des affaires en cours, des journaux brandissant l’indépendance et l’investigation à tout va révèlent des trucs, font leur boulot tout en jouant du buzz, concept incontournable caractérisant parfaitement l’époque.

Dans les pays les plus avancés sur le plan de la politique libérale qui veut tout solder, des vieux vont continuer de travailler sans enveloppe de cash et sans paradis fiscaux, ils feront leur boulot, sans privilèges et sans buzz, pourtant un concept incontournable caractérisant parfaitement l’époque.

Dans les pays les plus avancés sur le plan du pouvoir de la com’ et en plein Mondial, Tour de France, Dilemme, Championnats d’Europe d’athlétisme, Secret Story saison 4, des politiques, des services juridiques et des journalistes de tous les camps s’arrachent les cheveux pour faire avancer leurs dossiers dans l’affaire en cours. Pas simple ça.

Dans les pays les plus avancés sur le plan de la démocratie libérale et des interviews super préparées, un chef de l’État mono-interviewé à la télévision par un journaliste sympa décide de noyer le poisson sur une affaire en cours et puis c’est tout.

Dans les pays les plus avancés sur le plan des gros groupes, des comptables sous-payés en ont parfois marre de couvrir des affaires en cours et balancent la sauce et les carnets. Quand même.

Dans les pays les plus avancés sur le plan des leçons de morale menaçantes proférées par de futurs hommes politiques de tout premier plan, l’affaire en cours nous a livré un joli florilège de phrases à monter d’urgence dans un best-of à sortir en 2012, puis en 2017.

Dans les pays les plus avancés sur le plan des remises de médailles entre potes et des bons plans taf pour son conjoint ou sa conjointe, certains démocrates semblent découvrir tout un pan de la culture de l’avantage. Drôle ça.

Dans les pays les plus avancés sur les plans de la résistance qui ne s’organise pas, de l’insurrection qui n’est pas prête de venir et du ça va péter à la rentrée qui ne pète plus, les affaires en cours se storytellisent plus facilement, en gros le ou les démocrates des affaires en cours peuvent rester en poste. Bienvenue dans l’ère de la présomption d’innocence systématique seulement pour les huppés de tous bords.

Dans les pays les plus avancés sur le plan des affaires en cours avec révélations et rebondissements qui se succèdent dans une histoire complexe, le démocrate en short, en ville ou sur la plage, se tient au courant de l’affaire en cours tout en se disant qu’il va continuer de travailler au moins deux ans de plus sans enveloppe de cash et sans paradis fiscaux, sans privilèges et sans buzz, pourtant un concept incontournable caractérisant parfaitement l’époque.

Dans les pays les plus avancés sur le plan des affaires en cours réunissant des procédures en cours comme « Plainte pour abus de faiblesse », « Atteinte à la vie privée », « Vol et abus de confiance », « Financement illégal de parti politique ou de campagne électorale », « Trafic d’influence », « Blanchiment de fraude fiscale », certains démocrates privilégiés peuvent rester en poste et profiter de tout un pan de la culture de l’avantage. Même pas grave.

Dans les pays les plus avancés sur le plan des faveurs (pratique ancestrale et reconnue d’utilité privée) entre privilégiés, avantagés et huppés, des vieux semblent découvrir tout un pan de la culture du travailler plus longtemps.

Dans les pays les plus avancés sur le plan des affaires en cours qui traînent des années sans vraiment aboutir, les démocrates attendent cet été dans leur boîte aux lettres le sermon Hadopi, pour la rentrée l’injonction de travailler plus longtemps, et prochainement la nouvelle adresse de leur hôpital rentable situé à 200 kilomètres de leur domicile, tout ça sans paradis fiscaux, sans cash, sans médailles, sans bon plan taf et sans buzz, pourtant un concept incontournable caractérisant parfaitement l’époque.

Éric Arlix

* Alain Deneault, « Offshore, paradis fiscaux et souveraineté criminelle », éditions La Fabrique.

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