Polémique autour de l’exposition « Humain, très humain. Photographies en Aquitaine, 1987-2007 », jusqu’au 17/08 de 11h à 18h au musée d’Aquitaine, 20, cours Pasteur, Bordeaux (33). Fermé lundi et jours fériés (entrée : 5€, tarif réduit : 2,5€).
« Richard et Paul » de Christian Delécluse, tiré de la série « Untel père et fils », à l’origine d’une polémique au Musée d’Aquitaine. © Christian Delécluse
< 28'04'08 >
Cachez ces nus que Bordeaux a failli ne pas voir
(Bordeaux, de notre correspondante) Décrochage, raccrochage de photographies et polémiques autour de l’autocensure… Deux semaines après un vernissage houleux, poptronics démêle l’histoire d’une autocensure culturelle de plus, à Bordeaux, à propos de la série d’images signée Delécluse, « Untel, père et fils », décrochée puis raccrochée par le directeur du musée d’Aquitaine aux murs de l’exposition « Humain, très humain ». L’affaire commence au matin du vernissage : François Hubert, directeur du musée, fait décrocher à la hâte six photographies de la série « Untel, père et fils » de Christian Delécluse, parce que, estime-t-il, « les photographies de Delécluse (des pères dénudés avec leurs enfants, eux, habillés, ndlr) méritaient un traitement particulier, nous aurions dû trouver en amont une solution d’affichage adaptée ». Par solidarité, Denis Darzarcq décroche ses photographies sélectionnées par les commissaires Catherine Vigneron et Frédéric Delpech et convainc Rip Hopkins via la galerie Réverbère d’en faire de même, et d’en avertir la presse. Au fur et à mesure que les exposants arrivent, enfle le débat sur la position à adopter, une large majorité des présents menaçant alors de décrocher. A 14h30, une délégation de photographes se rend dans le bureau de François Hubert pour lui demander de ré-accrocher les images incriminées. « Il a fallu batailler pendant plus de 3 heures dans son bureau et menacer de décrocher nos travaux afin que notre avis soit pris en compte... Que l’exposition ait lieu », raconte le photographe Loïc Le Loët. Un arrangement est trouvé, les photos litigieuses seront raccrochées après le vernissage, agrémentées d’une cimaise spécifique et d’un texte d’avertissement léonin : « Les photographies de Christian Delécluse montrent des pères de familles avec leurs enfants. Elles ont été réalisées en 1994. Elles ont été souvent exposées et ont fait l’objet d’un livre largement diffusé. Cependant, dans le contexte actuel, la direction du musée a souhaité informer ses visiteurs que certaines d’entre elles peuvent froisser les sensibilités. » A l’exception de Denis Darzacq qui considère ce compromis « inacceptable, risible et grotesque », les autres raccrochent. Alain Juppé, le maire de Bordeaux, peut effectuer sa visite officielle en toute quiétude. Cette histoire a eu tôt fait d’enflammer les esprits, qui n’avaient pas oublié les suites désastreuses de l’exposition « Présumés innocents », en 2000, quand le directeur du CAPC de l’époque, Henry-Claude Cousseau, avait été mis en examen. Mais le musée d’Aquitaine n’est pas un musée d’art contemporain. Dans ce musée d’ethnographie, les images retenues pour « Humain, très humain, Photographies en Aquitaine, 1987-2007 » explique François Hubert, enrichiront « le fonds du musée, pour que dans 50 ou 100 ans, cette collection puisse témoigner d’une époque, au même titre que les photographies du XIXe ». En l’occurrence, l’exposition fait une place considérable à l’Aquitaine : 500 œuvres au mur, 375 de plus qui passent en boucle sur 5 écrans de contrôle provenant de l’inventaire aérien de Yannick Lavigne, prises lors de vols en ULM. A l’exception de Gabriel Martinez, dont les clichés d’immigrants portugais en gare d’Hendaye datent des années 60, les photos présentées ont moins de vingt ans, réalisées par des photographes vivant dans la région. Et l’ensemble est plutôt de belle facture entre la salle dédiée à la série « L 814 » de Loïc Le Loët qui présente 144 portraits d’anciens combattants marocains vivant aujourd’hui à Bordeaux nord, les photomontages « Corps au bord de la mer (un hommage à Gilles Deleuze) » de Pascal de Lavergne qui associent des touristes aux extraits de « Pourparlers » de Gilles Deleuze ou encore les tirages, « BFB, La grande Vitrine », de Richard Cerf, qui présentent sa vision allégorique et rétinienne de notre société de consommation. Sans oublier Francis Andrieux, Pierre Bidart, Stéphane Couturier, Pascal Fellonneau, Delphine Trentacosta et Jürgen Nefzger, Jean-Christophe Garcia, Rip Hopkins, Patrizia di Fiore, et Christian Delécluse, donc... Au final, si l’exposition est visible dans son intégralité (sauf Denis Darzacq), l’affaire a laissé un goût amer aux protagonistes. Pour Catherine Dérioz, responsable de la galerie Le Réverbère, l’autocensure est une réalité que « plus personne ne supporte » : « Nous la subissons tout le temps en amont et pour une fois, nous avons eu la chance que ça arrive jusque-là. Nous ne pouvons pas laisser gagner le principe de précaution. » Quant à Denis Darzacq, il ne décolère pas contre « ces gens qui estiment penser à notre place et à la place du public ». Laissez-nous le droit d’être choqués !
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