Préparez-vous à deux soirées en forme d’étonnants voyages. Le label Sublime Frequencies fait escale à Montreuil ce soir et demain pour faire découvrir sa musique mutante, au carrefour des sonorités traditionnelles et expérimentales. A l’origine de cette entreprise pas franchement raccord avec le nivellement culturel mondialisé, deux frangins, Alan et Richard Bishop (anciens Sun City Girls) et Hisham Mayet, entre autre réalisateur de documentaires (dont « Palace of The Wind », sur la culture des Sahraouis, projeté ce soir). En 2003, ils décident de fonder un label, ou plutôt une coopérative aux antipodes de la world music telle qu’envisagée par exemple par Peter Gabriel et son label Real World, avec leur folklore mondial à la sauce pop. Chez Sublime Frequencies, c’est plutôt à l’auditeur de s’imprégner d’une culture inédite jusqu’alors, sans nécessairement plonger dans des essais ethnico-musicologiques qui constituent le fond de commerce des collections dites sérieuses.
La quarantaine de disques Sublime Frequencies à ce jour sont souvent le fruit de collages de cassettes repérées sur les marchés du monde par un réseau de collaborateurs (dont le duo sino-américain FM3), du Sahara au Tibet en passant par la Thaïlande ou l’Amérique du Sud. « Nous ne cherchons en aucune manière à nous affilier au marché actuel de la world et sa vision triviale et vulgarisatrice », explique Alan Bishop. Cet esprit de propagande et de résistance à l’uniformisation insuffle sa politique à l’écoute d’une sono mondiale qui déchire toute étiquette, à l’instar des recherches d’un autre fou furieux de l’incunable psychédélique mondial : le mancunien Andy Votel et son label Finders Keepers.
De psychédélisme et de décadrage, il est aussi question chez l’un des plus dignes représentants de Sublime Frequencies, Omar Souleyman. Depuis une quinzaine d’années, la musique de ce héros de la pop syrienne (on estime à 500 le nombre de cassettes enregistrées) est un creuset de musique traditionnelle, d’« ataba », la soul locale, et de « dabke », une techno cheap à la syncope étourdissante. Si l’on y ajoute des touches d’oud, de percussions et de youyous, cela donne la musique la plus tourbillonnante entendue depuis longtemps, qui a rassemblé dimanche sur les pelouses de Villette Sonique un mélange joyeux de fans de noise et de rai :
Le tube d’Omar Souleyman, « Leh Jani » :
Ce soir, Group Doueh ouvrira le bal : originaire du Sahara occidental, le petit bout de terre au bord de l’Atlantique que se disputent depuis des années les Marocains et le Front Polisario. Ce groupe familial produit une musique enracinée dans la tradition locale, finalement assez mélancolique, tout en restant poreuse au rock occidental et à son groove. Sublime Frequencies produit aussi une série de documentaires qui ouvrent le regard. On recommande, outre « Palace of the Winds », « Sumatran Folk Cinema », un film collage kaléidoscopique d’images sonores en provenance de cette petite île d’Indonésie.
« Palace of the Winds », de Hisham Mayet (extrait) :