Le trio sauvage (Angus Andrew, Julian Gross, Aaron Hemphill) revient armé de "vraies" chansons, une révolution chez les papes du rock borderline © Joe Dilworth
< 26'08'09 >
Liars : « Notre disque le plus expérimental, entre Led Zep et Michael Jackson »
(Pop’archive). Décidément, Liars ne fait rien comme tout le monde. Bombardé chef de file du rock borderline et de la performance bruitiste agitée, le trio américain revient par la pop et la concision, avec un quatrième album sobrement baptisé « Liars », dont poptronics disait déjà le plus grand bien au tout début de l’été. Un démarquage bienvenu en cette rentrée où les envolées lyriques d’Arcade Fire n’en finissent plus de faire école et où un méchant revival prog-rock pointe son nez. Ce virage sur l’aile n’est pas le premier dans la carrière de Liars, abordée en quintette en 2002 avec « They Threw Us In A Trench And Stuck A Monument On Top » sur un redoutable mode punk-funk (souvenez-vous, l’imparable « Mr Your On Fire Mr »). Car Angus Andrew, Aaron Hemphill et Julian Gross nous avaient habitués à un rock toujours plus cérébral, jouant du concept comme du couteau. Le souffle court, les albums épileptiques, percussifs et malsains (mais jamais dénués d’humour), « They Were Wrong, So We Drowned » (2004) et surtout « Drum’s Not Dead » deux ans plus tard, album-pivot de cette décennie rock, avaient marqué par leur liberté de ton et leur intransigeance. Liars jouait depuis sa propre planète désolée, sautant d’un cratère à l’autre dans un hoquet de guitare, se trémoussant sur des percussions neurasthéniques ou se racontant d’improbables histoires de sorcières les yeux dans les étoiles (ceux qui veulent en savoir plus liront le dossier très complet de la Blogothèque). En retournant au studio Planet Roc de Berlin, Liars a voulu se dégager de cette exploration des tréfonds sous camisole pour composer sans carcan, concentré sur le plus pur principe de plaisir. Une démarche pas si lointaine dans l’esprit de celle de The Cure, qu’ils confessent avoir pas mal écouté pendant l’enregistrement, passé en moins de deux ans d’un « Pornography » radical et blanc comme un linge, à la pop bigarrée et futile de « Let’s Go To Bed » et consorts. Angus et Aaron, venus avec un Julian mutique défendre leur dernier-né à Paris fin juin, s’en expliquent pour poptronics : « Les albums concepts sont marrants à faire, mais parfois le concept guide trop la musique, ce qui peut être frustrant. Le challenge ici, c’était d’écrire des chansons, d’utiliser des idées plus traditionnelles. Nous écoutons Led Zep tous les jours, nous aimons Michael Jackson. Nous voulions incorporer ces goûts à notre travail. Pour ce disque, nous avons voulu nous concentrer sur l’efficacité de la musique, sur l’idée même de chanson et l’impact émotionnel qu’une chanson peut susciter sur celui qui l’écoute : en live, même s’il y a chez nous quelque chose d’une énergie instinctive, c’est parfois terriblement intello ! Nous avons travaillé sans aucune barrière, sans aucun carcan : cette fois, pas d’histoires de percussions ou de sorcières. L’expérience a été très libératrice, menée dans un mélange de peur et de soulagement : ceux qui nous connaissent n’avaient peut-être pas ce genre d’attentes stylistiques ! D’une certaine façon, c’est notre disque le plus expérimental. » Les onze titres infusés au meilleur son des années 80 défrichent avec hardiesse de nouveaux territoires. Aaron redonne de la voix et les synthés se retrouvent en bonne place. Ouvert sur l’incroyable drone de guitare de « Plaster Casts Of Everything » (« I wanna run away/ I wanna bring you to »), « Liars » tutoie le dancefloor (« Houseclouds »), parle le Beach Boys (« Freak Out ») comme le Sonic Youth séminal (« Leather Prowler ») et sent les Cramps ou le Jesus and the Mary Chain de saison (quand on vous dit que c’est une influence déterminante). Et pourtant, « Liars » ne se réduit pas à la somme de ses influences. Même lancé dans un coq à l’âne hardi (des boucles de « Clear Island » à la ballade « Protection »), même mixé par le producteur de Depeche Mode et d’Erasure ( !), Liars reste Liars : soit l’alliance féconde d’un photographe, d’un artiste visuel et d’un microbiologiste, bosseurs invétérés (« Nous ne sommes pas très sociaux ») en marge des clichés rock (« C’est très ouvert : il n’y a pas de leader, personne n’a de rôle défini »), qui ont su profiter de l’exposition médiatique de Williamsburg pour mieux s’en extraire, en filant à Berlin et en signant sur Mute. « Nous avons eu de la chance d’être à Brooklyn à ce moment-là. L’environnement était passionnant et nous avons rencontré des gens super. Nous jouions avec eux pour des bières et maintenant, nous voilà tous ensemble, (Black Dice, TV on the Radio, !!!) dans des festivals en Scandinavie ou ailleurs, c’est génial. » Visuellement aussi, les choses ont évolué depuis le travail remarquable sur « Drum’s Not Dead », où chaque morceau était illustré de trois courts-métrages différents. « Pour la première fois, nous avons fait une véritable vidéo et donné les clés au réalisateur, Patrick Daughters, dont nous apprécions le travail. Ça peut sonner traditionnel, mais pour nous c’était très bizarre. Un gars qui vient, qui a des idées sur notre musique... » A voir ici et maintenant sur poptronics, « Plaster Casts Of Everything » : Cet article a été initialement publié le 31 août 2007.
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