Le set endiablé de Mixmaster Mike, samedi 19 mai à Lyon. © Pierre Giner
< 22'05'07 >
Lyon capitale, au moins pendant les Nuits sonores
(envoyée spéciale à lyon)
Les Nuits sonores sont en passe de devenir le rendez-vous en France des adeptes de musique électronique, hissant Lyon en capitale électro à l’instar de Barcelone et son Sonar. Certes, les foules (5 à 6000 visiteurs en moyenne par soirée) sont à moitié locales. Certes, l’association qui pilote l’entreprise n’est pas encore totalement assurée du succès, les manifs de ce genre, malgré le soutien politique local (la mairie PS y voit une bonne occasion de redorer le blason « jeune » de Lyon), ayant toujours autant de mal à équilibrer leur budget. Cette année, la pluie a failli remettre en cause le fragile équilibre, mais n’a fait qu’entamer la fréquentation du début de festival, mercredi.
La particularité des Nuits sonores, ce qui fait que l’ambiance bon enfant tient 4 nuits complètes, c’est ce mélange d’apéros sonores informels, la ville prenant alors des airs méridionaux quasi-italiens, et de scènes au son impeccable, alternant programmation pointue, club et expérimental (beaucoup de mélange rock-hip hop-électro, un zoom sur New-York, une carte blanche aux Chicks on Speed et un plateau réservé au magazine « Trax »). Des siestes l’après-midi, au sein de jardins dans la ville ou sur les toits et les bateaux (croisière musicales), des nuits sans interruption sonore aux Subsistances, au pied de la Saône pour un gros son qui déchire.
On pouvait craindre la dispersion de genre, à l’instar du Sonar qui tente de donner une visiblité à toutes les musiques, au risque d’y perdre tout sens. Plutôt subtilement, les deux programmateurs des Nuits ont réussi l’alliage balancé de découvertes sonores aventureuses et de piliers de la scène électro. Miss Kittin à 4h du matin contre Violent Femmes et son blues-rock totalement décalé, Son of Dave l’excellentissime homme-orchestre bluesy-électro ouvre le bal en se lamentant : il est trop tôt pour être bourré… Avec sa guitare, son harmonica et sa pédale à sample et effets, l’ex-Crash Test Dummies tient la scène de sa voix rauque et chaude en tentant d’improbables acrobaties.
Pendant ce temps, Apparat tente de bizarres expériences sur les oreilles des Lyonnais, à base de vibrations et d’infrabasses qui font littéralement chanter les fréquences, ralentissant le tempo et menant de main de maître un set à base de mélopées limite space opéra. Et sous le hangar des Subsistances, la scène occupée par le label des Chicks on Speed dépote à tout va. C’est très foutraque et complètement brindezingue, à base de curiosités un poil formolisées type The Raincoats, le groupe post-punk fondé à Londres dans les années 70 par deux filles déjantées, et qui le sont toujours. La chanteuse tousse sur scène, pas grave, la bassiste, de l’âge des Rolling Stones, reprend le micro. Leurs refrains sont un composite bizarre de sonorités flower power et de bon vieux rock, limite amateur. Puis déboulent les hystériques Chicks on Speed, énervées et hurlantes, exigeant des « girls » qu’elle hurlent en cœur « Monster », faisant monter sur scène les trois quarts de la salle. Leur punk électro est musicalement faiblard, sauf à considérer que la colère est une forme musicale. N’empêche, elles emportent totalement l’adhésion, avec leurs tenues simili fluo (elles se dépoilent sur scène pour enfiler leurs robes anti « fashion », l’un de leurs titres) et leurs textes mélangeant hacktivisme, féminisme et harangue aux adeptes de myspace (« your space, our space »). Leur succède Angie Reed, qui fut bassiste et guitariste chez Stereo Total, et s’amuse à déjouer tous les codes musicaux en vigueur pour une performance glamoro-électro-rock.
Les programmateurs avaient réservé le plateau le plus club-techno de souche au samedi soir, et à ses hordes de vrais jeunes. Du plus local (Le Son du peuple, les DJ’s du Peuple de l’herbe, en résidence aux Subsistances), du son plus fort aussi (plus un seul endroit pour laisser les oreilles respirer), avec Surkin un énervé parisien qui passe son temps à se trémousser en composant un son composite justement, un truc à peu près inqualifiable, parfois grossièrement house, banalement daftpunkisé, à d’autres instants aérien et ludique. Mais la sensation la plus forte ce soir-là, c’est incontestablement Mixmaster Mike qui l’a délivrée, avec un set certes raccourci par rapport à ce qui était prévu (une heure au lieu de deux) mais le tempo était si speed qu’il semblait difficile à tenir plus de 60 minutes. Le DJ attitré des Beastie Boys et légende absolue du mix subjugue totalement la foule, par ailleurs plutôt tranquille, là voilà rivée, séduite, explosée par son mix ébouriffant, grand moment de turntablism (il faut le voir plier les disques pour plus d’effet en haranguant la foule). Le musicien de LA, champion du monde 1992 de turntablism, fait l’unanimité avec son mix hip hop-jazz-dub etc.
annick rivoire
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