Pierre Henry, élève de Messiaen, sans doute le plus célèbre des adeptes de musique concrète, a dirigé le Groupe de Recherche de Musique Concrète (GRMC) de 1950 à 1958. © DR
< 25'01'13 >
Pierre Henry, portrait en mode silence
(pop’50) Né en 1927, Pierre Henry est toujours en 2013 le plus important sorcier vivant de la musique concrète. Il est le premier à rejoindre son père fondateur Pierre Schaeffer, un an après la radiodiffusion des séminales « Etudes de bruits » en 1948. Les deux Pierre composent alors ensemble la « Symphonie pour un homme seul », en 1950.
Dès ces années liminaires, Pierre Henry a l’idée de séquencer sur un seul support disque les fameux sillons fermés inventés par Schaeffer, afin d’en constituer plusieurs sur une seule et même face. On a tendance à l’oublier, mais les débuts de la musique concrète sont intimement liés à la technologie du disque vinyle. Elle ne s’exprime que par la manipulation de ce support, n’ayant pas encore adopté la bande magnétique qui permettra encore plus de copier/coller/étirer le son enregistré.
Ce sera le cas qu’à partir de 1951. Dès mars de cette année-là, Pierre Henry crée son premier répertoire de sons sur « noyaux » et se découvre un goût du classement et du catalogue qui aboutira à la création d’une sonothèque qui reste la plus riche de tout le répertoire électroacoustique. Dans le même temps, il compose de nombreuses musiques de films (publicitaires et cinéma).
Ce n’est pourtant pas ainsi que Pierre Henry se fait connaître du grand public, mais grâce à d’autres croisements artistiques. En 1955, il rencontre le chorégraphe Maurice Béjart et entame avec lui une intense coopération qui court jusqu’aux années 1990. La « Messe pour le temps présent », ballet présenté en Avignon en 1967, propulse au sommet des hit-parade le fameux tube cosigné avec l’arrangeur Michel Colombier, « Psyche Rock ».
Culte sur trois générations et même au-delà, le thème de ce jerk électronique a entre autres été adapté pour le générique de la série d’animation américaine « Futurama » de Matt Groening. Malgré la notoriété du titre, Pierre Henry ne l’a jamais considéré autrement que comme un amusement. Il n’a guère plus d’estime pour son association contre-nature avec le groupe psychédélique britannique Spooky Tooth en 1970 !
Alors, Pierre Henry, imperméable aux tendances ? Rétif à d’autres formes expressions que la sienne ou celles de champs acousmatiques ? Oui, mais non, et même définitivement quand, en 1996, il travaille avec le groupe punk-folk américain Violent Femmes pour la création de « Intérieur/extérieur ». Au final, le projet se décline en une série de concerts pour 40 personnes chez lui, rue de Toul dans le douzième arrondissement de Paris, pour une œuvre qui représente pas moins de six mois de musique et de mixage, mais aussi dix ans de peinture. Le tout constitue, dit-il, « une sorte de requiem profane, de cérémonie secrète tissée avec mes souvenirs, mes coups de cœur, mes outils de travail. C’est une synthèse de mon univers personnel ».
C’est à l’occasion de cette synthèse particulière que j’approche Pierre Henry pour la première fois. Je le découvre dans son antre de vie et de travail. Notre entretien, long et passionnant, est agrémenté d’écoutes d’œuvres sélectionnées par ses soins, y compris d’autres compositeurs tel Luc Ferrari. J’en repars muni d’un Minidisc complet de l’entretien et de son « Journal de mes sons ». J’égare le Minidisc. Je le perds à jamais, je m’en veux pour toujours.
Cette étourderie coupable m’inspirera dix ans plus tard la série des « Minutes de silence de… ». Une création sonore en forme de catharsis silencieuse.
La Minute de silence de Pierre Henry, par Jean-Philippe Renoult :
Aller plus loin :
« Deux coups de sonnette », essai radiophonique de Pierre Henry pour l’Atelier de création radiophonique, 59 mn, 2005.
Le concert hommage à Pierre Schaeffer, à réécouter et revoir en ligne, le 9 janvier 2010, Pierre Henry, 29’14, sur le site de l’INA-GRM.
jean-philippe renoult
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