Hadopi à nouveau en discussion au Parlement à partir de ce mercredi 29/04, malgré les oppositions et le camouflet du 9 avril. Poptronics passe déjà à la suite, en faisant le tour des alternatives pour l’après-Hadopi.
Mardi 28 avril à l’Assemblée, devant un panel de députés de tous bords opposés à l’Hadopi, était présentée l’initiative Création Public Internet qui réunit des artistes et producteurs du cinéma (Paulo Branco et Jeanne Balibar au fond à dr.), des militants du réseau et l’association de consommateurs Que Choisir. © poptronics
< 29'04'09 >
Pistes pour éviter l’Hadopi-re

C’est reparti pour un tour à l’Assemblée nationale… A partir de cet après-midi, le projet de loi Hadopi qui prévoit d’exclure les internautes « pirates » du Net, repasse devant le Parlement après le camouflet du 9 avril, quand, à la faveur d’un absentéisme surnuméraire côté UMP, le texte avait été rejeté. Manœuvres et intimidations vont bon train depuis, et, après un passage en Commission des lois lundi, qui a encore durci le texte, il ne fait guère de doutes que le gouvernement passe en force, y compris au sein de sa propre majorité.

Malgré les critiques venues de toutes parts, malgré l’image désastreuse d’une France archaïque, et malgré la bonne volonté affichée de trouver des alternatives, madame Albanel maintient son texte. Même les députés de la majorité mettent en doute les méthodes à la hussarde du pouvoir, dans un contexte où l’urgence est toute relative. Christian Vanneste, le rapporteur de la Davdsi (la précédente tentative de légiférer contre le piratage) dénonçait hier des pratiques « pas dignes » d’une démocratie avec un retour aux « lignes les plus dures » du texte. L’UMP Lionel Tardy estime que « le texte devient de moins en moins applicable » et que le vote solennel au sein de la majorité, qui « va être très médiatisé », pousse « beaucoup de députés à se poser des questions ». Le patron des députés PS, Jean-Marc Ayrault, critique « l’intimidation et la culpabilisation » à l’œuvre. C’était hier matin, à l’Assemblée, où des députés de tous bords disaient leur opposition au texte au cours d’une réunion plutôt inédite, à l’initiative d’associations, d’artistes et de défenseurs des libertés publiques sur le Net. Comme l’amorce d’un front anti-Hadopi.

Au-delà des péripéties politiques autour du texte de loi (qui, selon toute vraisemblance, sera adopté courant mai, mais la bagarre se poursuivra au Conseil constitutionnel et devant le Parlement européen), c’est bien d’après-Hadopi qu’il s’agit. Revue des initiatives et alternatives à la loi Hadopi.

L’alliance du public et des artistes

C’est l’initiative présentée à la veille du nouvel examen d’Hadopi au Parlement, par Création Public Internet, une plate-forme née de l’alliance de l’association de consommateurs l’UFC Que Choisir, des lobbyistes anti-Hadopi de la Quadrature du Net, l’Isoc France (le chapitre français de l’Internet Society, association de Gouvernance du Net), du syndicat d’artistes le Samup et du collectif « Pour le cinéma » (qui avait signé une « Lettre ouverte aux spectateurs citoyens » dans « Libération » le 7 avril).

Devant un panel de députés opposés à Hadopi, du PC à l’UMP en passant par le Modem et les Verts, Jeanne Balibar a cité Hegel pour mieux dénoncer cette « loi inutile et dangereuse » qui risque de « nous faire rater le train de l’histoire de notre art », un art contemporain de ces nouvelles technologies qui ouvrent les « possibles d’inventions formelles et esthétiques », tandis que Christophe Honoré pourfendait le « manque d’imagination total » des défenseurs d’Hadopi, et que le producteur Paulo Branco évoquait le spectre d’une « population française sous contrôle » : « Les principaux bénéficiaires de cette loi ne sont ni les artistes ni les auteurs, puisque l’interdiction d’accès ne leur rapporte rien, mais les grands diffuseurs et gros producteurs. »

Au-delà de l’appel aux députés à ne pas voter cette loi, la plate-forme Création Public Internet souhaite réfléchir à une « alternative opérationnelle et économiquement réaliste » en organisant cet automne des Assises de la création et de l’internet. « Plutôt que de stigmatiser les consommateurs et d’envisager de couper des millions d’accès à Internet, les industries culturelles doivent dès aujourd’hui réfléchir à une nouvelle concorde : développer des modes de tarification d’accès à la culture adaptés à l’environnement numérique », expliquent-ils. En guise de réponse, les députés présents, plutôt unanimes, ont remercié les créateurs de la plate-forme de cette initiative et les ont assuré de leur soutien. Optimiste, Philippe Aigrain, de la Quadrature du Net, confiait que cette association qui a beaucoup fait pour faire exister le débat contre la loi, pourrait s’auto-dissoudre fin 2009. A suivre…

La Coalition des artistes
En Grande-Bretagne, les musiciens sont plus malins que chez nous. En tout cas, ils ont une longueur d’avance avec leur Featured Artists Coalition (qui regroupe une centaine de grands noms de la scène actuelle, de Radiohead en passant par Kaiser Chiefs, Soul II Soul, The Verve…), qui défend les droits des artistes à l’ère numérique tout en critiquant la criminalisation des internautes. L’idée d’une grande alliance des artistes contre les fameux intermédiaires de la musique a fait son chemin : en France, le site Coalition des artistes vient tout juste d’être lancé. C’est une manière, explique l’un de ses initiateurs, l’hacktiviste Jean-Baptiste Bayle, de « rebondir sur la coalition des artistes anglaise qui réclament et exigent de nouvelles façons d’envisager le rapport au public, au contrat, à la distribution de leurs œuvres » en adaptant les revendications à la situation française, « où les musiciens sont beaucoup moins politiquement impliqués, quand ils ne sont pas muselés par leurs maisons de disques » (voir le coup de gueule à ce sujet d’Henry Padovani, guitariste de Police). « C’est aussi un test sur la mobilisation potentielle des artistes », une manière pour eux de reprendre la main dans un débat qui fait le plus souvent l’impasse sur les enjeux de la création.

Le mécénat global
Parmi les solutions de financement de la création à l’ère du téléchargement, une piste n’a pas encore été explorée, c’est celle du don. Soutenue par les partisans du libre, et notamment par Richard Stallman, pionnier de l’open-source, le mécénat global repose sur l’idée que l’internaute pourrait soutenir la création volontairement, tout comme les fournisseurs d’accès à l’Internet seraient plus enclins à sortir de leur chiffre d’affaires une somme symbolique « spontanément » pour la redistribuer aux artistes et auteurs d’œuvres transitant sur l’Internet. Une sorte de licence globale non obligatoire, donc. Intérêt de la proposition : le don a le mérite d’échapper aux législations très contraignantes et spécifiques à chaque pays, et le système, fonctionnant à la façon d’une wiki fondation faisant appel à la générosité de ses contributeurs, pourrait être très rapidement testé pour juger de sa viabilité technique. Tandis que la Société française de l’Internet appelle à la mise en place d’une « Société de perception et de répartition » de ces dons, nombre d’associations discutent dans l’ombre de la mise en place d’un prototype (partisans du libre, artistes, éditeurs…). A suivre…

La licence globale
Elle avait fait les beaux jours de la Davdsi, cette mesure qui prévoyait de faire payer une taxe aux fournisseurs d’accès, sur le principe de la radiodiffusion, puis d’en reverser le montant aux différentes sociétés d’auteur. Elle revient par la fenêtre, soutenue notamment par Jacques Attali ou l’ex-UMP Dupont-Aignan pour qui c’est « la seule solution » (« on a bien trouvé le moyen de taxer les FAI pour la télévision publique », rappelle-t-il). De fait, les majors et les opérateurs Télécoms sont déjà en train d’y réfléchir, soutient Jacques Attali : « Les majors, qui ont déjà compris que la loi Hadopi ne marchera pas, sont en train de mettre en place la licence globale, à leur seul profit, en se préparant à offrir des abonnements spécifiques sur Internet qui permettront d’avoir accès à la totalité de leur catalogue, pour un prix forfaitaire, sans que chacun paie pour le film ou la chanson qu’il télécharge. » Et un Patrick Zelnik, le PDG de Naïve, s’est découvert un intérêt pour la licence globale (tout en soutenant la loi Hadopi).

Malgré cette ligne Maginot que constitue Hadopi, les lignes bougent au fond. Reste à organiser le débat et, comme le disait Christian Paul (PS) hier, à faire en sorte qu’en 2009, « penser à la culture ne signifie pas surveiller et punir ».

annick rivoire 

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< 3 > commentaires
écrit le < 13'05'09 > par < pb Hbr pb.org >
je ne vois qu’une voie pour éviter hadopi c’est l’éviter concrètement et techniquement. Plutôt simple tant que l’on reste dans une dimension nationale. car hadopi est voté et hadopi sera créé.
écrit le < 14'05'09 > par < francois.marot 6QL gmail.com >
Il me semble que le mécénat global, ca ne concerne pas vraiment un "don" des internautes. C’est plus la liberté dans le choix des artistes qui recevront la partie d’argent prélevée mensuellement sur son abonnement internet. Tout expliqué là : http://mecenat-global.org/index-fr.html
écrit le < 14'05'09 > par < annick.rivoire Uqq poptronics.fr >
Le mécénat global est encore en discussion, à partir des propositions faites par Stallman et Francis Muguet, en effet, qui imaginent plutôt de prélever une partie de l’abonnement au FAI pour financer la création. Mais rien n’empêche d’imaginer d’élargir ce dispositif des deux côtés du manche : en demandant aux FAI eux aussi de contribuer généreusement à la création, en affichant leur bonne volonté ("j’ai donné 1% de mon CA aux créateurs") et aux internautes d’abonder eux aussi à leur discrétion (certains ne donneraient rien, d’autres l’équivalent de leur budget d’achat de cds). C’est en tout cas le principe de financement des fondations américaines qui est ici envisagé. Encore faut-il en discuter et l’expérimenter pour faire avancer le débat. C’est en cours et on vous tiendra bien évidemment au courant !