Open du Paris Villette, festival des scènes virtuelles, jusqu’au 25/06 de 18h à minuit, théâtre Paris Villette, Parc de la Villette, resa@theatre-paris-villette.com et 01 40 03 72 23.
Super Duchamp, de Lucie Broisin et Seunghee Lee, revisite les Prix Duchamp en version Super Mario… © Grégoire Zabé
< 24'06'11 >
Première pour Open, le festival des scènes virtuelles
Il se passe de drôles de choses au théâtre Paris-Villette et en ligne depuis l’ouverture du premier festival Open des scènes virtuelles, la semaine passée. A l’entrée du parc de la Villette, au fin fond du XIXe à Paris, une 2CV jaune qui se prend pour une Google Car intrigue. Tout au long de la promenade couverte du parc, Eric Watt se plaît à détourner l’idée même du travelling à l’aide de cette voiture équipée d’une caméra, donc, et d’une boîte de Ricoré, l’ami non seulement du petit dej mais aussi des premières connexions libres en wifi (la boîte servant d’antenne mobile). Des fragments de « Géographies/Histoires » sont ensuite diffusés sur le site du théâtre afin d’ancrer les narrations virtuelles dans une architecture qui tend à se dématérialiser sous l’angle de la caméra. Côté parc, des tables ont été installées en extérieur pour les spectateurs de ce festival résolument hors genre. On y discute, on y voit des spectacles où les réalités sont superposées, de la scène du théâtre à la scène du Net, entre mondes virtuels et mondes fictifs. Tout le long de ce bâtiment vestige des heures fastes de la Villette (c’était l’ancienne bourse aux bestiaux du temps des abattoirs) apparaissent et disparaissent, à la manière des premiers temps du cinéma muet, des avatars venus assister (ou se perdre ?) à un concert lyrique. Il s’agit du projet de Jonathan Debrouwer, élève de l’Ecole supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg, qui a dupliqué à l’identique le plateau de la Cité de la musique dont on aperçoit la façade extérieure (de l’autre côté de la grande Halle), pour créer un jeu où le spectateur devient une sorte de passe-muraille… La pièce s’appelle « Sliders ». « La salle projetée sur la façade est la vue en transparence de la "même" salle du conservatoire », explique le scénographe virtuel qui entend « amener le spectateur à l’extérieur à penser qu’il est témoin d’une retranscription de ce qui se passe à l’intérieur de la Salle d’Art Lyrique, domme s’il voyait à travers ses murs à l’aide de rayons X. » Au théâtre Paris Villette transformé pour l’occasion (installations, projections dans les salles dévolues à l’administration, coulisses occupées par de mini-performances…), on parle en vrac théâtre, scènes virtuelles, images cinématographiques, archives et oubli, mémoire et numérique… L’historien des idées Milad Doueihi invite à la discussion discursive au cours de rencontres « carte blanche ». L’atmosphère se fait feutrée, intimiste presque, pour évoquer par exemple avec l’éditeur Maurice Olender et la doctorante Hélène Giannecchini, chargée par Jacques Roubaud de gérer les donations de l’œuvre d’Alix Cléo Roubaud, sa compagne, « archives mémoire et filiation ». Une forme de salon du XXIe siècle où la mémoire numérique revisiterait le passé. A 18h en revanche, c’est en ligne qu’ELLE s’insinue dans un happening étrange, faisant se converger toutes les narrations des autres écrits d’Open. « ELLE » (la comédienne Mélanie Couillaud) se résume à un visage qui tente désespérément de dialoguer avec des internautes sur le site du festival (et sur la page d’accueil de poptronics), avant de prendre un poste d’observation en hauteur, à l’étage du théâtre, à la nuit tombée, comme une fenêtre vidéo sur les spectateurs encore attablés à l’arrière du théâtre. A l’intérieur du Paris-Villette, mais pas sur scène, des installations attendent le spectateur pour s’animer, déroulant un flot/flux/dévers/débord/trop plein (etc.) du monologue électronique de Lucille Calmel ou encore montrant le « Baiser de la Matrice » (la vision très espérantesque de Proust par Véronique Aubouy). Chaque soir, formes courtes et moyennes s’enchaînent, entre performances, théâtre expérimental et installations. A ne pas rater ce soir et demain, la proposition d’Annie Abrahams, « Huis clos/No exit, entraînement pour un monde meilleur », où l’artiste (que les lecteurs les plus assidus de poptronics connaissent bien) compile et re-joue les séquences de six performers isolés face à leur webcam. Une façon d’expérimenter les limites et les possibles de la communication à l’ère numérique. Ailleurs, l’invitation au voyage dans les scènes virtuelles devient très concrète : « Bonjour Monde » est un métavers (univers virtuel persistant) en open source qui a été développé pour Open avec une multitude de partenaires : le théâtre Paris-Villette, les Arts décos de Strasbourg, l’Institut d’études théâtrales de la Sorbonne Nouvelle, la compagnie TF2 de Jean-François Peyret (son dernier spectacle, « Re:Walden », avait inauguré Open), le CNRS-LIMSI). Entre autres propositions de ce monde tout neuf à investir, neuf élèves des Arts décos de Strasbourg ont réfléchi à la manière forcément inédite dont on devait envisager cet « autre territoire ». Lucie Broisin et Seunghee Lee ont imaginé « Super Duchamp », réplique des expositions des prix Duchamp (qui récompensent chaque année un jeune artiste), en proposant une ballade de primé en primé incrustée dans le jeu « Mario Bros »… Bien plus marrant que bien des expos, le parcours évoque surtout l’impossibilité de modéliser certaines œuvres. Irène Tchernooustan s’est elle intéressée à l’univers pas si ruinesque que ça du « Temps des anges »… Le paysage romantique se construit non pas sur la disparition des traces d’un passé révolu, mais sur l’obsolescence d’un présent qui ne peut survivre. A découvrir en ligne après avoir téléchargé l’application Bonjour Monde ou sur place… puisque ce premier Open réussit cette gageure de proposer des scénographies qui relient deux espaces a priori bien séparés celui de la scène et celui du Net.
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