« Re:Walden », mise en scène de Jean-François Peyret, du 15 au 18/06, 19h30, d’après « Walden ou la Vie dans les bois » de Henry David Thoreau, avec Clara Chabalier, Jos Houben, Victor Lenoble, et Lyn Thibault, agents conversationnels H1 et D1, compositeur Alexandros Markeas, images Pierre Nouvel, dispositif Thierry Coduys, ingénieure réseaux Estelle Senay, développement de l’Interprète François Yvon LIMSI-CNRS, assistante pour l’Interprète Mélina Delmas, scénographie virtuelle Marie Fricout, dans le cadre du festival Open, théâtre Paris-Villette, 211, avenue Jean Jaurès, Parc de la Villette, porte de Pantin, Paris 19e, tél. 01 40 03 72 23 ou
resa@theatre-paris-villette.com .
Sur la scène du Paris-Villette, les comédiens de "Re : Walden", la nouvelle mise en scène de Jean-François Peyret, jouent avec le texte de Thoreau et avec les machines. © DR
< 16'06'11 >
"Re:Walden" re:pense la machine théâtre
Pour « Re:Walden »,, dernière étape de son parcours autour de Henry Thoreau, au Théâtre Paris Villette dans le cadre du festival Open,, le metteur en scène Jean-François Peyret creuse le rapport aux écritures : celle de l’écrivain d’abord (dont la retraite au bord de l’étang sera à l’origine de « Walden ou la vie dans les bois », en 1854), celle de la mise en scène, mais aussi celle des réseaux. Il s’agit donc dans ce spectacle de philosopher la machine « écrite », de penser au travers des voix (celles des comédiens comme celles synthétiques issues de différents logiciels) afin d’appréhender que l’écriture est également une machine, une machinerie bien rodée qui ne peut se comprendre que mot-à-mot… Jean-François Peyret transfigurait la question de l’avatar et celle des acteurs-personnages dans son « Matériau Thoreau à Mons, puis au Fresnoy. Avec « Re:Walden », le metteur en scène tente une nouvelle forme d’adaptation textuelle de Thoreau. Cheminement complexe d’une dramaturgie en écriture qui se joue en plusieurs temps. L’installation au studio national des arts contemporains en 2010 travaillait le mythe de la cabane de Walden, transformée en simple rectangle blanc sur scène augmenté des variations visuelles de Pierre Nouvel (à partir des photos prises heure par heure pendant tout un cycle de saison sur l’étang). Le parallèle avec la pièce de Michael Snow « Condensation. A Cove Story » de 2009, est évident. La version ouverte à la discussion avait eu lieu il y a un an au théâtre Paris-Villette, au cours de soirées ouvertes intitulées « Excursions Déficelons ». Et pour finir, le spectacle avec son extension dans un nouveau monde virtuel, calqué sur Second Life en mode open source, bonjourmonde.fr (développé par le Théâtre Paris-Villette, avec les Arts Décoratifs de Strasbourg, l’Institut d’Etudes Théâtrales de Paris 3, la compagnie TF2, le CNRS-LIMSI). Entre le workshop à Mons, les étapes de travail au Théâtre Paris Villette et la représentation au festival Open, Jean-François Peyret met en péril ou en tout cas tente de briser, voire de réinventer (et par la même de redéfinir sa place en tant que dramaturge et metteur en scène sur un plateau) une écriture théâtrale. Ici, les comédiens dialoguent, copient, imitent, s’imprègnent des textes qui sortent de la voix des deux « bots », les deux avatars incarnant le, ou plus exactement les, Thoreau. Car du père de la désobéissance civile, le metteur en scène a prélevé différents moments d’une pensée afin d’articuler un autre récit. Ce « Re:Walden » ne s’appréhende pas comme une simple reconfiguration ou une simple réitération d’une performance, qui chercherait à déterminer comment interpréter les extraits et le dialogue avec les deux avatars du monde virtuel. Jean-François Peyret convie ses acteurs à interagir avec les bots, ces robots qui ne peuvent dialoguer et reprendre le fil d’une discussion qu’à l’aide de mots clés préalablement choisis. Il va à la pêche à l’expérimentation, la forêt se compose d’arbres textuels aux branches parfois difficilement lisibles, il joue d’une canne à pêche agrémentée d’une commande Wii pour sortir de l’étang de Walden des bouts de phrases issues du texte de Thoreau. Tout ceci pourrait n’être que concession à une certaine gadgétisation techno, mais il n’en est rien. Bien au contraire, c’est la machine qui détermine quasiment le jeu des acteurs, dans un dialogue presque impossible. Et cette impossibilité-là, cette faille entre l’humain et l’avatar, se joue sur scène… Cette impossibilité même permet de penser, d’analyser l’écriture de Thoreau et de comprendre d’autres failles, celles de la traduction (passage d’une langue complexe, travaillée et originale de l’auteur) à un français plus lissé. Travail qui apparaît nettement dans un échange sur… le cerclage des haricots. Bien plus qu’un croisement entre deux réalités distinctes, l’acteur devient ou tente de devenir la machine, ce « bot » réinitialisant par la-même le texte, le ton, la pensée de l’écrivain… La machine s’incarne alors en l’acteur tandis que les citations de Thoreau constituent une dramaturgie, un sous-texte en cours d’élaboration, en cours de traductions, en cours d’incarnations. Dans ce spectacle, il y a bien plus à percevoir dans le processus que dans le résultat final (même si les tableaux et les situations scéniques s’enchaînent très bien). La traduction devient une tentative de structurer une écriture rugueuse, de redonner corps à une pensée de la marche, à une philosophie non pas naturaliste mais pragmatique. L’écriture se déplace comme le jeu des acteurs, s’appréhende dans le récitatif d’un texte, se lit sur des arbres, se découpe en phrases courtes puis en mots, chemine de la voix des comédiens aux logiciels de traduction, à celles des « bots », puis devient le contrepoint au pianiste qui compose sur scène une autre partition… Du plateau théâtral à l’île Deficelons (anagramme de Second Life), la transition s’opère par la voix : ils interprètent un texte qui ne se découpe, ne s’écrit que par et avec les machines. Evidemment, ici, le théâtre se déplace, il n’est plus THEATRE traditionnel, il devient tentative, exploration d’une autre possibilité d’écrire (pour le metteur en scène), mais surtout de jouer. L’acteur performe au sens strict du terme pour comprendre comment fonctionnent les ressorts d’un appendice technologique, d’une prothèse qui déjoue le sens le plus élémentaire du dialogue humain. En toute logique, cette écriture dramaturgique comporte une part d’échec, d’impossibilité de communication entre le comédien et la machine. Elle n’en demeure pas moins une tentative réelle de sortir d’une narration théâtrale. L’accident de parole du comédien, l’implacable relance des textes par les deux « bots » sur l’île permettent aux mots de prendre une autre amplitude. Chargé du poids de la traduction et d’une métaphore qui soutend les premières idées de Turing, cette écriture dévoile les limites de l’acteur, qui empêchent son corps d’être, de comprendre le sujet/objet de la machine. Penser la machine, pour penser non pas l’humain, mais l’écriture. Ce retour aux fondamentaux de la pensée philosophique pour Jean-François Peyret amorce une nouvelle écriture scénique, où la composition ne s’opère plus lors d’échanges avec les scientifiques (des sciences dures) comme pour son précédent cycle de spectacles (« Tournant autour de Galilée », « Variations Darwin », « Turing Machine »…), mais bien en face à face comme une psychanalyse sauvage, où l’analysant s’incarne par le dispositif machinique, la parole par son interprétation personnelle de Thoreau et les coupures, barrières et autres par le jeu des comédiens, à la fois acteurs, acrobates tous terrains d’une langue qui ne cesse de s’échapper. Re-échapper, ré-fléchir, re-comprendre, re-analyser : voilà ce que peut être ce « Re:Walden », donc re-venez…
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