"Video Quartet", variations sonores à quatre gigantesques écrans autour du cinéma hollywoodien. © DR
< 18'06'07 >
Replay Marclay, scratch massif à la Cité de la musique
Plus qu’une semaine pour (re)découvrir l’épatante exposition « Replay Marclay » à la Cité de la musique à Paris, et tenter l’immersion dans l’œuvre hybride du musicien plasticien new-yorkais, à travers neuf installations et vidéos où la musique est une « réalité tangible », selon les vœux de l’artiste. C’est que Christian Marclay, Américain grandi en Suisse, passe de la scène actuelle (avec John Zorn ou des membres de Sonic Youth) aux cimaises des musées avec cette obsession, opérant une plongée dans la pure tradition performative des années 70, mâtinée de recherches empruntant au cinéma ou à l’histoire politique contemporaine. Entre punk, rock et Fluxus, le parcours proposé à la Cité de la musique pour la première grande exposition de ses œuvres en France, débute par une sorte de pirouette : pas de musique à l’écran mais un interprète en langue des signes de critiques musicologiques (« Mixed Reviews », 1999-2001). Et la subtilité des termes décrivant les variations musicales de s’incarner sous nos yeux : nous n’y comprenons goutte, mais les signes se font sensuels et comme habités par une gestuelle musicale. Né en 1955, Christian Marclay, sous influence punk-rock, a lui-même mis au point en 1982 un instrument, le Phonoguitar, une platine portable qui lui « permettait de bouger et de [s]’approprier les mouvements d’Hendrix », dit-il. On le voit en jouer façon scratch, technique dont il a exploré toutes les possibilités (« Gestures », 1999). Ailleurs, c’est la guitare du blues et du rock’n’roll qu’il accroche à la queue d’un camion, encore branchée, pour composer un tableau glaçant où le son « meurt ». Subtil rappel aux lynchages des noirs au sud du Mississipi, mais aussi illustration du corps à corps furieux du musicien à son instrument. Marclay multiplie les expériences, plasticiennes, musicales ou cinématographiques, poussant le found footage (également appelé « remploi » par Nicole Brenez qui a établi la cartographie de cette pratique de sampling cinéma) un cran plus loin, en lui rajoutant collage sonore et split screen. Dans l’installation gigantesque (commandée par le Mudam en 2002) « Video Quartet », quatre écrans géants superposent des séquences mythiques de films hollywoodiens. Les extraits musicaux (du jazz aux solos à l’ukulélé, des cris aux chants d’opéra) recomposent une bande-son ludique (tiens les cuivres, et voilà la batterie, accompagnée de numéros de claquettes, on passe aux sifflets, sifflements et instruments à vent) et cinéphile (là c’est la « Mélodie du bonheur », ici « Casablanca »)… Les synchronisations sont d’une virtuosité dignes d’un chef d’orchestre, loin de la cacophonie qu’on pourrait attendre, comme si la duplication, superposition, répétition déroulait une composition amoureuse du 7ème art qui en renouvelle totalement la perception. Qu’il mange des disques (« Fast Music », 1982, simulacre de performance punk), ou qu’il immerge le visiteur dans une musique visuelle d’armes à feu (« Crossfire », 2007, à partir d’extraits de films à la gâchette facile signés Tarentino ou De Palma), Christian Marclay, qui est aussi DJ expérimental, compose depuis vingt-cinq ans une œuvre singulière, où il se « mesure constamment à la contradiction entre la réalité tangible de l’objet d’art en tant qu’objet et son intangibilité potentielle ». Montrer la musique, en interroger les effets plastiques, politiques, sociaux, sampler les images ou le son pour en extraire le substrat, sa démarche, entre punk et Fluxus, en a fait une légende de l’underground. L’exposition à la Cité de la musique le révèle au grand public, tout en lui donnant un petit vernis de respectabilité qui vole évidemment en éclats à chacune de ses interventions (concert, interview, remix…). Pour juger sur pièces (et pour tous ceux qui n’auront pas la possibilité de venir à Paris), un mini-docu avec extraits et commentaires de l’artiste (en anglais) :
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