Focus sur le compositeur hong-kongais Samson Young, qui passe des Game Boys aux casques à ondes cérébrales pour ses créations.
"The Third Pixel", concert multimédia de Samson Young (2010) au Hong Kong Arts Centre. © Yvonne Chan
< 29'12'11 >
Samson Young recompose la musique 8-bits avec ondes cérébrales

(New York, correspondance)
Alors que les joujoux numériques ont encore fait le plein à Noël dans les petits souliers des plus privilégiés, observons un arrêt sur compositions, celles de l’artiste hong-kongais Samson Young, qui passe des Game Boys aux casques à ondes cérébrales pour ses créations musicales. Une autre façon de « jouer » avec ces consoles et appendices numériques… L’artiste-compositeur né en 1979 marie la précision du solfège, issue de sa formation en musique classique, à la culture des technologies ludiques de sa génération, loin de réduire ses créations à ses propres « Machines à ne rien faire ». Son installation « Gameboy Haiku », qui continue à être exposée sous différentes formes depuis sa création en 2008, propose par exemple une combinaison de 14 Game Boys modifiées, toutes des éditions japonaises avec écrans rétro-éclairés. Chaque console affiche un caractère chinois différent qui apparaît et disparaît en douceur. Lorsqu’elles sont toutes alignées, une phrase s’affiche : « Schizophrénie typique de l’utilisation de produits japonais pour critiquer le Japon. »

En 2009, la prestigieuse Hong Kong Sinfonietta lui a commissionné « Electric Counterpoint », une composition pour orchestre et Game Boys avec performance électronique live de l’artiste. Mais c’est en 2010 qu’il replonge dans les jeux vidéos de son enfance en présentant le concert multimédia « The Third Pixel », où l’écran géant derrière l’orchestre diffuse les images de vieilles Game Boys.

« J’ai vraiment essayé d’intégrer parfaitement le son 8 bits avec les instruments de musique classique », explique Samson. « Il y avait même de la synthé vintage. Le son 8 bits possède une qualité parfaite pour construire des bourdonnements volumineux ou des motifs répétitifs hypnotiques, et il s’étale sur un spectre de fréquences que les instruments de musique classique n’approchent même pas… Pour moi, ce son est une métaphore puissante d’une enfance dépressive : c’est ce qui fait que les moments les plus "chiptunes" dans ma musique sont toujours les moments les plus émotionnels. »

« C’est seulement lorsque la technologie devient obsolète que l’art véritable peut émerger du support », estime-t-il. Ce qui ne l’a pas empêché d’expérimenter cette année la technologie la plus avant-gardiste qui soit pour une performance mettant en scène l’interaction ludique entre percussions musicales et capteurs électro-encéphalographiques (EEG). L’artiste décrit ainsi sa composition pour « ébauchon, caisse claire et cerveau » : « “I am thinking in a room, different from the one you are hearing in now” (Je pense depuis une autre pièce que celle dans laquelle vous écoutez) se veut un hommage au compositeur-artiste sonore Alvin Lucier, la première personne à créer de la musique à partir d’ondes cérébrales dans les années 1960. Les acteurs restent entièrement immobiles durant la performance, pendant que des capteurs d’ondes cérébrales surveillent leurs niveaux de concentration. Les capteurs sont reliés à plusieurs moteurs solénoïdes qui s’activent lorsque le niveau de concentration atteint un certain seuil. Le niveau de concentration est prédéterminé et intégré dans la partition musicale que les acteurs essaient de “jouer” en pratiquant la concentration ou la distraction à des points précis. Si la concentration est un état en devenir et moins prévisible, les acteurs peuvent induire un état de distraction de manière plus fiable en bougeant rapidement les globes oculaires, ce qui inonde le cerveau de stimulations-distractions visuelles. Il existe une certaine tension entre la situation “live” de l’œuvre et la réussite de la performance, qui paradoxalement dépend de la capacité des acteurs de passer outre ces conditions et la présence des spectateurs. Cette lutte constante entre concentration et déconcentration, absence et présence, est amplifiée par le son et exposée sur scène. »

« I am thinking in a room, different from the one you are hearing in now » (homage to Alvin Lucier) (2011), Samson Young, extrait :

(MAJ : La vidéo originale, retirée de la plateforme Vimeo, reste visible sur le site de l’Ars Electronica Festival, où la pièce a obtenu une mention en 2012.)

Extrapolons un peu… Et si un jeu à la « Guitar Hero » était à terme commercialisé pour des tétraplégiques atteints de trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) ? On peut toujours rêver, c’est de saison…

cherise fong 

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