Ceux qui s’intéressent aux guitares en bois le savent : la grande terre folk en Europe, c’est la Scandinavie. Hederos & Hellberg, Nicolai Dunger, José Gonzalez, Mi and Lau, Christian Kjellvander, Saint Thomas, Minor Majority, Munck and Johnson, Tobias Fröberg… c’est par dizaines que les Norvégiens, Finlandais et Suédois envahissent nos platines ces dernières années. Une compilation « Cowboys in Scandinavia », parue sur le label Fargo au début 2006, en donne d’ailleurs un joli aperçu. Un morceau y retient particulièrement l’attention, « To Hide This Way » de la Suédoise Johanna Berhan, 17 ans alors, petite pépite de folk mélancolique.

A Trondheim (Suède), Johanna joue aussi avec sa sœur jumelle, Miriam. Comme nom de scène, elles ont choisi Taxi, Taxi ! Comme la phrase que l’on prononce, bras levé, au passage d’une voiture. Comme si elles étaient pressées de fuir la famille, l’adolescence, pour sortir du cadre, aller voir ailleurs. Deux démos graciles postées sur leur MySpace leur valent un emballement inédit, qui culmine, sur la seule foi de ces deux titres, avec leur programmation dans l’excellent (et énorme) festival de Roskilde.

Leur premier ep, « Taxi Taxi ! » (Talitres/Differ-Ant), est arrivé en 2007. Sur ses six titres, les deux sœurs se livrent en toute innocence, fragiles et désarmantes de sincérité, toutes au plaisir d’unir leurs voix. Ce qui charme et émeut ici, souligné par la production juste de Björn Yttling (de Peter, Björn and John), c’est la mélancolie profonde, la grande nostalgie qui sourd de cette musique. Et les paroles, forcément ambigües : qui est ce « you » qui revient sans cesse dans leurs chansons ? Elle ou lui ? Au son d’un piano fatigué et de guitares discrètes, l’échange entre Johanna et Miriam Bernheim semble préparer la séparation à venir, la vie hors du cocon, après dix-huit années de complicité intense. Elles sont ce soir au Divan du monde à Paris, et égoïstement, on espère qu’elles partageront encore longtemps le taxi.

matthieu recarte