« La dégelée Rabelais », une trentaine d’expositions en région Languedoc-Roussillon jusqu’au 28/09, coordonnées par le Frac.
"Sans titre", de Natacha Lesueur, à voir dans l’exposition "Moins ne serait pas assez !" qui lui est consacrée au PPCM de Nîmes, une des bonnes surprises de "La Dégelée Rabelais". © Natacha Lesueur
< 29'07'08 >
« La dégelée Rabelais », jusqu’à l’indigestion
(Montpellier, Languedoc-Roussillon, envoyés spéciaux) Après « Chauffe Marcel » autour de Duchamp il y a deux ans, et avant Casanova dans deux ans, voici « La dégelée Rabelais », concept artistique estampillé Languedoc-Roussillon, qui ramasse une trentaine d’expositions autour de la figure de François Rabelais et constitue le plus bel alibi culturel des politiques de la région. La « Dégelée Rabelais » ou bienvenue dans la Grosse Artillerie Touristique. Poptronics élitiste ? Oui, puisqu’il s’agit ici de défendre les artistes et leurs créations au lieu d’adhérer à ce nouveau concept d’exposition qui consiste à plaire à la fois à un public local et aux touristes, tout en « valorisant » des lieux dits de patrimoine - au passage, art contemporain et patrimoine, ça commence à devenir un vrai lieu commun. A vouloir tout caser sous le label Rabelais, les organisateurs manipulent œuvres et artistes, sans aucun sens du repère chronologique, sans souci de généalogie entre les textes (ici, on inscrit les citations sur les cimaises), en faisant abstraction du sens premier des œuvres, qui ne fonctionnent ni comme citation, ni comme illustration d’une œuvre littéraire. Chaque expo s’inspire d’un thème rabelaisien, via une figure (Gargantua, Pantagruel, Panurge, Bacbuc la dive Bouteille…), un sujet (la nourriture, la guerre, le langage…) ou des passages précis de l’œuvre (les paroles gelées, la déclaration de Priape au Livre V…). Ça, c’est le principe. En réalité, n’importe quel visiteur pourra se rendre compte que cette manifestation camoufle la promotion de certains au détriment d’autres. Cette année, le grand gagnant est Gentil Garçon, et quelques lots de consolation ont été distribués à Natacha Lesueur et Pierre Joseph (ce qui n’est pas pour nous déplaire). A Montpellier même, parallèles rabelaisiens Heureusement, toutes les structures accueillant des expositions autour de cette dégelée ne sont pas déshonorantes, celle au Crac de Sète, « Sens dessus dessous » constituant l’admirable exception d’un ensemble éminemment déceptif (et on y revient donc très vite). A sauver également, « Imago Mundi », l’exposition construite et réfléchie de la galerie Iconoscope, sans doute la moins éloignée de Rabelais, dont on retiendra les œuvres de Michel Blazy et Julien Discrit. Le premier travaille sur le pourrissement, le cycle de la vie organique, qu’il dompte en sculptures presque florales, dans une œuvre mutante, empreinte du temps, de l’éphémère et de ses aléas. Le deuxième, géographe versé dans la cartographie artistique, propose avec « Infra mince (Mont-Blanc) » (2007), un bloc de résine où une volute de poussière dessine la ligne de séparation entre le ciel et une chaîne de montagnes, comme un hommage contemporain à « l’élevage de poussière » de Man Ray. De même, Carmelo Zagari, à la galerie Chantiers Boîte noire, relève le défi Rabelais avec sa « Folie douce », exposition d’une série de dessins grand format et de quelques estampes. Mélangeant adroitement le carnaval à la commedia dell’arte, l’œuvre chancelle, décale astucieusement les motifs, le rire se fait larme, et le tragique se pare de touches comiques, subtilement malicieuses. « Comme un gamin, explique-t-il, j’ai interprété une seule image, Pantagruel et sa bedaine, et glissé dessus. Pantagruel, c’est la question du temps : d’abord la nourriture, puis l’apprentissage, puis la métaphore à travers l’imagerie des colosses, enfin la séduction. Mon système marche en cascade : chaque pièce est montée comme un immense train, l’ensemble fait acte de sens. » Plus loin (trop loin ?) de Rabelais De prime abord, « Homeless by design », l’exposition de Lionel Scoccimaro à la galerie Aperto semble très éloignée de Rabelais, sauf à considérer l’auteur comme un sociologue satirique ! Mention spéciale néanmoins pour cet artiste marseillais, sorte d’Ed Templeton français, qui passe tous les codes des skaters et surfeurs US à la moulinette sculpturale (du néon au plâtre). Marques et logos se trouvent ainsi gravés dans le bois d’un banc public aux pieds chromés façon grosses cylindrées américaines. Indice qui fait monter l’agacement, le choix de l’ancienne Ecole de médecine, La Panacée, comme lieu d’expo… Rabelais s’était inscrit en septembre 1530 à la Faculté de Médecine de Montpellier. Partir d’une anecdote biographique constitue sans doute un bon prétexte à exposition. Dans le cas présent, le prétexte devient argument. Toutes les œuvres doivent ainsi faire implicitement référence à Rabelais. Cas le plus exemplaire de cette dérive rhétorique, l’artiste américain Paul McCarthy, dont les références littéraires sont plus proches de William Burroughs et autres écrivains de la subversion que de Rabelais. Si les organisateurs ont lu Rabelais, ils ont peut-être oublié « Ce que les métaphores signifient » du philosophe Donald Davidson… Car à tisser des métaphores, se perd le lien avec le sens premier. Et les œuvres sélectionnées, à l’instar de « La Main à deux pouces » de Belge Erik Duyckaerts, dialoguent plutôt avec la tradition des écorchés et la pratique de l’anatomie qu’avec la figure et la descendance de François Rabelais. On oubliera très vite également l’exposition « Pantagruel, la Vieille et le Lion » au Carré Sainte-Anne de Montpellier, où des œuvres particulièrement intéressantes (Daniel Spoerri, Lawrence Weiner, etc.) sont littéralement manipulées pour servir de ring à la bataille pathétique de deux géants, dont l’un « Soucia Machina (Hulk) » est l’œuvre du Gentil Garçon. Il s’en explique : (durée : 2mn30) Hors les murs, dans la « Gorge profonde » Sous le Pont du Gard, sans doute la meilleure exposition après Sète, « Gorge profonde de Gargantua ». Vous pensez à mal ? Et bien non… Pour le commissaire Emmanuel Latreille, sous le pont se construit « l’analogie avec cette gorge, un tuyau dans lequel passeront de multiples réalités naturelles ou culturelles, avalées ou vomies, absorbées ou régurgitées dans le sens le plus organique et une énergie presque pulsionnelle. » En fait, on y redécouvre avec grand plaisir des films de Gianni Motti, Claude Closky ou encore des Suisses Fischli & Weiss.
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