Graines et sa plante collectée dans la nature et envoyée à Seedsburo avec ses coordonnées géographiques. Une manière de garantir devant des tribunaux que les plantes poussent librement. © DR
< 14'02'11 >
Valentin Lacambre, du logiciel libre aux plantes libres
Green rush est depuis peu un rendez-vous parisien consacré aux projets qui traitent, de manière critique, ludique, technologique ou tout cela à la fois, de l’agriculture, de l’écologie, du « green business ». Derrière cette initiative qui se tient au Chapon rouge, Andes Sprout Society, dans l’Etat de New York, qui réunit agriculteurs et artistes, dont Shu Lea Cheang, laquelle a imaginé cet événement -« puisqu’il faut aller vite partout, et pourquoi pas pour l’écologie », dit-elle en riant. La ferme américaine accueille des résidences d’artistes autour de projets liant agriculture et technologies, et plus particulièrement la thématique « future seeds » (les graines du futur).
Présenter des initiatives originales, discuter de sujets sérieux autour d’un plat (Shu Lea aux fourneaux, les autres doivent apporter une bouteille pour partager le moment)… Après les premières rencontres Green Rush en octobre avec le collectif Refarm the City et l’Atelier d’architecture autogéré, Green Rush propose deux nouvelles soirées pour interroger cette fois-ci l’appropriation du vivant à travers les graines, en particulier leurs modes de production et de dissémination (ce lundi) et les différentes formes d’utopies dans un monde « post-crash et post-capitaliste » (mardi).
Ce lundi, l’équipe de Green Rush accueille, avec la complicité d’Annick Rivoire de Poptronics, le lancement du projet Seedsburo de Valentin Lacambre, pionnier de l’Internet indépendant, fondateur de l’hébergeur Altern et du registrar Gandi. Seedsburo est un projet pour libérer les graines qui poussent autour de nous. Seedsburo invite chacun à cueillir les graines et fleurs présentes dans l’espace public et à documenter leur provenance, afin que le catalogue des plantes du projet permette d’empêcher des entreprises de se les approprier, si nécessaire à travers une action judiciaire.
Seedsburo est la face visible, participative et contributive, de l’autre projet de Valentin Lacambre, Bongraine.info, un « semencier spécialisé dans la fabrication et la distribution de semences adaptées à une agriculture biologique », explique-t-il. Il s’agit de proposer des « semences fermières, de lignées stables et libres d’usage, 100% biologiques, pour le jardin ou pour la ferme, des variétés sélectionnés, adaptées à la clientèle des circuits courts ». Contrairement à Seedsburo qui s’adresse à un large public, Bongraine est avant tout destiné aux « agriculteurs qui envisagent de passer à une agriculture biologique avec des variétés génétiques qui leur assurent un meilleur rendement financier qu’en agriculture conventionnelle ».
L’intérêt pour un projet dédié exclusivement aux graines pourrait étonner de la part d’une personne si impliquée dans l’Internet. Pour Valentin Lacambre, « la liaison entre les logiciels libres et les semences biologiques est la notion de “bien commun”. Les plantes étaient là avant nous. Toutes les variétés brevetées ou sous copyright ont pour origine des plantes libres, poussant dans la nature sans intervention humaine. Il en va de même pour les logiciels qui ne sont pas autre chose que des formules mathématiques emboîtées, et les mathématiques préexistaient sinon à l’homme, du moins aux industriels. Dans les deux cas, l’époque est à la privatisation de ce qui n’appartient à personne : les idées et les gènes. »
Les biotechnologies sont d’ailleurs souvent vues comme un lieu d’innovation, comme a pu l’être l’Internet à la fin du XXe siècle. Pour Valentin Lacambre, « par bien des égards le monde des gènes est un nouveau Far West, l’agriculture dite conventionnelle détruit les terres et les corps, les semenciers et les laboratoires pharmaceutiques piratent la biodiversité, on affame des peuples en dédiant leur terres à l’exportation, la synthèse d’ADN informatisée met la fabrication des chimères à la portée de tous. Le monde d’Internet n’est plus le Far West qu’il a été. C’est certainement un succès et un grand outil de libération des peuples, mais je préfère les territoires vraiment sauvages où il y a plus de place pour les idées neuves… »
Demain mardi, c’est la projection du film « Les Sentiers de l’Utopie », d’Isabelle Fremeaux (prof en Media and Cultural Studies à Londres) et John Jordan, artiste activiste chez Reclaim the Street et l’Armée des clowns, qui fera débat. Tous deux ont fondé The Laboratory of Insurrectionary Imagination pour réaliser ce livre-film-blog présentant une douzaine d’expériences de « vie post-capitaliste ».
« Les Sentiers de l’utopie », Isabelle Fremeaux et John Jordan :
anne laforet
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