Baltimore s’affirme décidément comme un vivier de têtes chercheuses musicales. Dernier venu : Yeasayer, après leurs anciens copains de classe Animal Collective ou Jackie O. Motherfucker. Il y a un an, perdu dans le gargantuesque fichier de présentation de South By Southwest (près de 730 MP3, un par groupe invité du festival texan), on s’arrêtait sur le solaire « 2080 » aux harmonies vocales perchées et aux ruptures incessantes.

Yeasayer - « 2080 »

(merci à Differ-Ant)

A l’automne, leur premier album à rebours des canons pop confirme. « All Hour Cymbals », première référence du label We Are Free, est un long mantra magmatique, pétri d’expérimentations traversées de synthés, sitar, tambourins ou basse slappée, porté crânement par des entrelacements de voix entêtants. Entre world urbaine, psychédélisme déviant, doo-wap orientalisant et folk synthétique, cet album touffu, bizarre, toujours sur le fil du rasoir, tente de réconcilier les harmonies gospel avec les polyrythmies des Talking Heads, la pop robotique de Depeche Mode et les ambiances tordues d’Animal Collective, le vilain rock progressif et les Beach Boys. On est donc très curieux d’entendre sa transposition en concert (ce soir au Nouveau Casino, demain à Saint-Malo), d’autant que ceux qui ont déjà vu ces quatre garçons mal assortis aux dégaines improbables (Village People indie ?) ne tarissent pas d’éloges.

« Nous avons pris l’habitude de parler de psych-pop-snap-gospel moyen-oriental pour décrire notre ouverture musicale ! », explique le groupe par mail. « Nous voulons sortir du spectre typique de la pop : nous nous sommes lassés des guitares et revendiquons le Moyen-Orient comme une grande source d’inspiration. » Une prise de position qui tient lieu de viatique dans l’Amérique en guerre. « Nous sommes désabusés face au rôle de policier du monde que jouent les Etats-Unis. La présidence Bush a encore perfectionné la technique de gouvernement par le secret, les mensonges et la corruption. » Activistes et lettrés, ils citent l’explorateur Richard Burton, le philosophe anar John Zerzan, John Boorman ou John Carpenter, et sont tout à fait de leur époque : « 2080 » est disponible depuis bientôt un an sur leur site. « Quoi de plus efficace qu’un téléchargement gratuit aujourd’hui ? Nous nous adaptons à cette époque où la musique devient gratuite dès qu’un CD est disponible en peer-to-peer. Les artistes gagnent leur vie en tournant. Il est donc de notre intérêt que le plus grand nombre connaisse notre musique, en espérant que ça les encourage à venir nous voir jouer. » En avant-goût, une toute fraîche première vidéo.

Yeasayer - « Wait For The Summer »

matthieu recarte