Distribution aux Etats-Unis d’1,2 million d’exemplaires d’un New York Times daté du 4 juillet 2009 annonçant la fin de la guerre en Irak (avec site Internet ad hoc), le dernier hoax médiatique, le plus énorme aussi, des Yes Men.
L’annonce de la fin de la guerre en Irak... un hoax signé des Yes Men. © DR
< 14'11'08 >
Un faux New York Times ? Yes Men, we can !
« Je savais que les choses changeaient en Amérique, mais je ne pensais pas que ça irait si vite. » Le lecteur qui commente ainsi la Une du « New York Times » de mercredi matin n’a pas encore compris qu’il a affaire à un faux. « Fin de la guerre en Irak », titre le quotidien. Mais c’est l’histoire du plus grand hoax de l’histoire des médias. Montée en grand secret depuis des mois par les Yes Men, une équipe de journalistes, des associations et plus largement de soutiens à Barack Obama, l’opération a une ampleur rarement vue : 1,2 million d’exemplaires d’une édition ressemblant comme deux gouttes d’eau à la maquette du « New York Times » ont été distribués le 12 novembre au matin, à New York, Los Angeles, San Francisco, Chicago, Philadelphie, post-daté du 4 juillet 2009 (la Fête nationale américaine, Independance day), annonçant la fin de la guerre en Irak. Des milliers de volontaires s’étaient préalablement inscrits via le Web et se tenaient prêts à diffuser le journal (gratuitement), qui imagine non seulement la fin du conflit irakien (avec photo de course en sac dans un pays arabe pour illustrer la joie des Irakiens…) mais aussi un plan économique pour bannir le lobbying, limiter les plus hauts salaires à quinze fois maximum le salaire plancher ou encore les progrès très conséquents accomplis en matière de réchauffement climatique. Au même moment était mis en ligne un clone du site du NYT, reprenant de la même manière la maquette du site de l’institution de la presse américaine. D’après l’agence Associated Press, les auteurs de ce canular entendaient « encourager l’administration du président démocrate Barack Obama à tenir ses promesses ». Derrière la vaste opération sont listées des dizaines d’associations de défense des droits civils, de lutte contre la guerre en Irak ou pour les droits des malades, jusqu’à Reporters sans frontière. Le site Gawker a levé le suspense en révélant que derrière le site « becausewewantit.org » se cachaient à peine les Yes Men, les hacktivistes les plus rodés aux canulars médiatiques (souvenez-vous, Exxon ou l’OMC ont été les victimes de leurs fausses conférences hilarantes). AP ajoute que le journal déjà collector n’a pas coûté plus de 100 000 dollars (78641 euros), une coquette somme levée grâce aux micro-dons online (à l’instar de la campagne d’Obama). Selon nos informations, la somme a été réunie en moins de neuf jours début septembre, après l’annonce sybilline que les Yes Men préparaient une action contre la guerre en Irak. Pour Steven Lambert, l’un des « journalistes » de ce faux numéro, enseignant à la Parsons New School for Design en "design subversif" (en compagnie d’Andy Bichlbaum des Yes Men) et à l’origine de l’Anti Advertising Agency (l’agence antipub), « ce journal donne une vision de qui est possible si nous travaillons tous ensemble ». Visionnaire ? Pas que. Le canular est tout à la fois transgressif et spectaculaire, c’est un « formidable instrument de guérilla communicationnelle, une arme non conventionnelle de perturbation du discours dominant », rappelait ici-même André Gattolin, spécialiste en la matière. Qui ajoute aujourd’hui : « Ce faux est aussi un outil pour aider l’aile progressiste de l’entourage d’Obama face à ceux qui disent qu’il faut attendre et ne pas brusquer les réformes. » Et les fausses pubs du faux NYT, comme celle pour les diamants De Beers (contre l’achat d’un diamant, le joaillier s’engage à financer des prothèses pour l’Africain qui a perdu sa main dans l’un des sanglants conflits du continent autour des diamants »), n’ont pas peur d’aller trop loin. Monsanto se transforme en promoteur de la coccinelle (excellent pesticide naturel). Les « off the record », renommés « for the record », fournissent un réjouissant exemple de flagellations médiatiques où le faux New York Times reconnaît que son modèle fondé sur la publicité n’est pas compatible avec les impératifs climatiques ou le pacifisme, et renonce de même à ses pages « auto »... Politique, économie, médias, tout le monde en prend pour son grade, et c’est ça qui est bon… A voir, cette vidéo de la distribution et les premières réactions des new-yorkais : Et le faux « New York Times » en PDF :
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