Interlligence, le dernier projet réseau de David Guez passe par le mail.
"Ma carte" visualise les mails de Christopher Paul Baker, ses amis, ses contacts, son moi-mail. Au contraire, David Guez propose d’entrer en contact avec des inconnus. © http://christopherbaker.net/projects/mymap Christopher Paul Baker
< 05'09'07 >
Un inconnu vous a laissé un message

Ce serait comme l’invitation dans une chambre noire qui flotterait dans le cyber-espace. Il y aurait des échanges textuels mais aucune transaction. On y engagerait anonymement la conversation avec des inconnus, nombreux. Elle pourrait se poursuivre à deux, sur un mode plus secret. Le mail, la forme d’expression la plus basique et la plus partagée sur le Net, serait le médium. L’Interlligence, dernier projet de David Guez, net-artiste émérite et collaborateur de poptronics, est présenté sur le mode provoc par son auteur comme « les backrooms de l’altérité ».

Plateforme, matrice, service, jeu, œuvre d’art… Il n’est pas aisé de circonscrire la chose qui se pose comme une sorte de peer to peer du courrier électronique. Le principe est limpide, simplissime même. On s’inscrit sous peudo sur www.interlligence.net en donnant son adresse e-mail. Celle-ci entrée dans la base de données, il est possible d’adresser un mail à d’autres inscrits, sélectionnés aléatoirement dans la base. Le message est envoyé à echo@interlligence.net. De un à dix correspondants au maximum reçoivent le message. Certains répondront peut-être, et la correspondance se poursuivra alors à deux. Votre message peut tout aussi bien ne pas trouver d’écho. La zone d’incertitude et de hasard qui fonde l’Interlligence permet des échanges non cadrés.

« Le point de départ était l’envie d’envoyer un mail à quelqu’un que je ne connaissais pas », explique David Guez. « Je ne voulais pas de discussion en temps réel ni d’échanges avec des proches. » Bien sûr, il y a la possibilité des chats, des jeux, des sites de rencontres, les forums, les amis des amis sur Facebook. Mais, si on n’avait ni l’envie de rencontrer quelqu’un, ni de parler d’un sujet convenu avec d’autres avertis, ni de faire des relations publiques professionnelles... mais d’avoir accès à autre chose.

« Il me semble que la finalité d’un monde de machines connectées est bien cette possibilité de ne plus jamais être seul tout en respectant le silence et la retenue des autres. L’Interlligence serait ainsi ce médiateur d’un réseau social non contraignant, c’est-à-dire cet outil de mise en relation en temps différé qui transcende les thématiques : parler de tout, poser toutes les questions, répondre soi-même aux questions d’autrui, cet "autre" du réseau qui prend soudain vie devant soi », poursuit David.

A voir ses préoccupations sur poptronics ( Boot-05’ sur les séductions dangereuses du Web 2.0), l’Interlligence fait un pied de nez aux cadeaux potentiellement empoisonnés des marchands du Web 2.0. D’ailleurs, le fil rouge de toutes les œuvres de David Guez, depuis ses débuts, est que chacune à leur manière pose la question de l’utopie du réseau. L’Interlligence fait partie d’un méta-projet, plus vaste et englobant, l’actualisation d’un « hypermoi qui récapitulerait dans un grand mouvement notre rapport intime au réseau. » Selon son auteur, « ce projet est une tentative affirmée de mise en place d’un réseau aérien et fragile dont l’écume des pensées collectives traverse le temps et l’espace, d’un instant. » Métaphysique et stimulant.

laetitia sellam 

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