Peu visible sur la scène artistique institutionnelle, le net-art est pourtant bien vivant. La preuve, il bouge dans tous les sens. Tour d’horizon des tendances 2007 qui feront le sel de 2008.
Grâce à « Broken Self » de Rafaël Rozendaal, on peut d’un seul clic briser virtuellement son écran. © DR
< 04'01'08 >
2008, le net-art dans ses œuvres
Malgré le grand retour sur le devant de la scène du Net en 2007 (depuis la campagne présidentielle jusqu’au rebond de la net-économie, entre appétit pour le Web 2.0 et mannes financières pour les réseaux sociaux), le net-art n’a pas été à la fête cette année. Réduits à une portion plus que congrue dans les expositions en France, moins « tendance », confinés dans des manifestations désargentées, éclatées, sous-médiatisées (on parle ici de la situation française, qui n’est de toute façon guère favorable à la culture en général, sauf si l’on appelle culture Hermès, Disneyland et TF1), les artistes des nouveaux médias collent pourtant toujours autant à la réalité des réseaux. Techno-mélancolie Moins drôles et ludiques, plus sombres et politiques, leurs créations ont pointé la déshumanisation des réseaux qu’on dit pourtant sociaux, ont stigmatisé la nouvelle émotivité électronique (fais-moi mal ou les sensations extrêmes convoquées pour donner l’illusion d’une vie plus trépidante), et cherché à décortiquer ces machines, pour sortir d’un cybernétisme daté et s’installer plutôt, comme le disait François Roche lors d’une rare conférence à Paris en décembre (dont les archives vidéo viennent d’être mises en ligne par The Upgrade !), dans « une mélancolie joyeuse d’un paradis perdu ». Toujours pas de musée, mais des festivals L’art des nouveaux médias en 2007 a sans doute perdu son innocence, pour gagner en intensité. Et tant pis si les institutions sont encore cette année à la traîne : ni Transmediale ni Ars Electronica en France prévus en 2008, même si l’intrusion des arts technologiques dans les festivals est aujourd’hui acquise. Ceux de musique électronique (les Nuits de l’Ososphère à Strasbourg, les Nuits sonores à Lyon), la Nuit blanche à Paris sont quelques-uns des rendez-vous du net-art. Nombre de petites manifs ensuite diffusent la culture électronique, d’Aix-en-Provence à Perpignan, de Pau à Maubeuge, et le virus, s’il peine encore à s’installer dans les « grands » musées, n’a pas reflué. La décision de nommer enfin une équipe pour la future Gaîté numérique à Paris est la bonne nouvelle de la fin d’année. Une débauche d’intime Entre l’Intimacy à Londres et la « web-intimité » de la cinquième Nuit numérique de Reims, intime, c’est le mot-clé de 2007. L’explosion des Facebook, Youtube et autres MySpace n’y est pas pour rien, comme le met en lumière la net-œuvre simplissime et ô combien ironique de Nicolas Frespech. « Add to friends : my myspace » ne s’occupe plus que de la fonction relationnelle du site communautaire : l’art de se faire des amis en un seul clic ! Nous voilà donc le 184 525e ami de Nicolas Frespech. « Préserver l’être humain dans la communication interconnectée mondiale » : Annie Abrahams pose cette question de façon têtue depuis plus de dix ans et s’est associée avec Nicolas Frespech et Clément Charmet pour une installation-performance délicate, « L’un la poupée de l’autre », présentée en France et à l’étranger. L’avatar et le double sont des figures à apprivoiser ou à manipuler et toucher… Voir à ce sujet les pérégrinations de l’avatar Jel Olaria dans Second Life (et l’interview croisée des Ultralab - auteurs d’une belle exposition-phagocyte à Paris cet automne, l’« Ile de Paradis » - avec Agnès de Cayeux ici-même pour un pop’lab exploratoire de nouvelles relations amoureuses). A l’autre bout du spectre, les jeux de main qui substituent aux joystick les sous-vêtements sont un autre moyen de retrouver le sens du toucher, de façon radicale, proposition signée JennyLC Chowdhury avec « Intimate controllers ». Le néerlando-brésilien Rafaël Rozendaal a voulu avec ses 7 sites mis en ligne en 2007 nous faire toucher l’univers virtuel, soit en brisant le verre de notre écran (« Broken Self »), soit en jouant à un billard interplanétaire (« Future Physics »), soit en offrant un miroir kitsch à notre souris (« Mirror Mouse »). Et sa toute dernière proposition, primée par Rhizome, est comme le reste de ses net-œuvres, minimaliste : « Jello Time » mime la fameuse gelée anglaise. A tripatouiller sans modération. Le net-art déborde du Net ? L’information s’échappe du Web par le Wap, SMS et autres MMS, et le bon vieux réseau Internet accueille de nouveaux univers virtuels, les MMORPG, dont Second Life a été le porte-drapeau médiatique 2007. Les artistes y sont déjà présents, à l’instar des pionniers de 0100101110101101.org, Eva et Franco Mattes, qui, après avoir tiré le portrait d’avatars de Second Life, rejouent les performances les plus célèbres de l’histoire de l’art. En quelque sorte, une deuxième vie aussi pour cet art éphèmère. Lors de la Nuit blanche, les artistes français ont fait leur « Second Night » (plutôt perturbée par les slifers, pas très contents de l’opération). Ces plate-formes Web que les artistes se réapproprient étaient au centre de l’exposition en Allemagne « My Own Private reality ». A titre d’exemple, cette vidéo minimale de Cory Archangel qui ne retient de Youtube (le site le plus populaire de partage de vidéos) que sa boucle finale. « Blue Tube », Cory Archangel, 2007 : Fais-moi mal, le Net Toujours plus loin, encore plus fort. En 2007, le cyber body art nouvelle manière s’est émancipé, entre le Souterrain porte IV à Maxéville et la Demeure du chaos s’invitant à la Biennale de Lyon, décomplexé et suractif. Demeure du chaos, « la Biennale borderline » :
La « PainStation » des Allemands de //////////fur//// ou le « Wifi-SM » de Christophe Bruno avaient ouvert la brèche des accessoires techno qui font mal. En 2008, gageons que l’artiste autrichien Gordan Savicic fera sensation à la Transmediale de Berlin, avec son « Constraint City » (la ville de la contrainte), une installation ambulante avec corset wifi qui se resserre dès que l’on entre dans une zone où l’accès au net par wifi est restreint par des mots de passe. Et que certains visiteurs de la Transmediale se feront peur avec « Knife.hand.chop.bot » (« couteau.main.couper.robot ») de 5voltcore. Le jeu du couteau, vous connaissez ? C’est le même principe, il suffit d’entrer sa main dans une machine qui active un couteau entre nos doigts à un rythme progressif. Stressant. La sueur sur la main du joueur déclenche des bruits et rend le mouvement du couteau un peu plus aléatoire, la peur augmente et casse la confiance humain-machine indispensable à ce type d’interface. « Knife.hand.chop.bot », un avant-goût :
Software/Hardware par et pour artistes 2007 a vu l’explosion de l’environnement de programmation Processing (lauréat d’un prix Ars Electronica en 2005). Conçu par Casey Reas et Ben Fry comme langage d’apprentissage de la programmation informatique appliquée aux arts électroniques (à la suite du mythique « Design By Numbers » de John Maeda), Processing est extensible, multiplateformes et libre, développé par une communauté d’artistes et de designers. Parmi les projets réalisés récemment avec Processing, les « Champs d’Ozone » du duo HeHe où la couleur du ciel varie selon le taux d’ozone, « The Sheep Market » qui retourne le concept de « crowdsourcing » (l’utilisation des internautes pour effectuer de simples tâches contre des micropaiements)), la performance « Ekphrastic objects » de Jeff Guess, ou encore le « Pigeon Blog Project » de Beatriz da Costa qui visualise la pollution urbaine. Processing se déploie également hors écran (l’ordinateur s’ancrant de plus en plus dans le monde réel, contrôlé par, et pilotant des objets de tous les jours) dans des réalisations rassemblées sous le terme « physical computing », dont « Arduino », une carte électronique en développement libre qui permet de créer des objets interactifs autonomes ou de relier à un ordinateur capteurs et actionneurs. Son faible coût et sa facilité d’utilisation en font un outil privilégié pour les artistes.
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commentaires
écrit le < 05'01'08 > par <
dgspa Rm4 free.fr
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excellent merci à l’équipe, ça fait plaisir David Guez
écrit le < 06'01'08 > par <
lozano eo8 provisoire.com
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Très bien de faire ce bilan de fin d’année, très utile... et hop ! dans mon bookmark
David Guez « expérimente sans attendre » avec les éditions L
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