« Junk », exposition de Denis Robert, galerie W, 44, rue Lepic, Paris 18e (métro Abbesses), jusqu’au 30/10.
GEE-clearstream
< 28'09'09 >
Clearstream : Denis Robert attaque par l’art

L’affaire Clearstream et ses rebonds politiques nauséabonds occupent le devant de l’actualité, le président Sarkozy s’étant (encore) distingué par un lapsus non seulement révélateur mais surtout extrêmement dangereux (« coupable » a-t-il dit pour parler des prévenus du procès qui a débuté la semaine dernière). Le duel du duo de la droite jacobine française, Villepin v/s Sarkozy, le grand contre le petit, la rivalité/haine qui transforme le procès Clearstream en vaudeville politico-médiatique (comme le souligne Guillaume-en-Egypte, le chat pigiste de poptronics), finirait par cacher l’étendue du scandale politico-financier révélé par l’affaire des faux listings Clearstream. Ou plutôt, devrait-on dire, les affaires, ce qui se joue devant le tribunal n’étant que la partie la plus anecdotique du scandale financier Clearstream.

Les Français comprendront-ils, au fil de ce feuilleton judiciaire, les dessous de l’affaire ? La justice parviendra-t-elle à démêler les responsabilités ? En ces temps de soi-disant remise au pas des paradis fiscaux et de moralisation du capitalisme financier (cf les « bons » résultats du G20...), on aurait tort de réduire Clearstream à ce seul affrontement, quand bien d’autres questions sont encore pendantes.

Il est un des protagonistes de ce feuilleton, sans doute même l’un des rouages essentiels dans les révélations sur la chambre de compensation luxembourgeoise, accusée (avant les faux listings) d’être l’une des plate-formes de dissimulation de transactions financières mondiales. Son parcours est également représentatif d’une certaine crise de la presse en France : le journaliste d’investigation Denis Robert est celui par qui tout est arrivé. Depuis 2001 (date de sortie de son livre « Révélation$ »), il est sous le feu de procès à répétition (selon Wikipédia, pas moins de 31 procès en diffamation). L’ancien journaliste de « Libération », aujourd’hui indépendant (entendez qu’aucune rédaction en France ne prend le risque financier de l’avoir en son sein), est à l’époque seul contre tous, et néanmoins soutenu à force de pétitions et d’indignation citoyenne.

Ce qu’il raconte très bien dans la BD qu’il a co-écrite avec Laurent Astier et Yan Lindingre, « L’affaire des affaires » (le tome 1 est paru au printemps aux éditions Dargaud). Et ce qui ressort également à la perfection dans les toiles qu’il s’est mis en tête de réaliser, et qui sont exposées à la galerie W, à Paris. Des toiles qui prennent la matière journalistique et médiatique comme un point de départ pictural, comme un instrument à modeler, comme du pop-art financiarisé ou du média-art sans dimension techno.

Denis Robert, à propos de son exposition Junk (réal galerie W) :



Ce qui amuse et inquiète tout à la fois chez Denis Robert, c’est sa propension à passer de l’investigation à la création (il vient également de sortir son dernier roman, « Junk » aux éditions Julliard). Ce qui nous plaît, à poptronics, c’est qu’il est résolument impossible de le faire entrer dans des cases. Et ce qui nous inquiète, c’est qu’on se doute bien que ces listings collés sur la toile, puis maculés de traits rageurs, ces mots calligraphiés en rouge, barrés de traits de peinture massifs, bref toute cette rage affichée sont aussi symptomatiques d’un état déliquescent de l’information en France.

L’investigation non seulement ne permet plus à quiconque d’en vivre, mais est devenue si facile à éradiquer (merci les procès) que l’espace pour dire les choses s’est rétréci comme peau de chagrin. Il ne reste plus qu’une seule échappatoire : l’art. En Chine aussi, l’art est le dernier refuge de la liberté d’expression...
annick rivoire 

votre email :

email du destinataire :

message :

< 1 > commentaire
écrit le < 28'09'09 > par < jjbirge gAo drame.org >

J’adore quand Poptronics devient de plus en plus politique ;-)

Le petit film d’Alain Vigier est très chouette. À côté de Denis Robert en peinture, il y a aussi Denis Robert en BD : http://www.drame.org/blog/index.php ?2009/03/29/1292-denis-robert-dans-une-bd-d-enfer ou le Denis Robert en rap : http://www.drame.org/blog/index.php ?2009/01/15/1212-denis-robert-voleurs-de-poules-voleurs-de-foule