Le 5/06 à 20h : lecture de textes en rapport avec la thématique de l’exposition.
« You are my mirror 1 : l’infamille », exposition jusqu’au 8/06, 49 Nord 6 Est – Frac Lorraine, 1 bis, rue des Trinitaires, Metz (57).
Le 5/06 à 20h : lecture de textes en rapport avec la thématique de l’exposition.
Salla Tykkä en raging girl dans « Power », 1999. Collection Frac Haute-Normandie. © DR
< 04'06'08 >
Famille, je vous hais(me)
(Metz, envoyée spéciale) C’est ce qui s’appelle avoir de la constance dans ses propositions d’expositions. Ou plus encore de la cohérence dans son travail de réflexion et de déconstruction patient et inexorable des normes. Cela s’appelle aussi un engagement. Envers une démarche critique. Envers une pensée qui ne se satisfait pas des discours constitués et enfermants produits par nos sociétés occidentales. Attitude rare aujourd’hui, voire en voie de disparition. Nous sommes, donc, au Frac Lorraine, à Metz, qui a choisi d’« exposer » le thème de la famille. Avec « You are my mirror 1 : l’infamille », nous sommes dans l’universel, la norme et… l’intouchable (l’exposition encore à l’affiche pour quelques jours a subi les attaques et les interpellations offusquées de l’élue régionale du Front national lors d’une séance de la commission permanente du conseil régional de Lorraine). Je t’aime, moi non plus Les choses sont aussi à dire autrement : nous sommes dans un parcours d’œuvres (subtilement choisies) dont chacun des artistes met en scène tous les acteurs familiaux (parents, enfants, maris, épouses, fratries). Ces œuvres sont des propositions ou des situations de regards dans le ventre de la cellule familiale. Elles se posent aussi, de conséquence, comme une double interrogation. Les pièces vidéos de l’artiste américaine Patty Chang – « Fountain » (1999) et « In Love » (2001) – placées au début du parcours, en marquent visuellement les termes. Dans « Fountain », une jeune femme (l’artiste) boit littéralement sa propre image, infiniment, indéfiniment. Elle s’absorbe comme un Narcisse à jamais insatisfait. A côté, dans le diptyque qu’est « In Love », une jeune femme (l’artiste) embrasse goulûment un homme plus âgé (le père de l’artiste)/une jeune femme (l’artiste) embrasse tendrement une femme plus âgée (la mère de l’artiste). Et ces baisers d’amour filial se révèlent des actes de transmission (plein d’humour et d’ironie) : notre œil a été mis à l’épreuve, les trois membres de la famille s’échangent un oignon ! Rapport à soi et rapport à l’autre. Ou qui je suis dans ce rapport premier, originel à l’autre, celui et celle qui en toutes probabilités m’ont donné naissance. Je cherche mon image et je me cherche dans ces autres qui définissent mon regard en constitution, qui m’inscrivent dans une histoire première. Ils sont mon miroir comme je suis le leur. Intime transgression Gillian Wearing, avec « Sacha and Mum » (1996), ou Emmanuelle Antille, avec « Would’nt It be Nice » (1999), poursuivent, approfondissent, élargissent le travail des transgressions qu’elles débusquent. L’une – Gillian Wearing – dans une lutte amour/haine ou hystérie/soumission entre une mère et sa fille adolescente ; l’autre – Emmanuelle Antille – dans l’auscultation des membres d’une famille (sa propre famille), de leurs gestes dans des intimités saisies dans les interstices d’une banale réunion familiale, dans des rites tout aussi intimes qui dévoilent toujours ce rapport à l’autre, celui/celle où je me cherche ou je me rejette. Avec « Les Enfants » (2004), Eric Pougeau – le seul artiste homme de l’exposition – ne met en exergue que la violence potentielle qui se joue entre parents et enfants. Lui, la débusque par les mots écrits sur des feuilles blanches. Exemples : « Les enfants. Nous allons vous enfermer. Vous êtes notre chair et notre sang. A plus tard. Papa et Maman. » ou « Les enfants. Nous allons faire de vous nos esclaves. Vous êtes notre chair et notre sang. A plus tard. Papa et Maman. » Si cette pièce paraît la plus radicale dans les dévoilements des autorités et des possessions au travail dans le cercle de « l’infamille », étrangement – et sans doute à cause de la simplicité de la présentation –, ces lettres accrochées formeraient surtout le récit d’un conte cruel (n’est-ce pas ce qu’on nous lisait le soir avant de nous endormir, des contes avec des ogres et des sorcières ?). Bien sûr, la morale commune voulait faire de nous des « enfants sages » en distillant la peur. Les parents ont rempli, là, leur travail de transmission des normes et des interdits assigné par la société. Dernier combat Alors, il y a, en quelque sorte, l’ultime œuvre de l’exposition, celle qui achève le parcours, celle qui ouvre sur l’extérieur et sur la lutte, celle qui libère des fusions, dominations, possessivités, affectivités ambivalentes de la famille. « Power » (1999), de l’artiste finlandaise Salla Tykkä, montre une jeune fille, seins nus et gants de boxe, boxer contre un homme qui paraît immense, mais aussi qui paraît être dans une paradoxale douceur. Le miroir semble se briser enfin ! S’ouvre un nouveau combat, celui face au monde – celui de l’universel masculin. « You are my mirror 1 : l’infamille » est une exposition qui dit une traversée des apparences (et des normes), avec une profonde délicatesse et sensibilité. Et le visiteur est libre, son regard est le sien, et n’est que le sien. Toutes certitudes ne sont que les siennes, et que les siennes. Les artistes proposent, le visiteur dispose. Nous ne faisons que nous raconter des histoires, nous ne sommes que des histoires, des fictions où nous nous cherchons.
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