« CNAPn », N milliards de collections, une expérience curatoriale de Pierre Giner, en ligne, sur iPhone et présentée en installation à Lille, au Tri postal jusqu’au 1er janvier 2012, dans le cadre de l’exposition « Collector ».
Avec "CNAPn", de Pierre Giner, l’internaute crée sa propre exposition à travers la collection du CNAP en ligne, en tapant un mot au choix. © DR
< 09'12'11 >
Jouons les collectionneurs virtuels avec « CNAPn »

Nicolas Frespech chronique régulièrement sur Poptronics. Pierre Giner participe lui aussi étroitement au pop’projet. Nicolas est artiste, Pierre aussi. Ils n’habitent pas la même ville et se connaissent à peine. Tout ça pour vous expliquer que Pierre n’a pas lu ce que Nicolas écrit ci-dessous, qu’il va le découvrir comme vous, lecteurs internautes, au moment de sa mise en ligne. Nicolas a souhaité évoquer la toute dernière création de Pierre, « CNAPn », un générateur d’expositions virtuelles, une proposition accessible en ligne et sur iPhone, mais également exposée à Lille, dans le cadre de « Collector », au Tri postal jusqu’au 1er janvier 2012. Ces liens n’empêcheront pas Poptronics de revenir sur ce générateur d’un nouveau genre, en offrant à Pierre l’espace du pop’lab. Mais pour l’instant, c’est à Nicolas de jouer :

Le Centre national des arts plastiques (CNAP) a lancé le 1er décembre « CNAPn », une création en ligne commandée à l’artiste Pierre Giner. « CNAPn » est un générateur de collections, c’est à dire qu’en un seul clic, vous devenez commissaire des œuvres achetées par le Fonds national d’art contemporain (Fnac), et il y en a beaucoup (8682 à ce jour) !

Je tape par exemple « Internet », le mot s’affiche sous forme de cimaises construisant une étrange représentation virtuelle d’un lieu d’exposition imaginaire, à la manière de la « Google House » de Marika Dermineur & Stéphane Degoutin.

Les œuvres répondant au mot Internet s’affichent progressivement dans une interface réalisée en Flash... me voici « commissaire d’exposition » et collectionneur en même temps ! Dans ma collection, j’ai maintenant une œuvre d’Angelina Bulloch, Pierre Huyghe, et même un Claude Closky ! Ma collection est un peu disparate, je ne suis pas un vrai commissaire d’exposition, mais elle me plaît et puis me permet de me replonger aléatoirement dans l’histoire de l’art. C’est plutôt amusant.

Pierre Giner nous offre une approche ludique qu’il maîtrise (il était commissaire de « Museogames », l’expo jouable sur le jeu vidéo au Musée des arts et métiers l’an passé). Le site est « jouable », on peut se déplacer dans sa collection avec le clavier, ou encore mieux, avec un joystick.

Et si on en a assez de déambuler au milieu des œuvres, on peut générer à la volée un catalogue au format PDF (et pourquoi pas au format livre électronique epub ?) que l’on peut ensuite conserver, échanger, imprimer. La mise en page est parfaite et le souhait des commanditaires de s’approprier les collections publiques fonctionne. Le projet est évolutif et s’enrichira au rythme des nouvelles acquisitions du Fnac. Reste à savoir comme « CNAPn » présentera les acquisitions d’œuvres numériques connectées.

Ce n’est pas la première fois que les institutions présentent leurs différentes collections en ligne (voir celles du Louvre ou du Centre Pompidou ...) ni qu’elles font appel à des artistes IRL (« in real life ») pour valoriser leurs fonds, comme c’est actuellement le cas avec J. M. G. Le Clézio au Louvre. Cette valorisation virtuelle des collections à travers le regard d’un artiste en est une.

Cette initiative de rendre accessible au plus grand nombre le patrimoine artistique peut s’apparenter à la dynamique actuelle de faire venir la culture chez les gens. Exemple IRL : le centre Pompidou mobile ou le MuMo, tous deux étant actuellement en tournée.

« CNAPn » se décline aussi en version mobile avec une application pour iPhone. Là, cependant, l’accès pour tous est nettement restreint : pourquoi ce choix de ne développer que sur un type de téléphone, en oubliant les autres ? Pourquoi pas développer une version mobile plus universelle ?

Un autre problème apparaît : « CNAPn » est une œuvre et en tant qu’oeuvre, devrait bénéficier de procédures de conservation. Quelles sont les procédures qui ont été mises en place pour sa pérennisation en ligne ?

La création de Pierre Giner soulève non sans une pointe d’ironie tout un tas de questions sur l’accès à l’art et à notre patrimoine, sur les problématiques de monstration et de conservation des œuvres... « CNAPn » est une œuvre exemplaire.

nicolas frespech 

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< 2 > commentaires
écrit le < 07'03'12 > par < comtessephilippe 395 free.fr >
ça fonctionne mal ( les mots clefs sont très restrictifs... Pourquoi utiliser le langage alors que le site est visiblement très limité en mots clefs, j’ai tapé 5 mots avant de tomber sur un semblant d’exposition... Visiblement, aucun questionnement sur ce type de navigation ), c’est en flash ... Et ça utilise des codes de monstration de l’exposition virtuelle ( modélisation d’un espace 3D...) éculés et pénibles... Aucun intérêt dans sa conception : cette idée de partage de la culture aurait pu être mise en forme avec des technologies open-source, contrairement à flash qui est propriétaire, ce qui aurait donné à l’idée une certaine substance théorique... Je n’y vois aucune réflexion sur le médium internet.
écrit le < 07'03'12 > par < annick.rivoire EE3 poptronics.fr >

Je vous trouve bien sévère... D’abord parce que la navigation est précisément indexée sur les mots-clés des bases de données propriétaires de l’institution Cnap (d’où l’absence de recours à l’open source, les bases ne sont pas en open data, ce n’est pas l’artiste qui décide d’inverser la politique globale de l’institution culturelle), ensuite parce que quand vous dites "je n’y vois aucune réflexion sur le médium internet", c’est aller très vite en besogne : c’est une double réflexion sur la manière de naviguer dans une base de données et de présenter des collections publiques, c’est aussi une façon de pousser les institutions à dévoiler un peu plus, à ouvrir un peu plus leurs collections.

Le Cnap achète et enrichit ses collections, mais ne "montre" ses acquisitions que de façon parcellaire et momentanée. Si cette proposition n’est pas une façon, par contraste, de souligner les avantages du "médium" internet, et d’ainsi mettre à distance l’éternelle comparaison stérile entre d’un côté le "réel" de l’autre le "virtuel", je ne vois pas trop ce qui pourrait constituer à terme une réflexion sur le médium...

Par ailleurs, la dimension apparemment ludique (j’entre un mot-clé et découvre "mon" exposition) est elle aussi une réflexion sur le rapport au média internet et aux jeux online.

Enfin, c’est aujourd’hui une façon de proposer une approche des collections, mais rien n’empêche d’imaginer qu’à l’avenir le Cnap se serve du dispositif pour inviter des curateurs à en jouer, ou que les limites mêmes de l’interface que vous soulignez obligent l’institution à revoir ses procédures d’indexation : pourquoi ne pas avoir un extrait vidéo des œuvres plutôt qu’une toute petite icone pixellisée par exemple. A partir du moment où l’archivage numérique de la collection devient un objet public avec lequel les internautes peuvent jouer, il est concevable que les archivistes se préoccupent davantage de l’apparence de leur indexation.