En direct des Nuits de l’Ososphère, à Strasbourg.
L’audiofil, méta-instrument développé et activé ici par Ludivine Van der Hulst. © Bylepeut.com
< 30'09'07 >
Jusqu’au bout du son, installations de Nuits
(Strasbourg, envoyée spéciale) Au sous-sol du musée d’art moderne de la ville de Strasbourg, bombé en surface et totalement déserté pour l’occasion, cinq belles bagnoles (des Austin Healey) défilent comme à la parade, avant de se garer en étoile. Leurs propriétaires enclenchent l’auto-radio, descendent de leur véhicule pour rejoindre le petit groupe de spectateurs. « Str crsh » (prononcez star crash) est une performance signée Pierre Beloüin, entre happening et diffusion radio, lecture et réminiscences de tous les clichés liés à la voiture de sport, rutilante et porteuse de tous les fantasmes machistes possibles. La bande son, composée par Black Sifichi, Norscq et Cocoon (tous éminents membres d’Optical Sound, le label entre électro et art sonore créé par Pierre Beloüin il y a dix ans), mélange voix et ambiances, jusqu’à l’irruption d’un homme au centre du cercle automobile. Le récit (fictif ?) d’un souvenir de lecture de Bataille en train-couchette, « Histoire de l’œil » conduit naturellement à la lecture d’un passage, « l’œil de chat », évidemment trash (le lait, le cul, le sexe). Autour des voitures, une voix off récite Venus in Furs (Velvet Underground) avant d’inviter les spectatrices à se frotter aux châssis, et les féliciter de leurs positions lascives (les filles de l’assistance, pourtant, n’obéissent pas aux injonctions). On pense à Crash, bien sûr, mais aussi à toutes ces images mentales gravées dans nos mémoires par le cinéma des années cinquante. Cet appel aux sens un peu foutraque est la meilleure des introductions à la plongée électronique au cœur des Nuits de l’Ososphère, à Strasbourg. Car le festival strasbourgeois a ceci de particulier qu’il imbrique et prolonge, marie et accompagne les musiques actuelles (DJ’s et groupes live) et les artistes nouveaux médias. Il n’est pas le seul à le faire mais il est sans doute l’un des rares à réussir ce tricotage. Public nombreux, et qui en redemande. Est-ce dû à la présence particulièrement dense d’installations ayant le son pour matière ? Les partenariats avec le Fresnoy, l’école multimédia du nord la plus prestigieuse de France, et Citysonics, la manifestation belge pointue en art sonore, n’y sont pas pour rien. Christian Vialard avec son Digital Camp Fire (divagation sonore et plastique autour de la figure de Joe Strummer, et ses feux de camp utopiques), Kingsley NG, qui présente deux pièces sonores et tactiles (« Métier à tisser musical » et « Harmony of light »), Veaceslav Druta avec sa « Balançoire » aux cordes de guitare, David Burrows avec « Lucent Landscapes » (une pièce de fumée qui fait apparaître les ondes produites par le son des voitures captées au bord d’une autoroute) ou encore Lydwine Van der Hulst avec son « Audiofil », un méta-instrument que le visiteur active en pinçant un curseur sur une corde horizontale : tous explorent le son et ses effets sur les corps et l’esprit. Et si toutes n’exigent pas du spectateur une connaissance de la musique contemporaine, toutes en revanche ne s’activent qu’avec leur participation et leur écoute attentive. Les artistes sont là qui expliquent, accompagnent, répondent aux questions, aident à comprendre le dispositif, s’expliquent même à l’antenne de .radio, la radio éphémère qui bâtit un espace sonore commun aux Nuits de l’Ososphère et à Emergences, à Paris. Sont en photo sur le blog conçu et réalisé par « Père et fils », l’entité médiartistique créée pour le festival par Philippe Lepeut (le père), Simon et Hugo (les fils) (et dont poptronics s’est beaucoup servi pour illustrer les articles produits à Strasbourg, merci les Père et fils !). Et l’alchimie prend : ici, pas de distance artificielle entre l’art et son public, le rapport est frontal, amical, ludique, jamais prise de tête. Bref, on en redemande…
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