« Shout », installation interactive de Vincent Elka, au Festival Ars Electronica 2007, jusqu’au 11 septembre, Linz, Autriche.
"Shout" : confronté à l’image, le spectateur doit monter sur l’estrade et communiquer ses émotions via un micro, en attendant le retour à l’écran. © Vincent Elka
< 08'09'07 >
« Linz révèle le gouffre français des expos nouveaux médias »

A Linz, petite ville tranquille sur les bords du Danube, l’Ars Electronica Festival, le rendez-vous des nouveaux médias en Europe, bat son plein, proposant comme d’habitude une palanquée d’événements, conférences, présentations, ateliers, concerts, expos

Un maelström qui peut laisser dubitatif : ici se retrouve la net-culture internationale et la cohorte de semi-fous qui l’accompagne : les portables sont des ordinateurs avant d’être des téléphones, on vit connecté en permanence et les démos de vols virtuels (un classique du musée du futur, l’Ars Electronica Center), font le plein. Les performances ont lieu plus particulièrement en extérieur cette année (puisque la théma, c’est « adieu, vie privée ») : on peut par exemple tomber sur Dash Macdonald, qui laisse qui le souhaite piloter à distance ses rollers (« In Your Hands »)...

Vincent Elka, artiste français venu du graffiti (Lokiss, une figure comme on dit des grands), passé par le Net et son activisme graphique, vient pour la première fois à Linz. En invité de choix, puisque sa première installation interactive, « Shout », y est présentée pour la première fois (bardée d’une mention honorable, distinction qui fait généralement des envieux). Poptronics lui a demandé de raconter vite-vite ce que le barnum multimédia autrichien lui évoque.

Première visite à l’Ars electronica festival, la Mecque des nouveaux médias version anglo-saxonne. Tes impressions ?
Des impressions un peu diverses... pas de claque monumentale. Beaucoup de tours de magie visiblement pensés en œuvre d’art. Ou certaines autres expériences biologiques de laboratoire posées ici là. Le nouveau truc : hybrid art. Grand fourre-tout. Peut-être de belles choses à venir, mais là, c’est sans doute encore un peu neuf. Le “tout ça... pour ça...” est ici généralement applicable. Et les discours bourre-pifs. Les curateurs vont adorer. Le public moins.
Mais étant le petit jeune, je reste curieux et ouvert.
En même temps, ici pas de guerre en Irak, pas de misère, pas de détraquage du climat, rien qui pose de vrais problèmes... Quand même peut-être Seeker sur la problématique des frontières (des Australiens Josephine Starrs et Leon Cmielewski, un dispositif à trois écrans qui confronte l’histoire des migrations familiales de l’internaute et l’Histoire dans laquelle elles s’inscrivent, ndlr). Le virtuel a du bon pour les amnésiques et autres geeks schizophrènes. Et aussi Nothing happens, de Nurit Bar-Shai (une performance en réseau où des objets physiques sont déplacés via l’Internet, ndlr), est intéressant. Le projet russe Camera Lucida d’Evelina Domnitch et Dmitry Gelfand (un outil qui transforme le son en lumière grâce au phénomène de sonoluminescence, projet qui évolue depuis 2002 et a été primé cette année à l’Ars Electronica Festival, ndlr), est bien aussi.

« Shout » a été conçu avec des financements publics français mais est présenté pour la première fois en version publique à l’Ars. Ça fait quoi ?
Ça fait rigoler. Et ça montre le gouffre entre la France et le reste de l’Europe au niveau de la simple exposition des nouveaux médias. A vrai dire, c’est navrant. Mais cela fait bien longtemps que j’ai fait mon deuil de tout cela. Suivez mon regard.

Est-ce que « Shout » réussit selon toi sa première apparition ? Les émotions « médiées » par un dispositif hypercomplexe (qui analyse le spectre de la voix, mais pas seulement) sont-elles toujours des émotions ?
Sans doute plus des impulsions que des émotions.
Dans tous les cas, que la matière soit faite de chair ou de vibrations, ce sont toujours des ondes moléculaires. Dans l’appropriation par les visiteurs ici, c’est très instructif, mais le rapport complet sera à faire plus tard. Le public, si tu lui mets pas un coup de pied dans le cul, ben il bouge pas. Après, il te remercie... la plupart du temps.

annick rivoire 

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< 4 > commentaires
écrit le < 09'09'07 > par < elebovici Cx7 club-internet.fr >
Merci de nous donner des nouvelles "de l’intérieur" de Linz, qui donnent également une opinion, rare à trouver sur la planète des sites culturels et donc un bien précieux pour nous forger, nous aussi, une opinion. Cependant j’aurais une question : n’est-il pas inactuel de penser, encore aujourd’hui, à des financements publics ? On le voit dans les musées, qu’ils soient privés comme aux Etats-Unis ou publics comme en France, ils sont tous embarqués dans la course folle à l’argent. Il parait même que la notion d’"inéliabilité" (l’interdiction de vendre) du patrimoine public pourrait être, avec ce gouvernement, remise en question ? Qu’en est-il pour les (toujours) nouveaux médias ?
écrit le < 10'09'07 > par < elsa LLE free.fr >
Bravo pour cette jolie claque aux institutions ferançaises. Et on peut savoir quand on verra Shout en France ?
écrit le < 10'09'07 > par < elka rnr zonelimite.com >

je viens de rentrer de Linz hier soir. J’ai encore pas mal à raconter. SHO(U)T en france ? et en vo ? on va y travailler.

SHO(U)T sans fond publique ?

Je vais poser certains problèmes comme ils se posent très rapidement lors de prod de projets tels que SHO(U)T.

Un développeur coûte 800 euros jours. Il y en avait trois et ils ont bien travaillé de 40 à 70 jours, selon certaines tâches au dev de cette appli originale. Non du Max Msp bidouillé et peu destiné à des taches aussi lourdes. (cependant très bonne appli ...)

Faites le calcul. J’ai réussi à obtenir 21000 euros par diverses voies. Je devais payer les dev, la machine, l’actrice. Moi on oublie. Une machine capable de gérer une appli comme SHO(U)T, c’est très cher....

Posée ainsi, vous entrevoyez la difficulté de prod de projet comme celui-ci en France. Maintenant vous pouvez adorer la ’low tech’, le ’8bit’, Et faire de la récup... Mais je filme en HD, je monte en HD, je jubile en 3D voire 4D, et je suis un adorateur du python et du C ++.

et ça, ça coûte cher.

les fondations en france sont rares et comme il se doit, dans le pays des chapelles, très difficiles d’accès. Daniel Langlois est canadien...pas français.

je vais me remettre au vandalisme, il suffit de savoir courir dans le réel. et là l’émotion est réelle, elle aussi.

écrit le < 13'09'07 > par < multimedia bUn arcadi.fr >

Cher Vincent Elka,

de retour de Linz où nous nous sommes croisés brièvement devant ton installation. Comme tu le sais, Arcadi, dont je suis le directeur du multimédia, est une de ces (très rares) institutions françaises qui soutiennent les arts numériques. Soutien financier dont tu as bénéficié pour SHOUT. Comme nous organisons aussi le festival Némo, tu étais en droit d’attendre une diffusion dans cet événement (encore qu’il n’y ait aucune automaticité entre le fonds de production et le festival). Nous avons montré ton installation sous la forme d’un premier workshop au salon Mac2006 comme un premier jet de ce qui allait se passer à Némo 2007... avant d’apprendre fin novembre que le Forum des Images ne ré-ouvrirait pas (ni au premier semestre 2008, d’ailleurs). Némo a finalement eu lieu au Cinéma des Cinéastes (lieu pas multimédia pour un sou) et nous n’avons pas souhaité montrer SHOUT à côté de la caisse enregistreuse ou près de la sortie de secours. Pas de SHOUT en diffusion France par Arcadi, donc. So far, not so good. Malgré cela, je suis tout à fait ravi de t’annoncer que nous allons soutenir la diffusion de SHOUT à Montréal en mai prochain, dans le cadre de Némo et sous l’appellation Némo@Elektra. Elektra est un des meilleurs festivals d’Amérique du Nord et notre partenaire privilégié là-bas. Voici donc une réponse parmi d’autres à un problème de fond : la politique du multimédia en France est effectivement cent coudées au dessous de la plupart de nos voisins (surtout l’Allemagne et les Pays-Bas). A notre très modeste échelle, nous essayons à Arcadi d’utiliser intelligemment l’argent du contribuable avec l’Acmé et Némo. Pour ce qui est de la diffusion de SHOUT à Némo "Paris", nous ne savons pas encore dans quel lieu va se dérouler le festival. Si c’est un cinéma il n’y aura pas d’installation ; si c’est une galerie il n’y aura pas de cinéma etc...). Nous sommes, comme toi, en quête de lieu de diffusion, et, comme toi, tributaires de l’état des choses. Toute bonne idée est la bienvenue.

Bien à toi.

Gilles Alvarez