Retour sur la 24e édition du festival Mimi, du 16 au 19/07 sur les Îles du Frioul, au large de Marseille (13).
Presqu’emportée par le vent, Lydia Lunch n’a pas dévié d’un cil sa performanche crane et rock au MIMI. © Benoît Hické
< 20'07'09 >
Mimi en emporte le vent
(Marseille, envoyé spécial) Vendredi, le Mimi a failli s’envoler : dès l’après-midi, les cornes et les chapeaux se mettent à danser la gigue, c’est la mer qui bat le tempo, tandis que, juste en face de l’île du Frioul, Marseille étale ses charmes. La 24e édition du festival insulaire qui s’est achevée hier soir, ne fait pourtant pas vraiment dans les quarantièmes rugissants. Mais c’est tout le charme d’une manifestation fragile et dépendante de son environnement -le bateau pour y aller, le cadre bucolique pour y assister, l’impression d’être privilégié en y participant. Y’a de la rumba dans l’air ce vendredi soir mais c’est normal, Lydia Lunch vient d’arriver, et avec elle, tous les souvenirs d’une NYC fantasmée et faite poésie (on dit spoken word). Lydia Lunch a tant parcouru le bitume new-yorkais que celui-ci a fini par fondre. Chez elle, les mots sont crus et les rimes vénéneuses. Après une carrière de rockeuse dessalée au sein de Teenage Jesus and The Jerks, puis d’actrice culte (un boulot en soi), elle trimballe dorénavant son creuset cul et ses robes toc sur les scènes arty du monde entier. Mais elle n’oublie pas son terrain de jeu de toujours, les hommes et le bruit, qu’elle envisage sous une forme poétique tournant autour d’une nostalgie so chic. Vers 23h, l’ancien hôpital Caroline, sur les hauteurs de l’île, est emporté par des tourbillons gorgés de crachin. Le guitariste haïtien Jean-Paul Bourelly vient tout juste de conclure un concert totalement hendrixien sous les acclamations du public, réchauffé par la virtuosité pas ramenarde de ces « 3Kings » en exil, de New York à Berlin. Bourelly, c’est du Jimi moelleux, du brio en trio emporté au large par une voix puissante qui rappelle parfois Gil Scott-Heron. On aperçoit Lunch backstage, tirant nerveusement sur une clope et ramenant son châle sur les épaules. Puis elle bondit sur scène et combat le vent, enveloppée d’une courageuse robe de satin molletonnée aux reflets violets, accompagnée par Philippe Petit, un Marseillais à qui l’antienne « Think Globally, Act Locally » sied très bien : il n’arrête pas de parcourir la planète et les ondes aux baguettes de ses multiples projets et labels. Chaotique et magnifique Lydia Lunch Le lendemain, les vents ont fini de laver le ciel. Les deux Matmos sont arrivés directement de San Francisco mais la compagnie aérienne a égaré leurs valises. Peu importe, ils sont ravis d’appareiller sur le Frioul. Ils font délicatement trempette, pendant que Tarek Atoui et Nicolas Cante préparent leur coup. Le prodige beyroutin (mots-clés : Mort aux vaches, Ircam) et l’Aixois se sont rencontrés lors d’ateliers concoctés au Liban dans le cadre d’échanges méditerranéens. Leur projet, « Lovebomb », mélange les fractales minutieusement ourdies de Atoui et un piano arrangé par Cante, connu pour ses performances très physiques. Le fruit de leur rencontre ? Une fricassée de rythmes désorganisés avec jubilation par les deux larrons, très complices et immergés dans leur ping-pong qui évolue, de nappes éthérées parfois inutilement complexes à un feu d’artifice final en hommage aux sons Electronic Body Music. Les gradins du vénérable Mimi se transforment en dance-floor improbable. Juke-box électronique Une fois les feux éteints, c’est au tour de Matmos de se lancer dans la course à l’échalote sonore. Pour cette unique date en France cet été, le couple californien toujours aussi affable et inventif, choisit de plonger le Frioul dans un juke-box électronique très enveloppant. Une main est projetée à même le mur de l’hôpital Caroline, derrière la scène : elle manipule les cordes d’un piano qui aurait pu être inventé par les frères Quay. On reconnaît des morceaux du dernier album, « Supreme Balloon », qui revisitait les langueurs du space-rock et aussi des fragments de « The Rose has Teeth in the Mouth of a Beast », leur chef-d’œuvre baroque de 1996. Drew Daniel se concentre sur les rythmes tandis que Martin Schmidt, sapé comme un Milord en goguette à Brighton, s’amuse avec un ballon et une boîte de biscuits locaux. Le résultat de leur bricolage est très musical, planant, dansant, joyeux et le public en redemande. L’édition 2009 du Mouvement international des musiques innovatrices aura une fois de plus réussi à prendre le contre-pied des grosses machines festivalières de l’été, en jouant la contre-programmation et l’hétérogénéité, de l’univers acidulé et cheap music des Japonais d.v.d (hypertechnologique mais très divertissant) jusqu’aux polyphonies d’A Filetta & Danyel Waro. De quoi faire chavirer les esthétiques et les certitudes.
Feu le sorcier de la musique concrète Pierre Henry
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