« Boyzone, 1998-2008, dix ans de collection », installation vidéo de Clarisse Hahn, Salle Noire (niveau -1) du Musée d’art moderne de la ville de Paris, jusqu’au 6/04, 11 avenue du Président-Wilson, Paris 16ème.
Clarisse Hahn présente son travail le 30/03 à 15h au Musée d’art moderne de la ville de Paris, Réservations : 01 53 67 40 80.
Conscients de l’effet caméra, certains "boys" filmés par Clarisse Hahn sont en pleine construction de leur masculinité. © DR
< 30'03'08 >
Où sont les hommes ? Dans la Boyzone de Clarisse Hahn
Chez Clarisse Hahn, tout est dans le « work in progress », ses films sont ouverts comme autant de récits et de documentaires en devenir. La vidéaste présente « Boyzone », projet au long cours qui fête ses ans, au Musée d’art moderne de la ville de Paris, sans rougir de la comparaison avec un Douglas Gordon, un Yan Fudong ou une Eija-Liisa Ahtila. Dans ce projet, l’artiste née en 1973 à Paris ne filme que des groupes d’hommes. Documentaire ? Oui et non. Dès le départ Clarisse Hahn, réalisatrice du beau film les Protestants en 2005, brise les règles de ce type de cinéma. Elle adopte l’attitude d’un Larry Clark lorsqu’elle filme une bande d’adolescents, puis semble plus proche de celle de Raymond Depardon quand elle observe silencieusement les anciens combattants. « Il s’agit de l’individu confronté à la norme, à la violence normative, explique-t-elle. Je cherche à comprendre comment chacun parvient, ou non, à affirmer sa subjectivité à l’intérieur des normes sociales, culturelles ou sexuelles. » La caméra de Clarisse Hahn ne force pas, se fait parfois même discrète, quand elle filme des personnes à l’écoute d’une autre, mais elle ressurgit, comme une sorte de béquille facilitant la parole de cet amant qui ouvre l’album photographique contenant sa vie amoureuse. La bestialité émerge des dépeceurs de bêtes, avec ces scènes étranges en contrepoint à la première séquence où ce sont des militaires qui sont filmés. Les hommes ne sont pas dupes, « you’re shooting my body, right ! ». Ces ou ses (parfois on s’y perd) hommes se dévoilent. Le regard de Clarisse Hahn frise le possessif. Elle ne vole en rien leurs images, elle réussit à lier ses différents portraits filmés dans son œuvre, leur attribuant à chacun un rôle et une fonction et par là même les faisant « siens ». Le lien entre ces séquences qui alternent joueurs de foot et maîtres-chiens se fait par l’installation : c’est précisément là que l’artiste établit un dialogue, manière de souligner la relation qui s’est nouée par l’intermédiaire de sa caméra. L’installation, toujours mouvante depuis dix ans, élabore par moments d’étranges « micro-dispositifs » qui font réfléchir. Les corps des jeunes adolescents, fumant des joints, s’exhibant, gonflant leurs muscles, débordant de paroles, manifestent les symptômes d’une virilité qui se cherche. Imiter le stéréotype masculin : gros biceps = gros sexes ! En effet, ces « gamins » jouent à faire l’homme. L’objet dérape, la caméra refait surface pour eux, certains enfilent une cagoule, se déguisent. L’idée du masculin se développe avec des attributs qui ne sont que les éléments d’une mascarade. Mais c’est l’installation qui contredit cette affirmation, la séquence se joue face au regard et à l’écoute d’autres hommes en prière et sous les yeux d’un bodybuilder, silencieux, perché sur la cimaise. La conclusion est à reformuler : dialectiques entre regardeur et acteur, entre silence et flots de paroles ! Clarisse Hahn se situe à la lisière du cinéma anthropologique et d’une approche sociologique. Elle distend patiemment les clichés et démontre que l’idée du masculin et de la virilité ne sont en rien préexistantes. Au contraire, elle affirme que les deux termes se construisent culturellement pas à pas, de pays en pays, de classes sociales en classes sociales. Elle réinvente sans cesse le dispositif qui accompagne ces séquences, comme si elle bousculait d’elle-même ses films. Du coup, c’est en déambulant entre les écrans qu’on comprend que le masculin se construit en creux, dans l’écart entre les portraits.
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