Exposition « Duo », Béatrice Cussol et Dominique De Beir à la galerie Eric Mircher, jusqu’au 24 février, 26 rue Saint-Claude, Paris 3e.
Rencontre inattendue entre les dessins érotico-cruels de Béatrice Cussol et l’abstraction poinçonnée de Dominique De Beir à la Galerie Mircher. © Dominique De Beir
< 17'01'08 >
Le pas de deux de Béatrice Cussol et Dominique De Beir
Qu’est-ce qui peut bien réunir les deux plasticiennes Béatrice Cussol et Dominique De Beir ? La galerie Eric Mircher organise la rencontre, inattendue, de ces deux univers très différents, l’un dans une exubérance baroque, l’autre dans une abstraction assez radicale. Intitulée « Duo », l’expo annonce un principe : le face-à-face, sans stratégie ni intention a priori. Dans une exposition à deux, le premier réflexe est de chercher les rapprochements, les similitudes. Ici, tout porte à croire que ce sont deux univers opposés. Chez Béatrice Cussol, des saynètes érotiques et cruelles mettent en scène des chimères, femmes-sexes, femmes-couteaux, corps déformés, en mutation, peints à l’aquarelle. Comme ses dessins et ses peintures, ses romans condensent les visions fortes, entre le rêve et la fiction, la poésie et le ton le plus cru. Dans le dernier, « Sinon », récit poétique les héroïnes féminines, la cow-girl, la serveuse, l’auto-stoppeuse et Beatrix, racontent leurs rêves et leurs fantasmes. Béatrix : « Quand on est petites, c’est de l’imagination qu’on a ou des Barbies ou les deux ; sales échantillons. On veut les quitter alors on dort en leur compagnie, alignées comme des bâtonnets ou plusieurs volumes à côté de l’emplacement de nos têtes. Quand on croit qu’on s’ennuie, on s’occupe à les attifer comme des cocons, et quand on est agacées, on les frotte, vite déshabillées, l’une contre l’autre, bouche contre bouche et seins contre seins, souvent aussi entre voisines. » Ces figures dans l’« indifférence au masculin » n’affirment aucune position idéologique. « Il n’y a rien en dehors d’elles-mêmes », dit l’artiste. Son engagement féministe frappe comme une évidence : présente dans l’exposition « Global Feminism » au Brooklyn Museum, elle a aussi réalisé des dessins autour du texte « Je hais les dormeurs » d’une figure du féminisme, Violette Leduc. Rien à voir a priori avec Dominique De Beir, qui se demande : « Que voit-on dans le noir ? », et perfore et creuse toutes sortes de surfaces à l’aide d’instruments pointus, poinçons, stylets, scalpels, qu’elle nomme « instruments de (s)a passion ». Ses œuvres, très picturales, sont des écrans (papiers, cartons, polystyrènes) percés à l’envers et à l’endroit, à travers lesquels on ne voit pas ; on perçoit simplement la lumière. L’artiste instaure un rapport à l’espace très spécifique, travaillant de plus en plus en trois dimensions. Dans ses grandes plaques de polystyrène creusé, les passages se font de la surface à la profondeur et du plan à l’espace. Inventant une gestuelle chorégraphique, elle va jusqu’à fouler au pied ses surfaces à l’aide de chaussures cloutées, ou bien d’instruments de forage gigantesques. L’impression de destruction est physique, voire violente. Et dans le même temps, l’artiste a inventé une véritable écriture, subtile, qui parle d’inscription, de trace et de mémoire. Ce qui rapproche les séductions roses des aquarelles de Cussol et l’écriture de l’invisible de De Beir, outre l’énergie et la forte présence des corps dans leurs pièces, c’est ce goût partagé des entre-deux, dans les figures hybrides de l’une, dans les percées à l’endroit et à l’envers de l’autre. Toutes deux posent la question des passages, de l’intérieur à l’extérieur ou du dedans au dehors. Et lorsqu’on lit une phrase écrite dans un dessin de Dominique De Beir : « Y a beaucoup de monde dehors. Oui, mais dedans aussi », on se dit qu’elle pourrait aussi bien être de Béatrice Cussol…
Cybernétique en papillotes
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