GEE wars
< 11'12'09 >
Afghanistan : le coût du sang français
L’épisode avait choqué en son temps : le 18 août 2008, pris dans une violente embuscade dans la vallée d’Uzbin, dix parachutistes français tombaient sous les balles des taliban, vingt et un étaient blessés, les plus fortes pertes militaire depuis l’attentat du Drakkar à Beyrouth en 1983. Après sept ans d’un engagement peu meurtrier (14 morts entre 2001 et 2007), la France redécouvrait qu’une guerre fait aussi des morts chez les militaires suréquipés de la coalition internationale engagée en Afghanistan… Les photos parues dans « Paris-Match » montrant des taliban endossant les treillis tricolores avaient achevé de choquer les commentateurs sans pour autant déclencher un véritable débat sur la participation française à cette guerre menée dans une rare opacité : impossible de connaître précisément les crédits qui lui sont alloués, pas de débat au Parlement, cas unique dans les pays engagés, quant à consulter la population… Le scandale est venu d’où on ne l’attendait pas : des familles des militaires tués, qui cherchent les responsables du fiasco de cette mission dans la hiérarchie kaki. Six nouvelles plaintes viennent d’être déposées (il y en a huit au total) pour « mise en danger de la vie d’autrui » devant le Tribunal aux armées de Paris, le père d’un des soldats déclarant : « L’état-major des armées a des comptes à rendre. » L’affaire fait évidemment grand bruit dans les cénacles de la Défense (voir par exemple « Secret défense », le blog bien informé du journaliste de « Libération » Jean-Dominique Merchet, qui multiplie les posts sur le sujet) : la fameuse doctrine du « zéro mort » (« zero-casuality warfare ») professée par l’armée américaine depuis vingt ans se retourne contre les va-t-en-guerre. Guillaume-en-Egypte, le chat-pigiste de poptronics, qui connaît son histoire du cynisme militaire sur le bout des pattes, extrapole : risque-t-on d’indemniser les familles de tous les soldats fauchés à cause des erreurs stratégiques et des désirs de grandeur de leurs chefs ? Laissons le dernier mot sur ce « système zéro mort » à Jean Baudrillard, qui écrivait dans « L’Esprit du terrorisme », paru dans « le Monde » du 3 novembre 2001 : « L’événement fondamental, c’est que les terroristes ont cessé de se suicider en pure perte, c’est qu’ils mettent en jeu leur propre mort de façon offensive et efficace, selon une intuition stratégique qui est tout simplement celle de l’immense fragilité de l’adversaire, celle d’un système arrivé à sa quasi-perfection, et du coup vulnérable à la moindre étincelle. Ils ont réussi à faire de leur propre mort une arme absolue contre un système qui vit de l’exclusion de la mort, dont l’idéal est celui du zéro mort. Tout système à zéro mort est un système à somme nulle. Et tous les moyens de dissuasion et de destruction ne peuvent rien contre un ennemi qui a déjà fait de sa mort une arme contre-offensive. “Qu’importe les bombardements américains ! Nos hommes ont autant envie de mourir que les Américains de vivre !” D’où l’inéquivalence des 7 000 morts infligés d’un seul coup à un système zéro mort.
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