« Le meilleur des mondes », exposition d’Olga Kisseleva, du 30/09 au 19/12/10, à l’espace RURART, à Rouillé (86480),
entrée libre tous les jours de 10h-12h et 14h-18h, sauf samedi et jours fériés, dimanche 15h-18h.
"Life on sales", une installation vidéo d’Olga Kisseleva avec Florent di Bartolo, tirée de la série "Double Life", à Rurart dans l’exposition solo de l’artiste russe intitulée "Le meilleur des mondes". © Anne Landréat
< 19'12'10 >
Autant en emportent les temps d’Olga Kisseleva
(Rouillé, envoyée spéciale) Disparaître. Faire avancer ou ralentir le temps. Jouer avec les mots des religions et des idéologies. C’est « le meilleur des mondes » de l’artiste Olga Kisseleva, à Rurart, un centre d’art installé dans un lycée agricole près de Poitiers, qui s’achève aujourd’hui. Le temps presse donc pour découvrir les cinq œuvres présentées, mais rien que de très normal avec ce rapport au temps très personnel qu’elle met en scène dans l’installation « It’s time », produite pour l’exposition avec le chercheur en physique théorique Sylvain Reynal. L’artiste russe combine méthodologies et savoirs scientifiques et artistiques dans son travail. Le point de départ d’« It’s time » est l’accélération du temps : l’horloge numérique affiche le temps de chaque visiteur, calculé grâce à un capteur de pulsion cardiaque. Il pose sa main à la surface, et l’horloge modifie l’affichage de l’heure qui dépend ainsi uniquement des visiteurs de la journée. Les stressés voient le temps défiler (l’horloge fait passer le temps plus vite), les calmes ralentissent le passage du temps et sont invités à flâner. L’horloge propose ainsi un temps du vivre ensemble, qui n’est ni universel, ni individuel. Olga Kisseleva est l’une des rares artistes à composer des œuvres à partir de nanotechnologies. Il faut dire qu’elle ne se contente pas d’observer les nouvelles technologies, elle est également chercheuse et vient de décrocher un diplôme dans ce domaine afin de l’explorer de la manière le plus précise dans ses œuvres. L’installation « Sur-mesure » part de l’une des expériences qu’elle a pu voir dans des laboratoires scientifiques : la captation précise d’une couleur et son transport sur une longue distance grâce aux nanotechnologies, ce qui intéresse particulièrement les militaires. Elle en propose un détournement poétique en créant un dispositif qui permet d’éclairer une salle en fonction de la couleur des yeux des visiteurs. Après avoir changé l’heure et la lumière en les individualisant un maximum, « Collapsar » fait aux visiteurs la promesse de les faire disparaître, ne serait-ce qu’à leurs propres yeux, l’espace de quelques instants. Le centre de la pièce est orné d’un tipi transparent, lorsqu’on y entre, on perçoit dans un miroir toute la salle d’exposition, sauf soi-même. On se retrouve transparent à ses yeux mais bien visible par les autres visiteurs. Olga Kisseleva interroge de manière critique la technologie et les signes qu’elle produit. Ainsi, si l’installation « Paradise » se présente sous la forme d’un code 2D (qui signifie paradis justement), ce marquage graphique est cependant difficilement lisible par un téléphone portable car construit à partir de miroirs colorés bardés de mots. Aux visiteurs de combiner les mots ensemble et comparer les conseils pour se rendre au paradis en fonction des couleurs, chacune présentant des bribes de la Bible, du Coran, de la Torah, et du « Capital » de Marx. L’artiste se déjoue des idéologies, ayant grandi en Union soviétique et vivant désormais à Paris. Elle qui a dû lire la Bible en cachette lorsqu’elle étudiait l’histoire de l’art, afin de comprendre les sujets religieux, trouve bien des similitudes aux quatre livres. Le choix du code bidimensionnel comme structure globale de l’installation est un autre élément critique d’Olga Kisseleva qui se méfie du contrôle du téléphone portable sur ses utilisateurs. Sommes-nous libres ou prisonniers des technologies, du temps comme des religions ? Olga Kisseleva ne fait que poser la question, suggérant l’aliénation, soulignant l’absurdité parfois de nos existences de fourmis numérisées. Comme le montre, en toute fin d’expositon, un des films de « My double life », série (en cours) de dyptiques vidéo qui montre la vie partagée entre boulots alimentaires et travail artistique de collaborateurs d’Olga. A Rurart, c’est le jeune artiste parisien Florent di Bartolo que l’on découvre.
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