Comment faire (sécuri)taire la presse
L’affaire Filippis n’en finit plus de faire des vagues. Rappel des faits : vendredi au petit matin, Vittorio de Filippis a subi une arrestation musclée : menotté devant ses enfants avant d’être fouillé au corps (deux fois, on n’est jamais trop prudent) puis présenté à une juge. Il est vrai qu’il fallait s’armer de précaution : si Vittorio de Filippis a été humilié, comme des milliers d’autres, c’est parce que ce journaliste, directeur de « Libération » entre l’éjection de Serge July et l’arrivée de Laurent Joffrin, est attaqué pour diffamation par le patron de Free et n’avait pas répondu à une convocation de ladite juge... Ces dernières années, les atteintes au droit d’informer en France sont légion : perquisitions dans les rédactions (un juge a même tenté d’entrer dans les locaux du « Canard enchaîné »), pressions diverses, gardes à vue à répétition voire mises en examen, sans parler du projet de loi qui menace le secret des sources. Toutes choses dénoncées ici même et la semaine dernière aux Etats généraux off de la presse et dans l’Appel de la Colline qui les a conclus. Mais le traitement réservé au journaliste de « Libé » est l’affaire de trop. Celle qui met un peu trop en lumière le sort réservé aux justiciables dans notre beau pays (avec ou sans papiers). L’opposition hurle, les syndicats de journalistes se rebiffent et quittent les Etats généraux de la presse présidentiels. Le ramdam a même obligé Christine Albanel, François Fillon et Nicolas Sarkozy lui-même à dénoncer le procédé, le Président décidant comme d’habitude de créer une « mission de réflexion » pour se sortir d’affaire. Seules Rachida Dati et Michèle Alliot-Marie, préposées aux basses-œuvres du régime, soutiennent encore juge et policiers... Comme le rappelle opportunément Guillaume-en-Egypte, le chat pigiste de poptronics, il y a des antécédents... Humilier les journalistes pour mieux les faire taire n’a malheureusement rien de neuf. Vous le sentez, ce petit parfum exotique qui enivre notre belle démocratie ? Celui qu’ont bien connu des journalistes sud-américains (circa 1975), espagnols (sous Franco), grecs (pendant la dictature des colonels), maghrébins (depuis l’Indépendance ou quasi), iraniens, syriens et on en passe. A l’heure où la « première dame » s’improvise ambassadrice du Fonds mondial de lutte contre le sida, la République prend de faux airs de l’Argentine sous Peron : à Juan Domingo Sarkozy les coups de menton (cette semaine, on remet de hauts murs aux hôpitaux psychiatriques), à Evita Carlita les bonnes œuvres. Elle a vraiment belle allure, la rupture...
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