Game jam (compétition de création de jeux vidéo) ce week-end à Fukushima pour relancer l’économie de la région. A Minami-Soma, du 27/08, 11h locale (4h en France) au 28/08, 19h locale (midi en France). Retransmis en direct en vidéo streaming, en japonais et en anglais ici.
Le 11 mars dernier, le tsunami touchait Minami-Soma, à 25 km de la centrale de Fukushima. Ce week-end, une soixantaine de game designers vont s’y affronter lors d’un game jam. © DR
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Compèt de joueurs à Fukushima pour faire oublier la catastrophe
Tokyo, envoyé spécial Et les jeux vidéo volèrent au secours de la région de Fukushima… Cette fin digne des contes les plus fantaisistes, Kiyoshi Shin veut y croire. Pour y parvenir, le président pour le Japon de l’Association internationale des développeurs de jeux vidéo (IGDA) a un plan. Ou plutôt un début de plan. Niveau 1 : ce week-end, il organise un « game jam » dans la ville de Minami-Soma, située à 25 km de la funeste centrale de Fukushima Daiichi, endommagée lors du tsunami du 11 mars 2011. Qu’est-ce donc qu’un game jam ? Sur le modèle du bœuf musical, c’est un événement durant lequel des équipes s’affrontent pendant un temps donné (souvent un week-end), qu’elles utilisent pour créer un jeu vidéo de A à Z. Ce jam-là est la première pierre d’un plan qui associe entreprises, universités et gouvernement japonais pour relancer l’économie de cette région dévastée, au moyen des technologies de l’information et de la communication (TIC). « L’explosion à la centrale nucléaire a condamné l’économie de la région de Fukushima, qui repose principalement sur l’agriculture et l’élevage de bétail, explique Kiyoshi Shin à Poptronics. L’idée est donc de développer une nouvelle économie, celle des TIC, et de créer des produits insensibles aux radiations. » C’est-à-dire des biens dématérialisés, dont les consommateurs ne redouteraient pas la provenance, comme les jeux vidéo. C’est début mars, lors de la Game Developer Conference (GDC) de San Francisco, que l’idée a germé : Kiyoshi Shin et quelques autres se souviennent alors du dernier Global Game Jam, qui avait réuni un mois plus tôt 6.500 designers simultanément dans 44 pays. Le temps d’un week-end, ils avaient formé des équipes et créé 1.500 jeux. Shin et ses interlocuteurs évoquent alors le projet d’un game jam local, à l’échelle de l’Archipel, pour redynamiser la création nippone (déjà en crise), mais la réflexion en reste là. Une semaine plus tard, le 11 mars, un séisme de magnitude 9 se produit au large du Japon, et le tsunami s’abat sur les côtes nord-est de l’Archipel. Bilan : plus de 15.000 morts, près de 8.000 disparus et une catastrophe nucléaire qui condamne une partie de la région pour plusieurs décennies. « Toute l’industrie du jeu vidéo s’est sentie impuissante à ce moment-là », poursuit Shin, rencontré dans un café tokyoïte. Il s’excuse pour son anglais hésitant mais enchaîne rapidement les phrases, semblant revivre ce moment de doute. « Comment venir en aide aux victimes du séisme avec un divertissement ? » A l’époque, beaucoup d’entreprises du secteur ont donné des sommes importantes, sans pouvoir faire plus. Quelques semaines plus tard, l’idée du game jam ressurgit. « Les premiers secours, la nourriture, l’argent étaient arrivés, la reconstruction avait bien avancé, mais la région n’avait aucun avenir. » Kiyoshi Shin pense à ce que pourrait représenter un tel événement pour des gens qui ont perdu tout espoir. Il parle alors de son idée à un élu local de Minami-Soma, qui l’adopte. La ville de 70.000 habitants n’est pas choisie par hasard. Elle s’étend d’un côté jusque dans la zone d’exclusion de 20 km autour de la centrale. De l’autre, elle reste dans la zone de précaution de 30 km. Le tsunami y a fait 535 morts et 400 disparus, et au moins 6.000 maisons ont été détruites. Dix jours après la catastrophe, le maire de Minami-Soma, Katsunobu Sakurai, avait fait connaître sa ville dans le monde entier en postant sur Youtube une vidéo de 11 minutes, sous-titrée en anglais, où il faisait part du sentiment de désespoir qui touchait sa ville. Le temps d’un week-end, Minami-Soma ne sera plus la cité meurtrie, tous feront mine de ne penser qu’au jeu vidéo. Sur les 60 participants attendus, une moitié vient de la région de Tokyo et l’autre de celle du Tohoku (« Nord-Est »). Kiyoshi Shin confie que quelques développeurs de Tokyo ont émis des inquiétudes quant à la sécurité de l’événement. Le formulaire d’inscription précise d’ailleurs que la salle a été « testée pour les radiations ». Il esquisse un geste du revers de la main, comme pour balayer les craintes : « La zone serait peut-être dangereuse si on y restait 20 ans, mais pas pour deux jours », rassure-t-il timidement. Un week-end festif suffira-t-il à renverser la réalité ? Le bœuf de Minami-Soma pourra-t-il faire oublier le bœuf de Fukushima ? « Ce n’est qu’une étape, bien sûr, convient l’organisateur. Le but est d’une part d’associer le nom de Fukushima à des choses positives, et d’autre part de faire comprendre aux gens le potentiel des TIC, pour que les étudiants embrassent ces carrières. » Réaliste, Shin convient qu’il est un peu tôt pour espérer faire venir des studios de développement de jeux dans la région, même si le gouvernement local l’espère. En attendant, le game jam a remporté un soutien massif : il est appuyé financièrement par quatre entreprises de hautes technologies, et trois autres villes ont décidé d’organiser leur propre game jam simultanément : Tokyo, Fukuoka (sud-ouest) et Sapporo (nord). Les gamers ne sont pas oubliés, qui pourront suivre les 30 heures de compétition via la diffusion en streaming vidéo (bilingue japonais et anglais).
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