Nemo, jusqu’au 1er mai à Paris, au Cinéma des cinéastes 7, avenue de Clichy, Paris 17e., du 2 au 5 mai, au Cube, 20, cours Saint-Vincent, Issy-les-Moulineaux, 92 et du 9 au 13 mai, à l’Usine C, Montréal (Canada), dans le cadre du Festival Elektra. Entrée gratuite.
Little Fella ©DR Le chien ronfleur des magiciens de Tokyoplastic, dans la sélection Onedotzero de Nemo (le 29 avril au Cinéma des cinéastes)
< 25'04'07 >
Nemo en apnée
Concurrencé et pour un an encore délogé (le Forum des images n’en finit pas d’être en travaux), Nemo, le festival parisien des images pas comme les autres, le rendez-vous des amateurs de sensations rétiniennes durablement hors normes, n’est pas au mieux de sa forme cette année. Certes, le cœur de Nemo bat toujours aussi fort : les courts-métrages les plus dingos, les plus beaux, les plus hybrides sont au rendez-vous au cours de soirées au timing irréprochable. Pour le reste, Nemo joue profil bas : ni performance ni exposition d’installations multimédias, tout se passe sur écran.
Alors oui, il y a comme d’habitude à voir et à pleurer, à rire et à frémir, de mini-space opéras en tornados baroques, avec une palette impressionnante de styles internationaux et techniques multiples. Le sens de l’absurde britannique (Chips2 des spécialistes du film d’architecture Squint/Opera), le pseudo-kawaï qui déchire de Tokyoplastic (Little Fela), le baroque australien (le magnifique Tale of how, déjà repéré à Clermont-Ferrand) ou croate (Leviathan), l’expresionnisme allemand (Motodrom, film circulaire en noir et blanc sur les attractions du même nom), l’humour sale gosse français (Raymond, un héros marionettisé à l’extrême) ou les facéties du prof Nieto…
Côté français justement, Arcadi, la structure d’aide à la création de la région Ile-de-France, à l’initiative de Nemo, a soutenu les réalisations d’Hendrick Dussolier, qui propose une double vision, stéréoscopique dans une boîte noire et sur grand écran en version filmique de Face, un drôle (enfin moyennement, âmes sensibles s’abstenir) de face à face avec l’horreur. Généralement, les jeux vidéo assignent le rôle de bourreau au joueur, qui, en vision subjective, fait joyeusement exploser les têtes et autres membres de ses adversaires. Ici, Hendrick Dussolier, qui avait déjà ébouriffé quelques cerveaux avec l’étrange et virtuose Obras, renvoie le spectateur à la passivité face à une violence démesurée qui touche et touche encore, en boucle, la tête de moins en moins humaine qui lui fait face. Impressionnant.
Autre grand habitué du festival, Richard Fenwick, le réalisateur britannique de films marathon (RND#, une série de cent courts en cours de réalisation) fait courir ses jeunes acteurs comme si leur vie en dépendait, poursuivis qu’ils sont par un raz-de-marée de dé-réalisation, là encore fascinant : dans un décor industriel très fin du monde, ils filent sans oser se retourner, pour ne pas être transformés en modèles 3D, avatars d’eux-mêmes dans un monde filaire.
Peurs et angoisses contemporaines truffent comme de bien entendu les images des surdoués de la palette graphique, des infographies et des effets spéciaux. Il n’y a guère que les clips pour retrouver un poil d’optimisme et d’images plus légères. L’image de marque de Nemo, c’est précisément ce melting-pot de courts et d’images plaquées sur du son ou de sons qui génèrent de l’image. La performance en ouverture du festival, mercredi 25 avril, des Semiconductor en était la plus épatante illustration : à partir d’images des laboratoires de recherche spatiale - Ruth Jarman et Joseph Gerhardt a un partenariat avec la Nasa et le Space Labs de Berkeley notamment-, le duo britannique compose une musique d’un bruitisme léger, comme si les éruptions du soleil nous chatouillaient les oreilles. A l’image, des boursouflures, des grains de poussière de l’univers, aux oreilles, des chuintements et de la noise délicate.
Si la dose habituelle d’images délires est donc bien au rendez-vous, la partie plus expérimentale de performances et d’installations hors écran est en revanche partie plus que congrue cette année, faute de locaux adéquats. Nemo se partage entre le Cinéma des cinéastes à Paris et le Cube d’Issy les Moulineaux, bel écrin excentré et, partant, peu propice aux fiestas endiablées. Gilles Alvarez, responsable de la programmation Nemo, a promis une édition 2008 digne de la date anniversaire : pour ses dix ans, Nemo retrouvera le Forum des images et promet plus de performances son-image. Après la mue multimédia (cinq ans déjà), le festival expérimental nouveaux médias reviendrait ainsi à une interface plus conviviale. On ne boudera pas notre plaisir.
annick rivoire 

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