C’est la rançon du succès. Pour sa quatrième édition, le festival Villette sonique, attaque de tous côtés jusqu’à dimanche : trois soirées tendance rock expérimental, deux nuits électroniques, deux plateaux gratuits dans le parc ce week-end et même deux ateliers enfants ! Concurrence oblige pour ce festival qui a fait son miel de force guitares et vociférations ? Il faut dire qu’en quelques saisons, la tribune aux musiques underground a fait des petits expérimentalo-noise-performatifs dans la capitale. Mais ce parfum de déjà-vu n’empêchera pas de chavirer sous les parfaitement explosifs Liars, qui présenteront jeudi soir leurs nouveaux morceaux. Après avoir exploré les déviances punk-funk et la pop à guitares, iront-ils jusqu’à la décadanse ? Alors que sort leur album le plus lumineux et baroque, « Monolith & Dimensions », les héros drone-metal Sunn o))) reviendront, eux, aux fondamentaux en concentrant le tir sur « Grimm Robe Demos », la première pierre d’une discographie aux allures de porte de la perception.

Pas de tête d’affiche tarte cette année (oublié le fiasco Devo), ni d’historiques rarissimes (Nurse With Wound n’avait jamais été vu sur scène à Paris), mais quelques groupes de référence : les outsiders new-yorkais Liquid Liquid (29/05), redécouverts à la faveur du revival punk-funk et devenus ultra-influents (on y revient), Jesus Lizard (27/05), quinze ans après une carrière noise de second rang, propulsés au statut de groupe culte... Et les Italiens Goblin (29/05), révérés des branchés (après les années 60, le curseur et désormais bloqué à 1975 !). Les pieds empêtrés dans le tapis prog-rock, ce groupe a signé de merveilleuses bandes originales, notamment pour les films de Dario Argento.

Mais il y a la (longue) liste des groupes à découvrir absolument. Ce soir par exemple, Dan The Automator (Gorillaz) et Russell Simins (batteur du Jon Spencer Blues Explosion) donneront vie à leur projet de garage-rock électronique, Men Without Pants. Les Japonaises Nisennenmondai raviront les amateurs de noise de leurs enchevêtrements euphorisants de guitares (le 29/05). Pour calmer les acouphènes, le Californien borderline Ariel Pink (28/05), machine à tubes lo-fi à la belle histoire : il fait passer une de ses dizaines de cassettes aux Animal Collective qui l’écoutent dans leur bus de tournée et l’appellent illico pour le signer…

Ariel Pink - « Kate I Wait » :

Le week-end est l’occasion des découvertes de plein air. Cette année, les New-Yorkais Extra Life, à la fière et sombre allure, à base de basses ronflantes, avec leurs ambiances soutenues par un violon et des vocalises à la Dead Can Dance, aiguisent la curiosité (premier album « Secular Works »). Inratables également, les très bruyants Lightning Bolt, duo basse-batterie historique de la scène noise, qui joue au milieu du public (comme les Israéliens de Monotonix, d’ailleurs), le grand groupe californien qui rue dans les canons pop, Deerhoof (on en parlait ici), ou encore Mahjongg, venu de Chicago, qui carambole à peu près tout, du krautrock au math-rock façon Battles, en passant par l’expérimental ligne claire, le punk-funk ou l’afrobeat. Excellent groupe avec des antennes à la place des oreilles, à ne vraiment vraiment pas louper (écoutez leur formidable album « Kontpab », vous verrez).

Dépaysement total, enfin, dimanche après-midi avec un avant-goût de la tournée Sublime Frequencies (on y revient) : le label d’Alan Bishop, qui collecte les perles du monde entier, sort de sa manche un pur représentant de la pop syrienne, Omar Souleyman, qui se chargera de faire danser le public du Jardin des îles grâce à son mélange de musique tradi et de rythmes cheap-techno. Avant de céder à l’utra-tendance Ebony Bones, une Anglaise qui fait dans le punk-funk incendiaire et à laquelle vous n’échapperez pas dans les mois à venir.

Mahjongg - « Tell The Police The Truth » :

benoît hické et matthieu recarte