Deuxième étape taïwanaise du tour du monde de l’art et des jeux vidéo d’Isabelle Arvers, une aventure pour fêter ses vingt ans de commissariat et de création dans l’art des jeux vidéo. Poptronics a demandé à la globe-game-trotteuse de nous envoyer régulièrement de ses nouvelles.
Bienvenue à Taïwan. © Isabelle Arvers
< 19'08'19 >
A Taïwan, mon tour du monde art et jeu vidéo (2)

Deuxième épisode sur Poptronics du tour du monde de l’art et des jeux vidéo d’Isabelle Arvers, avec escale à Taïwan, cette île à l’histoire politique compliquée qui porte officiellement le nom de « république de Chine ».

Pour fêter vingt ans de curation activiste des jeux vidéo côté art, la globe-game-trotteuse a décidé d’aller débusquer la diversité des développeurs.ses indépendant.e.s. et artistes de pays d’Asie, d’Afrique, du Moyen-Orient et jusqu’en Amérique latine.

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Taïwan fait partie de ces pays qu’on aime d’emblée. Cela tient à peu de choses, des regards, une sensation de détente, une impression de non retenue… On sent qu’ici, on peut respirer en toute liberté.

J’étais attirée par ce pays sans le connaître, avec cette idée un peu vague qu’il résistait au grand voisin, appelé en Asie « Mainland China ». J’étais loin d’imaginer à quel point j’allais adorer Taïwan. En arrivant à Taipei, j’ai découvert le pays de Shu Lea Cheang, cette artiste à la carrière internationale dont je suis l’amie, plus connue ici sous le nom de Cheang Shu Lea. Elle représente cette année Taïwan à la Biennale de Venise avec « 3X3X6 », une installation sur la surveillance et le panoptique à l’ère digitale. Avec ma structure Kareron, Shu Lea et moi travaillons depuis de nombreuses années, notamment sur le bio-jeu multijoueurs « Uki Enter the Bionet » et sur « Uki Cinema Interrupted », un film interactif sur fond d’ère post-Internet, l’intrigue naissant dans une ville de déchets électroniques.

« 3X3X6 », Shu Lea Cheang, pavillon taïwanais de la Biennale de Venise 2019 (bande-annonce) :

C’est un peu comme si Shu Lea, même si elle n’est pas à mes côtés, me faisait découvrir « son » Taïwan. Ce qui rend cette étape de mon tour du monde art et jeu vidéo assez spéciale, au-delà des extraordinaires rencontres que j’y fais : je sais que j’y reviendrai, puisque j’y ai laissé une part de moi-même.

Le Digital Art Center ou DAC TW à Taipei me sert de sas d’entrée dans la jeune création vidéoludique, avec l’exposition « DAC Young ». Je repère « Mind Beneath Us », un jeu développé par des étudiants regroupés sous le nom de BearHouseStudio, une sorte de dystopie futuriste qui plonge dans un monde où l’intelligence artificielle aurait mis la plupart des êtres humains au chômage.

« Mind Beneath Us », BearHouseStudio, 2019 (gameplay en taïwanais) :

Hsiang Wen Chen, curatrice de l’exposition, m’explique comment elle a dû batailler ferme avec ces étudiants pour leur faire comprendre qu’une exposition de jeu vidéo devait apporter une dimension curatoriale et aller au-delà d’un simple ordinateur posé sur une table…

Alors que nous discutons du focus que j’entends donner à mon tour du monde sur les pratiques queer, féministes et décoloniales, elle mentionne l’exposition « Letter Callus Post War », qu’elle a montée et présente la semaine suivante au Kuandu Museum of Fine Arts.

Le poids du passé colonial

Cette exposition est le fruit de multiples voyages entre l’Indonésie et Taïwan afin de parcourir le passé commun entre les deux îles en matière de colonisation, d’abord néerlandaise au XVIIème siècle, puis japonaise au XXème siècle. « Il existe un lien durable entre ces deux pays en ce qui concerne leur histoire et la situation sociale actuelle, explique-t-elle. Leurs langues maternelles ont été éliminées. Et l’identité et les sentiments pour la mère patrie ont été délibérément dilués. » Si beaucoup d’Européens ont eu des enfants avec des femmes asiatiques, c’était illégal, et ces enfants appelés « bâtards » furent exilés à Batavia, à Jakarta en Indonésie, et éduqués par des missionnaires. L’exposition évoque et présente ces messages retrouvés, envoyés dans des vêtements ou des victuailles par ces enfants à leurs mères.

L’Indonésie comme Taïwan ont aussi été régis par la très puissante compagnie VOC (Vereenigde Oostindische Compagnie), la fameuse Compagnie néerlandaise des Indes orientales, pour le commerce de bananes ou de peaux de chevreuils, qui servaient à la conception des vestes militaires japonaises. Là aussi, comme en Corée du Sud, la problématique des femmes de confort, envoyées de 1943 à 1945 par les Japonais dans les camps militaires pour être prostituées, est revisitée grâce à la très belle exposition de photos de l’artiste indonésienne Nona Djawa. Ces femmes sobrement appelées « les survivantes » n’ont pas plus qu’en Corée osé parler pendant plus de trente ans de la honte et de la solitude qu’elles ont subies, bannies par leurs familles et rejetées par la société. En Corée du Sud, près de 100.000 femmes en avaient été victimes. A Taïwan, ce sont les familles indigènes, moins éduquées et plus pauvres, qui vendaient leur filles, pensant qu’elles auraient une meilleure éducation.


Affiche de l’exposition « Letter, Callus, Post War ». © DR

Taïwan et l’Indonésie ont aussi connu le trafic de personnes. La Hollande y envoyait des esclaves noirs, qu’on appelait les « fantômes » à Taïwan, pour y effectuer les basses besognes. « Letter, Callus, Post War » est née de l’envie de faire ressortir cette histoire ensevelie sous des dizaines, voire des centaines d’années d’assimilation et de prosélytisme. Une façon de découvrir et de faire connaître ce qui a persisté au fil des générations de la culture taïwanaise et ce qu’est aujourd’hui la véritable identité de Taïwan...

En quête de l’identité taïwanaise

LiChen Loh, artiste qui dirige le Digital Art Center (le DAC TW), me donne en quelques mots les clés pour découvrir Taïwan. Loh parle au chauffeur de taxi qui nous amène à DAC Taipei pour y écouter Annet Decker en streaming dans « The path towards conserving Net art », puis se retourne vers moi : « Est-ce que tu sais quelle langue je parle avec lui ? C’est un mélange de taïwanais et de mandarin. » Depuis une vingtaine d’années, au sortir de la Terreur blanche, période pendant laquelle Taïwan a vécu sous le joug de la Loi martiale imposée par le Kuomintang, le gouvernement de Taïwan autorise à nouveau ses habitants à parler le taïwanais, qui est même ré-enseigné à l’école. Avoir le droit de parler sa propre langue fait partie de la quête encore très récente pour imposer la démocratie dans cet Etat. La liberté y est somme toute très fragile, les tenants d’un retour au sein d’une alliance avec « Mainland China » étant encore très nombreux.

Une quête d’identité que l’on retrouve aussi dans la magnifique exposition d’art aborigène « When Kacalisian Culture Meets the Vertical City - Contemporary Art Meets Greater Sandimen », co-conçue par Manray Hsu et Etan Pavavalung, artiste aborigène et activiste. Pour y accéder, il faut faire deux heures de route dans les montagnes au sud de Taïwan. L’exposition se situe dans le Parc national des cultures aborigènes. Des habitats traditionnels issus des différentes tribus y sont reconstruits : maisons de pierres ou maisons en bambou, elles représentent une culture presque oubliée, devenue une sorte de folklore, la plupart des tribus ayant été totalement assimilées. Surtout celles des plaines, comme explique Manray Hsu, celles des montagnes ayant un peu plus résisté et gardé quelques-unes de leurs croyances…


« Self National Education », l’une des œuvres de « When Kacalisian Culture Meets the Vertical City ». © Isabelle Arvers

Alors que les aborigènes étaient principalement animistes et chamanistes, ils sont aujourd’hui à plus de 95% catholiques. Un mouvement pour réclamer les terres mais aussi leur culture, dont Etan Pavavalung est l’un des chantres, s’est animé dès les années 1990, que le gouvernement actuel soutient. Une école aborigène a même été créée, bien qu’il soit difficile de trouver des personnes à même d’enseigner la langue. Les aborigènes, ayant une culture plutôt orale, la tâche d’activistes comme Etan consiste à faire renaître la culture musicale, les pratiques et croyances rituelles, les traditions artisanales, les savoirs ancestraux.


Etan Pavavalung, artiste aborigène et co-organisateur de l’exposition. © Isabelle Arvers

Les traces de cette quête se retrouvent dans sa peinture qui, à partir des années 2000, reflète l’harmonie retrouvée après les combats des années 1990, malgré la perte de son village emporté par un typhon qui a fait près de 700 victimes. Une harmonie avec sa famille, avec la nature. Cette histoire de colonisation et d’assimilation est aussi présente dans les œuvres de Kitulu A Kimadju « Fighting for Who for What » (littéralement « Se battre pour qui pour quoi », les aborigènes ayant dû combattre pour les colons hollandais, puis japonais) et « National Self Education ».


« Fighting for Who for What », de Kitulu A Kimadju, pointe la très longue dépossession aborigène. © Isabelle Arvers

Parce que chacune des expositions monographiques est présentée dans une maison originaire de la tribu de l’artiste, « When Kacalisian Culture Meets the Vertical City » devient une expérience à part entière, qui va bien au-delà de la notion habituelle d’exposition. La compagne d’Etan, Grace, agent d’artiste qui me guide tout au long de l’exposition, explique : « On s’arrête devant l’âtre, à l’entrée de la maison, là où on faisait brûler du millet, afin de se dévêtir de toute mauvaise énergie, pour ensuite pouvoir se pencher humblement avant de rentrer dans la maison, là où les ancêtres étaient enterrés, par respect pour leurs esprits. »


Grace me guide de maison en maison… © Isabelle Arvers


… et m’explique les secrets de l’âtre qui débarrasse des mauvaises énergies. © Isabelle Arvers

Open politique

Cette quête d’identité est soutenue par l’actuel gouvernement, la présidente Tsai Ing-wen étant elle-même d’origine aborigène. Un gouvernement qui a aussi la particularité d’avoir fait entrer en son sein la culture du hack et de l’open source, avec la nomination d’Audrey Tang, ministre du Numérique et transgenre, chantre du logiciel libre et de l’open source, issue de la communauté g0v.tw.


Rencontre avec quelques-un-e-s de membres de la communauté gOv.tw, hackeuses, féministes, artistes. © Isabelle Arvers

gOv.tw est une communauté en ligne qui défend la transparence de l’information en mettant l’accent sur le développement de plate-formes d’information et d’outils permettant aux citoyens de participer à la société. Je dois à nouveau à LiChen Loh du DAC d’avoir organisé ma rencontre avec ces femmes, féministes, hackeuses, développeuses de jeu vidéo ou encore artistes pluridisciplinaires.

Hsiao-wei Chiu et Besse Lee, membres du groupe hackathon de la communauté g0v, m’expliquent comment les hackathons participent à l’ouverture du gouvernement taïwanais à la société civile et à plus de transparence : indexation collaborative d’archives, mise en ligne collective de documents liés au financement de campagnes électorales

Cette politique d’ouverture passe aussi par la conception de jeux ou de plate-formes de dictionnaires en ligne, pour faciliter l’intégration de dictionnaires aborigènes… La ministre Audrey Tang (que j’ai interviewée pour « Usbek & Rica ») me montre des jeux liés à l’apprentissage de l’alphabet qu’elle a elle-même conçus lors d’hackathons « Moetris » et « Lab ».


Interface du hackathon autour de l’apprentissage de l’alphabet, auquel a contribué l’actuelle ministre du Numérique à Taïwan (capture écran). © DR

Hsiao-wei Chiu résume : « Nous défendons l’open source, l’open data, l’open society et espérons obtenir un open gouvernement. » Ce gouvernement progressiste a été mis en place à la suite de la révolution des tournesols en 2014, lorsque des étudiants avaient envahi le Parlement pour refuser l’accord de libre-échange sino-taïwanais qui selon eux « vendait » le marché taïwanais à la Chine. Cette révolte à l’ampleur sans précédant a été soutenue là encore par un hackathon, pendant lequel Johnson Lee crée le jeu « HoeHoeKuma », pour soutenir l’action des étudiants. Johnson Lee, organisateur des rencontres entre développeurs indépendants à Taipei, m’explique comment la production de jeux vidéo indépendants à Taïwan voit le jour de façon tout à fait récente. Après une longue période d’importation de jeux venant de Chine, du Japon ou de Corée.

Femme et jeune, la double peine ?

L’émancipation, la quête d’une nouvelle identité taïwanaise, est aussi à suivre du côté féministe. Leticia Feng, qui enseigne le journalisme en lien avec des problématiques féministes, s’est penchée sur le « porn revenge », cette mise en ligne de photos ou de vidéos de femmes nues suite à des ruptures (pour en savoir plus, je vous renvoie à l’interview que j’ai faite du collectif de joueuses féministes coréennes famerz en Corée du Sud).

Elle vient de participer à l’écriture d’un ouvrage collectif en taïwanais sur philosophie et misogynie, dont je traduis ici (approximativement) le titre : « C’est une femme aimante, mais aussi une femme misérable : comment comprendre la stratégie à deux mains du monde consistant à courtiser et à punir les femmes ? ». Si le jeu vidéo indépendant commence tout juste à émerger à Taïwan, Leticia me parle de ces jeux de plateaux conçus à Taïwan pour évoquer des questions d’égalité de genre, de sexe ou d’origine ethnique ou encore de la garde des personnes âgées, que beaucoup souhaitent confier aux femmes seules de la famille, une problématique qui fait énormément débat aujourd’hui chez les féministes.

La pression de la famille sur les femmes et sur les jeunes, LiChen Loh m’en a parlé dès notre première rencontre. Ce sujet est au centre d’une de ses œuvres représentant un arbre que sa mère l’a obligée à couper...


Détail de l’œuvre de LiChen Loh à l’arbre coupé. © Isabelle Arvers

Une pression familiale dont me parle aussi Wei Hsinyen, artiste marcheuse (elle est l’auteur de la performance « Walk with me »), avec qui je vais découvrir le quartier de son enfance, un des plus vieux de Taipei, en passant par les allées étroites au dos des artères principales, un très vieux petit marché, des artères plus industrielles où nous échangerons des secrets de famille. Wei Hsinyen m’explique que ce sont ses parents qui l’ont obligée à acheter sa maison.


En balade avec l’artiste Wei Hsinyen. © Isabelle Arvers


L’alternance de paysages à l’architecture ancienne et industrielle est-elle propice à l’échange de secrets ? © Isabelle Arvers

Jei Triangular, cinéaste expérimentale originaire de Bogota vivant à Taipei, poursuit depuis deux ans un projet dédié aux femmes ayant le sida, souvent oubliées par la plupart des sujets traitant du VIH. « The Whole World is Watching » est un projet de documentaires expérimentaux initié aux États-Unis, qu’elle poursuit aujourd’hui à Taipei avec un nouvel épisode consacré à Nicole Yang, activiste taïwanaise qui recueille des enfants de réfugiés ayant le sida.


Episode en tournage de la série « The Whole World is Watching » de Jei Triangular, consacré à l’activiste Nicole Yang (capture écran). © DR


La cinéaste expérimentale Jei Triangular (à droite), née à Bogota, vit à Taïwan. © Isabelle Arvers

C’est compliqué à Taïwan, comme l’évoquait Paul B. Preciado dans une rencontre avec Audrey Tang et Shu Lea Cheang sur les questions de transparence et de démocratie au Fine Arts Museum de Taipei, en amont de la Biennale de Venise. En 2000, Nicole Yang a créé Harmonie Home, un refuge pour les femmes migrantes et leurs enfants. Le documentaire sera visible à l’automne prochain au MOCA Taipei. Les archives de « The Whole World is Watching » sont visibles en ligne par ici.

Wen Hsin Teng est une artiste pluridisciplinaire, tour à tour DJ, compositrice, VJ, vidéaste. Dans ses performances audiovisuelles, il lui arrive de détourner des jeux vidéo rétro. Elle a aussi mis en scène le spectacle « Prisoners under the torch », qui s’inspire du mythe de la caverne de Platon : une danseuse est prisonnière d’un monde d’images en 3D, à la merci d’une caméra qui traque ses mouvements, sous la surveillance omniprésente de drones, la scène se refermant sur elle comme dans une caverne…

« Prisoners Under The Torch », réal. Wen Hsin Teng, bande-annonce (2016) :

Jouer pour l’environnement

Yu Shan Lan, média-artiste et cosplayeuse, est surtout l’une des rares développeuses de jeu vidéo à Taïwan. Après avoir réalisé un jeu de combat asynchrone qui se déroule en Egypte, elle me montre un petit bijou de jeu pour mobile, « Coral critical illness ». Un jeu de puzzle au magnifique graphisme poétique qui nous plonge dans les affres du corail, organisme vivant le plus sensible au réchauffement climatique. En quelques clics, le joueur comprend comment la pollution, due aux usines, au plastique et à la surconsommation, détruit les océans à une vitesse effrénée. Et quels sont les gestes, à la portée de tou.te.s, et surtout des Etats, pour éviter le pire.


« Coral Critical Illness » et son graphisme poétique, un jeu pour mobile de Yu Shan Lan (capture écran). © DR

Ce désastre écologique, je viens de l’observer en Thaïlande, où la moitié des coraux ont disparu en moins de deux ans d’une de mes îles préférées au monde, Koh Racha Yai (Racha signifiant corail en thaïlandais…), alors qu’auparavant, ces plages étaient jonchées de coraux multicolores, roses, bleus, jaunes… Les rares coraux marrons qui persistent sont photographiés par les milliers de touristes qui bien souvent ne savent que consommer cette mer, comme on consommerait de la junk food. Ils prennent des centaines de selfies pour ensuite pouvoir dire « nous, on a fait la Thaïlande »…

La conscience de la nature et des éléments qui nous entourent, je la retrouve dans le travail de Seng Wen Lo, premier humain que je rencontre qui revendique sa transformation en « rat de laboratoire »… Grâce à lui, pour jouer à son jeu « Tuna », je me déplace jusqu’au magnifique Bamboo Curtain Studio, un lieu d’exposition et de résidence artistique initié par l’artiste Margaret Shiu, pour parcourir la très belle exposition « Food Art ».


Pour jouer à « Tuna », il faut aller dans un container, au Bamboo Curtain Studio. © Isabelle Arvers

« Tuna » est un jeu projeté dans un container, dans lequel le joueur est un pêcheur qui doit ramener dans ses filets du thon. Sauf que, très vite, il n’y a plus de thon à pêcher et qu’il n’a d’autre alternative que d’attendre que le thon se reproduise. Une manière de prendre conscience des méfaits de la pêche industrielle et de la nécessité d’une pêche durable, préservant un écosystème…


Send Wen Lo est son propre rat de labo. © Isabelle Arvers

Send Wen Lo, coiffé d’un casque, muni d’un petit micro sur le côté, m’explique en s’excusant qu’il ne pourra pas l’enlever durant tout notre entretien car il fait une expérience dans le cadre de sa résidence d’un an à la Rijksakademie, l’académie des beaux-arts d’Amsterdam. Pendant près d’un mois, il va garder ce casque jour et nuit afin d’entendre les ultra hautes fréquences que seuls les animaux et les insectes peuvent normalement percevoir, et se rendre compte lui-même des effets que la pollution sonore des humains et des machines engendre sur son propre cerveau. Il a également installé chez lui de nombreuses caméras pour observer ses réactions, même lorsqu’il dort.

Pour l’instant, m’explique-t-il, la première conséquence de son expérimentation, c’est qu’il s’est mis à rêver en 3D et que pendant son sommeil, il pousse d’énormes éclats de rire, qui parfois le réveillent.

Dans un style tout aussi critique de la société face à l’urgence climatique, HsienYu Cheng, artiste et développeur (il a aidé au montage de l’exposition de Shu Lea à Venise sur la partie streaming), me montre le jeu qu’il a conçu comme une installation, « Second Life habitat ». Développé en partenariat avec l’Institut d’entomologie de l’université taïwanaise, il s’agit d’élever des moustiques tigre pour ensuite les tuer au moyen de néons zapper. Chaque mort d’un moustique tigre provoque un signal électrique qui génère un avatar, lequel représente un humain virtuel, habitant d’une île imaginaire que les spectateurs peuvent déplacer et monitorer… Mais dont la durée de vie dans le jeu n’est que de dix heures…

Pour cette installation, l’artiste donne son propre sang afin de nourrir les moustiques… Des artistes qui n’hésitent pas à donner d’eux-mêmes pour faire prendre conscience de notre lien à l’environnement… Comme je m’étonne, HsienYu Cheng m’explique qu’il est depuis toujours animiste et considère par conséquent que toute créature vivant sur la planète a une âme. Et que pourtant, même les animistes n’hésitent pas à tuer des insectes et en particulier les moustiques… C’est ce que son installation souhaite souligner...

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Retrouvez la première chronique (coréenne) du tour du monde art et jeu vidéo d’Isabelle Arvers

isabelle arvers 

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