La réalité augmentée (RA) émerge et les artistes investissent le Pentagone, le MoMa, le Mont Fuji ou le principal monument iranien en affichant via l’écran des smartphones des couches d’information parfois subversives. Nicolas Frespech, net-artiste et chroniqueur poptronics a décidé de s’y mettre. Chronique.
L’artiste John Craig Freeman redessine la réalité via nos smartphones et une "couche" de réalité augmentée, comme ci-dessus la fontaine de Beaubourg envahie de déchets toxiques… © DR
< 05'04'11 >
Comment j’ai augmenté ma réalité
J’ai été bluffé par l’exposition en réalité augmentée « We AR in MoMA » (2010). Les artistes Mark Swarek et Sander Veenhof ont investi les salles du musée d’art contemporain de New-York pour présenter des œuvres sans y avoir été conviés (lire le hors-série papier MCD « Internet des objets » paru en février 2011). Ce squatt artistique a créé un sacré précédent. Au-delà de la nécessité ou de la difficulté d’exposer dans les lieux sacrés dédiés à l’art contemporain, c’est tout l’aspect hacking qui m’a sauté aux yeux et m’a donné envie de me lancer. Dernière opération tout aussi impressionnante du duo, le 25 février dernier : infiltrer la Maison blanche et le Pentagone avec l’opération INFILTR.AR. Seuls les employés ultra-badgés et surveillés à l’intérieur de la Maison blanche et du Pentagone pouvaient voir apparaître, grâce à leur smartphone, différents ballons gonflables virtuels, porteurs de messages relayés sur le Net. Et les deux artistes ne s’arrêtent pas là : leur prochaine action artistico-politique consiste à organiser MANIFEST.AR, une manifestation en réalité augmentée lors du prochain Cyberarts Festival de Boston, du 22 avril au 8 mai prochains. La réalité augmentée comme Zone Autonome Temporaire ? L’artiste John Graig Freeman a déjà conçu différentes « couches » de réalité augmentée : on y voit Paris sous des déchets toxiques, un homme devant des chars lors des manifestations en Chine en 1989, un drapeau géant flotte en 2011 sur un monument de Téhéran, avec la photo de Neda Agha-Soltan, tuée lors des manifestations de 2009 en Iran (vous remarquerez d’ailleurs sur le lien Wikipédia les coordonnées précises de son assassinat : quand on vous dit que tout est géolocalisable !). Infiltr.AR, mode d’emploi : Ça m’a donné des idées : occuper le centre Pompidou, le ministère de la Culture et pourquoi pas la Gaîté lyrique ? L’application la plus populaire pour expérimenter la réalité augmentée s’appelle Layar (« layer » comme calque et AR pour « Augmented Reality »). Et la bonne nouvelle, c’est qu’elle n’est plus réservée aux seuls possesseurs d’iPhone. C’est peut-être ce qui m’a donné l’envie de me lancer dans les « couches » ! Une fois Layar lancé sur son smartphone, on peut choisir ses « couches » en fonction de ses goûts : consulter le guide des toilettes à Paris, trouver un partenaire en pointant son mobile sur un immeuble, jouer à Pacman, trouver des graffitis… Parfois ça bugue grave : je me retrouve dans mon salon, à plus de 600 kilomètres de Paris, avec sur mon écran toutes les stations de Vélib’ disponibles ! Vidéo : paysage ! A partir du moment où tout objet peut être géolocalisé, tout est potentiellement transformable en réalité augmentée. On peut passer sa journée à regarder le paysage à travers l’écran de son mobile... C’est un peu fatiguant et ça encourage le vol d’ordiphones. Vivement les lunettes avec des verres augmentés ! Je cherche des ressources, je trouve des outils et tutoriaux. J’essaie d’installer PorPOIse sur mon serveur et ça plante. Ai-je mal configuré mon serveur SQL, donné les mauvaises autorisations de fichiers ? Trop technique pour moi… Je craque et je découvre Hoppala, un site qui propose de réaliser ses calques en quelques clics. Je choisis un point sur Google Maps, je clique. Les coordonnées GPS sont enregistrées, j’ajoute une phrase, une photo et si je veux un lien hypertexte, un son, une vidéo... Un peu fastidieux mais simple à utiliser. Une fois tous les points choisis et enrichis, Hoppala génère un lien compatible avec les principaux acteurs de réalité augmentée : Layar, Junaio et Wikitude. Ce qui m’intéresse, c’est que je peux réaliser une création dans une zone géographique que je ne verrai certainement jamais dans ma vie. Je peux agir à l’autre bout du monde ! Je pense au Japon, à Minami Sanriku, une des villes dévastées par le tremblement de terre et le tsunami. Je pose des Points Of Interest (POI) dans Minami Sanriku. Pourquoi ne pas faire un mémorial en réalité augmentée ? OK plus de 10.000 morts, ça fait beaucoup de POI, donc beaucoup de travail... Se promener dans une ville qui n’est plus, plus de rues, plus rien et voir s’afficher des visages, des portraits de famille... Tout à coup tout est triste. Une nouvelle archéologie des surfaces s’invente néanmoins. John Craig Freeman (oui encore lui !) « est » déjà au Japon : il offre une couche de réalité augmentée un peu mièvre, dans un univers composé de cerisiers en fleurs, d’origamis colorés avec vue imprenable sur le mont Fuji. Trop morbide. Je m’implique dans un projet de quartier. Je vais demander aux habitants d’écrire des souvenirs liés à des endroits particuliers (le centre commercial, l’école, les rives d’un canal...) et les présenter en réalité augmentée. Impatient de voir le résultat. En attendant, je réalise à mon rythme une création sur un jardin public que j’aime particulièrement : son histoire, l’essence de chaque arbre, les espèces de poissons qui habitent le lac artificiel... Mais j’ai aussi envie de travailler sur les sentiments, en proposant une création plus personnelle... et pourquoi pas (et je ne serai pas le seul !) m’incruster en RA à la prochaine Biennale de Venise, devant le pavillon français ? Sympas les idées, mais pas très subversives non plus ! Bon, une fois ces créations terminées, il me restera à les soumettre à Layar par exemple. Pas gagné non plus : toutes les « couches » ne sont pas acceptées, l’équipe éditoriale filtre les contenus qui pourraient porter préjudice à certains personnes, à certaines entreprises... à eux-mêmes en fait ! Verra-t-on bientôt un nouvel acteur de réalité augmentée libre et alternatif et un standard ouvert ? Je vous invite à laisser dans les commentaires vos idées ou vos découvertes de couches créatives et subversives !
< 3 >
commentaires
écrit le < 05'04'11 > par <
nicolas LML frespech.com
>
Ça y est, j’ai trouvé mon idée : lier différents espaces réels et virtuels à travers une création RA. La nouvelle Gaîté Lyrique, la bibliothèque et le musée du CNAM, à vous de voir ! Plus d’infos sur : http://frespech.com/mobile/RA/phrase/ Nicolas
écrit le < 12'04'11 > par <
bl.lassalle DhT gmail.com
>
Bonjour ! comment vous joindre ?? :) mercii
écrit le < 05'04'11 > par <
cf wDo espionne.com
>
http://augre.net/post/3723007546/cant-force-this
Cybernétique en papillotes
Much soul, very emotion : pourquoi j’adhère au culte du Dogecoin, par Brett Scott Je Suis La Relève De Charlie, encore ! Métavers, tout doit disparaître (et Hubs aussi) Paillettes techno et pépites d’art au Fresnoy |