La porte des anciens Frigos de Mons, aux Abattoirs, qui abritait le studio éphémère de Popsonics Radio. © DR
< 02'07'09 >
Popsonics Radio behind the stream
Seize heures de podcasts, c’est le butin amassé par l’équipe de Popsonics radio après son intervention d’ouverture à City Sonics, le festival des arts sonores à Mons en Belgique. Poptronics avait décidé de tenter l’aventure les 25 et 26 juin pour fêter à sa manière ses deux ans de mise en ligne : Popsonics est une webradio éphémère, de création et de médiation, menée par l’archétype pop de cette fusion encore largement inédite en France entre info et art, Jean-Philippe Renoult, artiste sonore et contributeur régulier du site.
Philippe Franck, le directeur artistique de City Sonics et directeur de Transcultures (également responsable des Transnumériques, il est présent en France à Enghien-les-Bains, à Besançon ou au sein du laboratoire Locus Sonus), dont l’esprit do it yourself n’est pas si éloigné de Poptronics, avait immédiatement accepté en avril la proposition d’un média bernard-l’ermite, venant faire son nid à l’intérieur du festival. Ainsi s’était montée une équipe franco-belge, le tout dans une forme d’urgence, avec réunions à distance via e-mails, appels à participation du réseau d’artistes invités à City Sonics et réflexions tous azimuts sur la façon de fabriquer et concevoir une grille pour webradio éphémère. Coller au festival et ses performances d’installation, profiter de la présence des artistes pendant le montage bien sûr, tout en gardant l’œil (et l’oreille !) critiques.
De la fête du doudou à Google
Au premier repérage à Mons, en comité réduit (Jean-Philippe Renoult et l’auteur de ces lignes), le 1er mai dernier, Jean-Philippe fait connaissance avec la ville médiévale enroulée autour de son beffroi, capte le son des cloches et découvre la Grand-Place, le cœur de la cité belge qui ambitionne de devenir capitale de la culture en 2015. Le repérage donne des idées, notamment celle de lier l’histoire chargée de l’ancienne capitale des comtes de Hainaut avec son présent hautement technologisé. Pour compenser un chômage à plus de 20%, conséquence de la crise sidérurgique (fermeture des charbonnages), la ville de 90.000 habitants a massivement investi le numérique, culturellement (universités, bibliothèques, présence du CECN et partenariats via le Manège avec Maubeuge et son festival Via) et économiquement (Google est en train d’y installer un « centre européen de collecte, de stockage et de traitement des données informatiques », Microsoft a créé un centre de soutien aux entreprises innovantes)… Bref, à Mons, la population plutôt plus pauvre que dans le reste de la Belgique, fait le grand écart entre ses traditions ouvrières populaires (la fête du doudou, une procession en forme de 14 Juillet) et les technos du futur.
Une grille sans tambours ni trompette
Le futur Popsonics se rêve donc un studio sur la Grand-Place, au premier étage d’un de ces cafés qui l’entourent, et un lancement avec « crieur », manière de rendre hommage à cette forme primaire de radio (au Moyen Age, le crieur annonce les informations locales en commençant par les tambours ou trompette). Le montage d’un projet, qu’il soit d’information ou de création, se confronte au réel, parfois de façon cruelle. Après un mois d’échanges et discussions serrées, la moitié « installation » du projet Popsonics est abandonnée : trop complexe et coûteuse à monter compte tenu des délais, la « Nomadic Radio » qui devait rejouer le flux de la radio éphémère, via des transistors low-tech conçus par l’artiste rennais David Renault, ne verra pas le jour. L’équipe se recentre alors sur la grille des programmes et les contributions d’artistes, sur le rythme et le ton de cette nouvelle radio. Anne Laplantine, artiste sonore totalement inclassable et brillante, se prend au jeu de l’invitation lancée par Jean-Philippe et envoie jingles, biographies détournées des artistes invités par Popsonics. Ses propositions sont à la fois drôles, légères et décalées : exactement ce que Popsonics tente d’inventer. Elle est intégrée à l’équipe.
D’autres sons de cloches
De l’autre côté de la frontière, Deborah Fabré, journaliste à Radio Campus Bruxelles, s’affaire à faire fructifier les dédoublements du flux Popsonics (au final, les émissions ont été diffusées sur Radio Campus Bruxelles et deux autres radios FM belges, un « preview » et un « after » ont été organisés avec la radio FM montoise Radio UMH), tandis que Gauthier Keyaerts, musicien et spécialiste de la radio, arpente les rues de Mons, fait des « prises de sons à la volée (Beffroi, Grand-Place, rues attenantes, gare, etc.) », triture et isole les plus emblématiques pour une « bande-annonce » en ouverture des deux journées de direct. DinahBird, artiste sonore, imagine quant à elle une rubrique « cloche » (hommage au carillon du Beffroi) et exhume de ses archives d’autres sons de cloches, du clocher de Saint-Gengoulph (Aisne) à l’église de Wedding (Berlin). Les artistes invités à City Sonics sont également sollicités via deux rubriques : « Vingt-quatre heures de ma vie d’artiste en cinq minutes » et « Radio kills the video star ». Deux façons de leur indiquer qu’ils seront les premiers à jouer avec le média et qu’il ne s’agira pas d’enchaîner les émissions plateau bavardes. Deux d’entre eux sont mêmes plus spécialement chouchoutés : Matthieu Recarte propose au musicien et artiste sonore Sébastien Roux (qui pose son papier peint sonore à la chapelle des Fucam) et au plasticien Nicolas Clauss (qui présente « White Vibes » sur trois écrans au même endroit) de prendre l’antenne d’assaut, façon « Radio Hack », pour une heure de carte blanche sonore.
Solution de repli aux Frigos
Deux jours avant d’arriver à Mons, c’est la cata : le local prévu pour Popsonics n’est plus disponible, la connexion haut-débit nécessaire au streaming est hors de prix (l’opérateur belge Belgacom exige 2.000€ pour deux jours !). Affolement et stress des deux côtés de la frontière, on trouve in extremis un repli aux Frigos, une partie des anciens Abattoirs, un lieu rénové et magique qui abrite l’exposition Keith Haring (celle-là même qui était à Lyon l’an passé). Nous voilà installés dans le bar, à deux pas du local de Transcultures et tout à côté de la Pop Shop de Keith Haring remontée de façon très muséale… Le symbole est plaisant, qui nous rapproche façon squat du pionnier d’un art urbain pirate par excellence. Et puis, le jardin de Transcultures n’est pas désagréable, et, en dehors des perturbations liées à l’exposition adjacente (Popsonics est le seul lieu ouvert où les visiteurs pensent venir trouver des renseignements sur l’expo…) et à d’ubuesques problèmes de clés (une seule clé pour ce lieu immense à partager entre musée, radio, Transcultures, gardien…), l’équipe prend possession des lieux.
A vous les studios
On tente de minimiser la réverb (le bar est très haut de plafond) en installant des cloisons en tissu du plus bel effet (avec pinces à linge et ficelle rose...), en accrochant façon ruban de Möbius des flyers Popsonics en guise de décoration éphémère… CarlY, l’émérite technicien de Popsonics (par ailleurs connu pour ses activités net-artistiques via Noradio ou encore RadioWNE), a monté le studio en un temps record dès mardi 23, tandis que Jean-Philippe Renoult et DinahBird préparaient les séquences « Audiorama », pensées comme un panorama international de la création sonore mais aussi comme une programmation qui permettrait à l’équipe d’aller voir les installations et préparer les autres phases de direct.
Dès le mercredi, veille de la mise en orbite de Popsonics sur le Web, les réunions de l’équipe affinent et prévoient des conducteurs de plus en plus précis. Jeudi à midi, c’est parti, le stream fonctionne, la radio Popsonics est en ligne. Pendant deux jours, c’est du quasi-non-stop. Entre les allers et venues incessantes des reporters de Popsonics (Nicolas Naisy et Carine Demange, avec Deborah Fabré, Gauthier Keyaerts et DinahBird) et les artistes invités à parler ou performer autour de leur installation, le studio Popsonics, pourtant excentré par rapport au parcours du festival, se fait lieu d’échange et de restitution. Comme un authentique média qui fait lien entre les propositions de City Sonics. Le direct achevé, les concerts en streaming en boîte, ne reste plus qu’à rejoindre les artistes pour évoquer les qualités sonores et gustatives des différentes bières belges - on n’aura pas tranché sur le mystère de la Kwak : fait-elle couac quand la bulle éclate dans le goulot de son verre spécial ou s’appelle-t-elle ainsi parce que ledit goulot provoque immanquablement, à la énième gorgée, un débordement sur menton et plastron du buveur ? En tout cas, bière ou pas, tout Popsonics Radio, création éphémère, est désormais accessible en archives sonores (podcasts au format MP3). A bon entendeur...
Liste des podcasts ou baladodiffusions signés Popsonics Radio, création éphémère.
« Bande-annonce », par Gauthier Keyaerts :
Podcast du 25/06. Durée : 30 mn.
Podcast du 26/06. Durée : 30 mn.
« A bon entendeur, la revue », le magazine de la rédaction :
Podcast du 25/06. Durée : 94 mn
Podcast du 26/06. Durée : 88 mn.
« Audiorama », un panorama international des créations radiophoniques :
Podcast du 25/06 (1). Durée : 52 mn.
Podcast du 25/06 (2). Durée : 21 mn.
Podcast du 25/06 (3). Durée : 54 mn.
Podcast du 26/06 (1). Durée : 61 mn.
Podcast du 26/06 (2). Durée : 59 mn.
Podcast du 26/06 (3). Durée : 52mn.
Podcast du 26/06 (4). Durée : 46 mn.
« Radio Hack », Popsonics invite... :
« Radio Hack », Popsonics invite Nicolas Clauss->. Durée : 57 mn.
« Radio Hack », Popsonics invite Sébastien Roux Durée : 47 mn.
« Par Mons et par vaux », chroniques d’un festival :
Podcast du 25/06 Durée : 87 mn.
Podcast du 26/06. Durée : 94 mn.
« Popsonics live ! », concerts streamés. Durée : 93 mn.
annick rivoire
|
|
|