« “Sauve qui peut ??? pas mal comme titre », de la compagnie Tg STAN, jusqu’au 22/12 et du 8/01 au 20/01 au Théâtre de la Bastille, 71, rue de la Roquette, Paris 11e, réservations. : 01.43.57.42.14 (13€ ou 20€), et en tournée jusqu’au 21/03 à Toulouse, Aix, Lyon, Strasbourg et Genève.
Monologues et sourires d’apparat, Thomas Bernhard révèle les bassesses de l’humanité, ici incarnées par la compagnie Tg STAN. © Herman Sorgeloos
< 17'12'07 >
Thomas Bernhard à la sauce flamande

« C’est l’histoire d’un Anversois qui appelle sa boutique de lunettes “au petit caniche” »… La compagnie flamande Tg STAN ouvre ainsi son spectacle « “Sauve qui peut” c’est pas mal comme titre », avec une bonne grosse blague belge. Soirée grivoise et grosse poilade au Théâtre de la Bastille ? Pas tout à fait. « Sauve qui peut… » est l’adaptation de cinq « Dramuscules » de l’auteur autrichien Thomas Bernhard, homme furieux, impétueux vociférateur qui n’a cessé de dénoncer l’hypocrisie de la société autrichienne et la permanence en son sein d’un fascisme « ordinaire ». Ses mini-drames sont des miroirs tendus où l’on rit, de plus en plus jaune, de se voir si petits et si laids.

Après « Tout est calme », pièce dans laquelle Bernhard s’élève contre la suffisance de l’élite intellectuelle et culturelle, « Sauve qui peut » est la deuxième pièce que consacre Tg STAN à l’auteur. Pour ce collectif originaire d’Anvers, ville dont un habitant sur quatre vote pour le Vlaams Belang, le parti nationaliste flamand d’extrême-droite, monter ces textes est d’une brûlante actualité, à l’heure où la partition belge n’a rien du scénario de SF. L’ensemble, aussi drôle que glaçant, parle de cette peur qui rôde, de la langue qui, l’air de rien, véhicule le racisme et la violence et finit par les banaliser.

La mise en scène prend le parti de la légèreté. Entre chaque saynète, tandis que résonne la joviale « Marche de Radetzky » de Strauss, les trois acteurs, Jolente De Keersmaeker, Sara De Roo et Damiaan De Schrijver, se changent à vue. L’occasion d’enfiler des costumes dont la griffe (Martin Margiela, Ann Demeulemeester…) est dévoilée avec ostentation au public et de tripoter l’entrejambe de son partenaire de jeu. Un lustre, sorte d’épée de Damoclès viennoise, surplombe tout ce petit monde gesticulant, titubant, grotesque. La langue de Bernhard, répétitive, incantatoire et horrible, va fissurer ces sourires d’apparat. Les personnages, non caricaturés, finissent par se diluer dans les mots qu’ils profèrent, monologuant jusqu’à usure complète de leur humanité. Il y a les commères pour qui tout est de la faute des Turcs et des Yougoslaves, cette « racaille » paresseuse et puante qu’il « faudrait gazer ». Il y a ceux qui trouvent que finalement « Buchenwald, c’était pas si terrible ». Reste au final de fantoches revanchards, haineux, fiers de leurs préjugés abjects, qui rêvent autant de gazer leur voisin que d’une chambre avec vue sur une proprette vallée des Alpes. Si loin, si proche.

stéphanie cléau 

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