Trois questions à Guillaume Dimanche, auteur de « 3Qs », avec Sabine Longin, une série de vignettes vidéo entamée en 2010 et qui se poursuivra jusqu’en 2020, interrogeant artistes, photographes, curateurs, metteurs en scène sur leur travail.
"3Qs", la série en mode vignettes qui s’inscrit dans la durée (10 ans) pour tirer le portrait des artistes au travail. © Guillaume Dimanche / Licence Art Libre
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Trois questions à 3Qs

Petit jeu de l’arroseur arrosé. On a d’abord accepté de se faire aspirer dans la matrice de « 3Qs », le projet un peu fou de Guillaume Dimanche et Sabine Longin. Déjà 120 interviews en boîte, sur les sites de partage vidéo. Une paille, compte tenu du délai de réalisation que s’est fixé l’équipe, entre documentaire sociologique, culturel et activiste : 10 ans, soit une éternité sur le réseau où règnent temps réel, flux et immédiateté.

« 3Qs » s’est élaboré à trois : un vidéaste, Guillaume Dimanche, une conseillère culturelle, Sabine Longin, et, au tout début, le photographe Jean-Yves Camus. L’idée est simple : poser les mêmes questions à toute une série d’acteurs de la culture, qu’ils soient artistes, galeristes ou tenanciers de lieux culturels prestigieux, connus (Jan Fabre, Gilbert and George, Julie Gayet…) ou pas, photographes, intermittents ou sociologues, français ou étrangers.

Les questions ouvertes (« le projet en cours / le projet idéal », « la seule contrainte acceptable », « la collaboration idéale ») dressent à petits pas un tableau vivant de pratiques et sensibilités artistiques contemporaines. En majorité françaises, et pour l’instant encore très (trop !) largement masculines, ces interviews tournées caméra à l’épaule, dans le décor choisi par l’interviewé, sans maquillage ni éclairage, sans répétition, découpées en trois vignettes d’une minute, sont mises en ligne progressivement, depuis janvier 2010 (et jusqu’en décembre 2020, donc !). Aussi bien, s’est-on dit, le même principe pouvait s’appliquer aux créateurs de cet audit artistico-numérique. Guillaume Dimanche s’y est collé.

Question 1 : pourquoi ce marathon d’interviews en trois questions (pourquoi trois, pourquoi un marathon, ça fait déjà deux questions en une....) ?

Trois : triptyque (logique du triptyque : passé, présent, avenir ; histoire de l’art ; trinité, thèse/antithèse/synthèse... de modules...

Marathon : durée, déploiement, comparatif, logique de recherche et d’ouverture, de corpus, de résistance, d’anti jetable et zapping, de comparatif associé aux probabilités.

Trois questions pour une brièveté des interventions, un focus sur les réponses. La première donne un aperçu général de l’interviewé. C’est une question de présentation (qui, quoi).

Q1 à Jafar Panahi, cinéaste iranien, projet « 3Qs », 20/05/11 :



Les deux autres sont carrément ouvertes et interprétables à l’envi. Il s’agit d’ouvrir à la réflexion intime et nous obtenons la plupart de temps des réponses extrêmement sincères et dans la profondeur de la pensée (sous toutes formes verbales possible).

Q3 à Olivier Pasquet, compositeur, projet « 3Qs », 24/02/12 :


10 ans parce que nous prenons le temps des interviews. Une période culturelle de cette ampleur reste courte dans l’histoire des arts. Cela reste un instantané. Il y aura probablement des évolutions, mais en même temps les questions, intemporelles, montreront sans doute des constantes.

Question 2 : pourquoi choisir la durée sur un média, l’Internet, qui est celui de l’immédiateté, et qui a quelques problèmes de mémoire ?

Internet est l’immédiat, mais aussi le lieu des archives. Le choix n’est pas celui d’un outil, mais d’un médium. Les outils d’enregistrement aujourd’hui seront bien différents demain. L’immédiateté qui fait ressortir en tête de liste des groupes de signes (tweets) et les propulse en tête d’actualité, seront vite oubliés. L’œuvre qui se construit avec « 3Qs » est en même temps indépendante de ce médium. « 3Qs » est aussi visible en installation vidéo dans des expositions temporaires, « 3Qs » est en écriture et construction d’un film (cinématographiable, télédiffusable), d’un catalogue (imprimable).

Quant à la mémoire, et la bonne diffusion, réception, nous possédons les sources des enregistrements et ils sont (seront ?) toujours réexploitables sur d’autres supports.

« 3Qs » est autant un projet artistique qu’un audit, mais il est aussi anthropologique, il est rendu sur Internet à ses participants et à tout intervenant qui souhaiterait en prendre possession, il est sous Licence Art Libre, Copyleft.

Q1 à Joseph Paris, réalisateur et fondateur de la plateforme Kassandre, projet « 3Qs », 17/03/12 :



Question 3 : Avez-vous la moindre contrainte dans le protocole que vous avez enclenché (des refus, des censures, des frustrations) ?

En dehors de nos contraintes de tournage, matériel léger, sans éclairage, ni studio, prise sur le vif, nous ne faisons la promotion ni d’une œuvre, ni d’un travail. Il y a eu des réponses négatives à nos sollicitations, toutes acceptées. Refus parce que, à l’endroit de la rencontre impromptue, la personne était entre deux rendez-vous (Gaspar Noé à Cannes), ou en visite d’exposition (Agnès Varda à la Fiac), deux personnes qui, après publication, étaient hors sujet ou dans un état émotionnel qui ne leur permettait pas une réflexion et des réponses satisfaisantes.

Enfin, un interviewé nous a demandé le retrait des vidéos en ligne une heure après publication à cause de la pression très forte de sa hiérarchie et une mauvaise posture professionnelle, ses réponses pouvant être (ont été) utilisées pour le renvoyer.

Recueilli par annick rivoire 

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