Sortie en DVD de la saison 1 de « Twin Peaks » (TF1 Vidéo), la série culte de David Lynch et Mark Frost.
Le cadavre de Laura Palmer changera la carrière de David Lynch, chamboulera les codes de la série télé et hantera nos rêves à jamais. © DR
< 18'09'07 >
« Twin Peaks » : Laura Palmer ressuscitée
Il a fallu attendre dix-sept ans. Evénement DVD de la rentrée, la première saison de « Twin Peaks », la série de David Lynch et Mark Frost (la suite étant attendue pour Noël), est enfin en vente et permettra aux fans de ne plus s’abîmer les yeux sur les très laides versions qui circulent en peer-to-peer (l’image neigeuse de La Cinq…). Pour ceux qui l’ignoreraient, l’agent du FBI Dale Cooper est venu enquêter à Twin Peaks sur l’assassinat de la jeune Laura Palmer, chamboulant du même coup l’histoire de la série télé et la carrière de David Lynch. Rien à attendre du côté des bonus de TF1 Vidéo : on est loin de l’édition intégrale collector en 10 DVD que David Lynch a supervisée et qui sort aux Etats-Unis le mois prochain… 1990, c’est l’année pivot de la carrière de Lynch. Celle de la révolution « Twin Peaks », diffusée en prime time sur ABC, et celle de la reconnaissance mainstream (« Sailor et Lula », palme d’or à Cannes). Celle où il aurait pu basculer dans une carrière d’auteur à la Tarantino : référencé, décalé, digéré. Car après des débuts dans l’expérimental le plus strict d’« Eraserhead » (1977), Lynch navigue à vue dans les années 80, subvertissant quelques adaptations pour les studios (« Elephant Man » et « Dune »), avant d’enfin pouvoir imposer son univers avec « Blue Velvet » en 1987. La faillite de son producteur le prive de son projet suivant, « Ronnie Rocket », sur lequel il travaille depuis 1976, projet embryonnaire devenu mythique chez les lynchomaniaques. Il commence alors à travailler avec Mark Frost sur un biopic de… Marilyn ! N’ayant pas obtenu les droits du livre qu’ils voulaient adapter, ils décident d’écrire le pilote d’une série. Tournant décisif pour David Lynch. Dérèglements du couple, personnalités bifides, mondes parallèles, influence des rêves... tous les motifs obsessionnels de l’œuvre à venir sont déjà en place dans « Twin Peaks », lieu de tous les bouillonnements, où Lynch poursuit l’entomologie de l’Amérique blanche démarrée avec « Blue Velvet », fouillant les poubelles derrière les maisons proprettes : violences conjugales, adultère, enfants cachés, inceste, alcool, drogues, etc. Pour ne pas rater son coup, il choisit lui-même ses actrices et fait appel à ses proches pour incarner ses personnages borderline : Jack Nance (Pete Martell), l’iconique « Eraserhead », Catherine Coulson, ici femme à la bûche mais déjà femme-tronc dans son court métrage « The Amputee » (1974), ou encore Frank Silva, le fameux Bob, son décorateur depuis six ans. Comme d’habitude (« Dune », « Blue Velvet »), il confie le rôle principal à Kyle MacLachlan, qui se plie à tous ses désirs ou presque (il refusera de jouer avec une ado la love affair qui dégénère). « Twin Peaks » devient rapidement culte. D’audaces formelles (scènes tournées à l’envers) en dialogues et situations surréalistes, on n’a jamais vu ça à la télé. L’action avance au rythme des rêves et lubies de Dale Cooper, et l’enquête stricto sensu n’intéresse bientôt plus personne. Pas même Lynch, qui ne révèlera l’identité du meurtrier de Laura Palmer que contraint par ABC, qui arrête abruptement la série après la deuxième saison pour manque d’audience. Fossoyeur de la série à papa, Lynch impose son statut de cinéaste intello bizarre, ne manquant jamais une occasion de montrer ses collections de blattes mortes et de vieux chewing-gums aux journalistes. Il convaincra même un Francis Bouygues en quête de respectabilité de devenir son producteur (le tycoon du béton et des médias se lance alors dans le cinéma avec Ciby 2000). Et fera avec lui trois de ses films les plus personnels avant le succès surprise de « Mulholland Drive ». La série, dont il n’a personnellement réalisé que le pilote et cinq épisodes, le marque durablement. En film, « Twin Peaks Fire Walk With Me » (il en a monté une heure supplémentaire que les addicts rêvent de voir ressurgir en DVD), ou en multipliant les clins d’œil : Michael J. Anderson, le nain danseur, réapparaît dans « Mulholland Drive », Grace Zabriskie, la mère de Laura, joue un personnage tout aussi effrayant dans « Inland Empire »… Mais « Twin Peaks » ne change pas que Lynch, elle est fondamentale aussi dans l’évolution des séries (on en cause ici ou là). De « X-Files » à « Six Feet Under », de « Lost » à « 24 heures » (Ray Wise aka Leland Palmer apparaît dans la saison 5) ou « Desperate Housewives », où Sheryl Lee (Laura Palmer) était du pilote (elle jouait… la morte) et Kyle MacLachlan incarne un personnage très borderline dans la saison 2. La pop’cerise pour amateurs, un bonus de l’édition américaine : une hilarante parodie signée « Saturday Night Live » :
Ah ça IA, ça IA, ça IA
On n’est jamais trahi que par les chiens « I-Be Area », par ici le bon soap ! |