« Anna, Seven years in the frontline », documentaire de 1h18 de Masha Novikova à voir en ligne, diffusé lors du 31e festival du film de femmes de Créteil, du 13 au 22/03, qui a lancé cette année un prix au nom de la journaliste russe assassinée Anna Politkovskaïa.
Anna Politkovskaïa lors d’une de ses dernières apparitions publiques, en juillet 2006, appelle au départ de Poutine pour restaurer la justice. Poutine est toujours là et les assassins d’Anna courent encore. © DR
< 26'03'09 >
Anna Politkovskaïa, son combat en (première) ligne
« Probablement que je fais mal quelque chose, puisque je ne peux pas arrêter ça. » Ça, ce sont les exactions en Tchétchénie. Ces mots sont ceux d’Anna Politkovskaïa, la journaliste russe devenue le symbole de la liberté de l’information mise à mal par les pouvoirs, quels qu’ils soient -le procès de ses assassins présumés s’est conclu par un acquittement en février dernier. Obstinée et courageuse (elle avait subi une tentative d’empoisonnement pendant la prise d’otages de Beslan), Anna Politkovskaïa a passé les sept dernières années de sa vie au front. C’est le titre du documentaire de Masha Novikova, « Anna, Seven years in the frontline », projeté au 31e festival du film de femmes de Créteil la semaine dernière (qui a d’ailleurs lancé un prix au nom de la journaliste de « Novaïa Gazeta »). Et qu’on peut (qu’on doit) voir en ligne in extenso. « Anna, Seven years in the frontline », de Masha Novikova, 2008 : On connaît la triste fin d’Anna Politkovskaïa, on sait son combat pour informer sur la situation en Tchétchénie, on a beaucoup parlé de sa ténacité et de sa détermination, malgré les menaces, malgré la peur. L’immense mérite du film de Masha Novikova, c’est d’échapper à l’écueil de l’émotion. Après un démarrage sur les chapeaux de roue et cette incroyable scène où une Moscovite excédée insulte un passant venu déposer une gerbe rue Lesnaïa, où Anna a été assassinée le 7 octobre 2006 (« arrêtez d’attirer l’attention sur nous, elle aurait mieux fait de s’occuper de ses enfants »), ce n’est pas tant d’Anna qu’il est question que de sa façon de poursuivre obstinément son combat pour la vérité, pour la justice et, au final, contre Poutine. 2001, Tchétchénie, les mots d’Anna sur ce conflit honteux, les images déjà oubliées (ou pas vues…) de ces familles traumatisées par l’arrestation d’un frère ou d’un père. Et ces témoignages des femmes qui ont accompagné le combat de Politkovskaïa, Lidia Yusupova, une avocate partie à Grozny aider les familles de disparus en Tchétchénie ou encore l’incroyable Svetlana Ganouchkina, à la tête du comité des mères des soldats, ou cette Tchétchène qui dit : « Nous ne sommes pas russes, non, car si nous l’étions la Constitution s’appliquerait à nous aussi. » Images d’archives alternent avec interviews de ses collègues à « Novaïa Gazeta », l’un des rares journaux indépendants en Russie, avec ses propres mots qui dénoncent les « tortures médiévales » commises par ses compatriotes en Tchétchénie (puis au nord Caucase). La lecture d’extraits de ses articles dit avec une rare économie de mots et de pathos qu’il se passe avec Poutine président des choses tout bonnement insupportables. Masha Novikova est née en Russie, y a grandi et a commencé à enseigner la littérature et le russe avant de quitter le pays à la chute du mur de Berlin. Elle a remporté un prix Amnesty International pour ce film qui jette une lumière crue et dérangeante sur une démocratie toute relative. La Russie de Vladimir Poutine (qui a mis plus de quatre jours à réagir à son assassinat, malgré l’émotion internationale) y est constamment prise en défaut : la peur et les larmes, la liberté sous surveillance, le silence d’Etat sur des tragédies civiles en Tchétchénie… Autant de mensonges qu’Anna démontait consciencieusement, sans esbroufe. On se surprend même à la trouver presque trop discrète, elle qui a pourtant fait bouger les lignes.
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