La chronique « NextGen » du net-artiste David Guez pour poptronics remonte le temps cette semaine : comment appliquer les principes posés par les auteurs de science-fiction avec leurs machines à voyager dans le temps à la téléphonie mobile…
« Metropolis » (Fritz Lang, 1927). En s’inspirant de l’imaginaire SF, David Guez réfléchit à une application pour remonter dans ses propres souvenirs. © Friedrich-Wilhelm-Murnau-Stiftung
< 07'05'10 >
Autant en emporte le temps

(Nextgen), Souvenir augmenté, Acte I. La question du temps et de ses dérivés est l’une de mes préoccupations premières du moment, et cette question prend un drôle de tournant lorsqu’il s’agit de concevoir une application pour téléphone mobile qui serait une véritable machine à remonter le temps.

Le principe suivant m’est apparu pendant la visite de l’exposition « Personnes » de Christian Boltanski, au Grand Palais : je parcourais les allées de sa fabuleuse installation lorsque je me suis arrêté à l’endroit précis où, quelques semaines auparavant, j’avais vécu une forte émotion liée à des retrouvailles avec une personne (en l’occurrence au moment de la FIAC).
Un souvenir donc, qui revenait en puissance lors de mon passage sur une zone précise, taggée sans doute dans mon cerveau de façon inconsciente et réactivée par cette conjonction spatio-temporelle.

Essayons de modéliser cette expérience somme toute assez classique.

L’évènement (S) : une situation plus au moins puissante affectivement que nous appellerons la scène (S).

Pour simplifier, nous dirons que (S) a été créé dans un lieu (L) à une date (D). (S) est stocké dans ma mémoire.

L’activation du souvenir : (A) un souvenir est activé par (A) éléments.

Dans notre exemple, c’est le passage dans le même lieu (L) qui active le souvenir.

Un autre élément pourrait être une odeur, un bruit, une image...

Les éléments de l’apparition du souvenir (E) : quels éléments émergent de l’activation du souvenir ? Une image de la scène (S) ? Des paroles, une cinématique, un regard, une odeur ?

Les conséquences (C) : émotives, certes ! mais il est possible que cette simple réactivation puisse être le départ d’une chaîne de conséquences plus importante (dans notre exemple, recontacter la personne).

En résumé, une scène (S) définie à un endroit (L) et à une date (D), réactivée par des éléments (A), déclenche des éléments (E) et des conséquences (C).

Vers le « Souvenir augmenté »

Une application pour téléphone mobile qui voudrait imiter cette même expérience pourrait être décomposée de la sorte :

1. Captation d’une scène (S) de départ où quelques critères sont pré-définis par divers capteurs : l’intensité de la lumière, la force du vent, ma vitesse et, pourquoi pas, des éléments complètement liés au réseau si une connexion wifi ou autre existe.

Le téléphone devient l’enregistreur d’une partie de ma propre histoire ; il se peut même qu’il puisse capter des éléments que mon propre cerveau n’a pas eu le temps/l’envie/la possibilité de capter lui même : ainsi, on pourrait imaginer une photographie générale multimédia à un moment (D) de la scène (S) faite par un appareil assez sophistiqué : un souvenir augmenté.

2. Réactivation de la scène (S) en fonction par exemple des éléments (A) suivants :

- Du passage dans le même lieu,

- Du croisement d’une personne ayant participé à la fabrication du souvenir,

- D’un cycle temporel prédéfini (à telle heure dans tel périmètre d’un lieu donné, et ce, tous les mois).

Le téléphone devient un système nerveux réduit, une interface dynamique entre mon être biologique et la réalité physique existante. Il fait office de bascule entre un espace intime et un espace public, un espace réel et un espace virtuel.

3. Les éléments suite à la réactivation (E) : mon téléphone va rechercher dans la base de données tous les éléments de la capture de la scène (S), ceux que j’ai captés mais aussi ceux que je n’aurais pas captés !

Le téléphone devient alors une sorte de baguette magique qui puise dans un passé stocké hors moi des éléments inconnus à ce jour à mes yeux et qu’il me propose sous la forme d’une révélation.


4. Les conséquences (C) : mon téléphone a dans sa base le nom et les infos des réseaux sociaux auxquels sont associées les personnes du répertoire. Il a aussi accès à l’historique de mes échanges avec elles. Il a accès à une base de connaissance du lieu (L), à des images prises au cours de l’histoire, à des infos sur les bâtiments...

Le téléphone devient le médiateur entre un passé recomposé, réactivé, une situation réelle et un devenir ; il permet éventuellement de reconnecter mon réel avec des personnes ou des situations du temps présent avec lesquelles je n’aurais sans doute plus jamais eu de contacts !

Les lettres servent à comparer les deux versions du souvenir : celle propre à l’humain et celle augmentée par la machine.

Acte II, à suivre : et si on ajoutait un peu de quantique ?


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