« Semaine de la pop philosophie », par les Rencontres place publique à Marseille, du 18/10 au 23/10, en différents lieux (théâtre national de la Criée, CIPM, librairie…), entrée libre.
Les chorégraphes N+N Corsino, qui ont conçu l’appli iPhone "Soi Moi" (ci-dessus), sont invités à discuter "mob’philo ou la pensée mobile", le 23/10 à Marseille. © DR
< 22'10'10 >
Allô, t’es où ? A Marseille, je pop’philosophe

Il y a un paradoxe, une douce contradiction même, à organiser une semaine de la pop philosophie à Marseille alors même que la cité phocéenne vibre socialement et politiquement d’un contexte cataclysmique, quand les poubelles ne sont pas ramassées, que les transports en commun ne fonctionnent qu’avec chaos et que le port, la raffinerie, bref les forces vives de l’économie marseillaise sont lancées dans la bagarre contre la réforme des retraites. On voit presque ricaner les tenants de la pensée feutrée (voire calfeutrée), des universités et des ouvrages abscons réservés à ceux-qui-savent (c’est à dire ceux-qui-pensent) devant cette coïncidence de calendrier…

C’est en effet depuis lundi la deuxième édition de la « Semaine de la pop’philosophie » organisée par les Rencontres place publique à Marseille, qui nous avaient déjà habitués aux rendez-vous nomades au café, en festival etc., en des lieux en tout cas insolites pour le penseur. Une façon de mettre en pratique les principes posés par Deleuze pour sortir les philosophes de leurs hautes sphères (c’est lui qui, le premier, a parlé de « pop philosophie ») et les mener sur des terrains populaires au sens du « Mainstream » d’un Frédéric Martel. « Buffy et les vampires », « Plus belle la vie », les tubes et le téléphone portable sont ainsi quelques-uns des thèmes abordés cette semaine à Marseille.

C’est dans la droite ligne de la pensée deleuzienne en effet, qui entendait s’intéresser à des objets inhabituels pour la pensée (« impurs ») qu’Elie During et Patrice Maniglier avaient produit il y a quelques années un « Matrix, machine philosophique » plutôt rafraichissant. Poptronics, cette année encore partenaire de cette Semaine pop’philo, se refuse à entrer dans la querelle philosophique qu’on résume en gros ainsi : y a-t-il aujourd’hui un courant de la pensée post-« French théorie », qui rapprocherait un Alain Badiou (programmé en inauguration lundi pour parler d’amour, mais qui a dû déclarer forfait), un Stéphane Legrand, co-organisateur et spécialiste de Foucault ou un Peter Szendy, musicologue philosophe spécialiste de l’écoute ? On trouve beaucoup plus intéressant que la démarche revendiquée par Deleuze il y a plus de trente ans fasse encore débat en 2010 (à l’heure des grèves, donc... on insiste).

On vous invite à écouter cet après-midi le professeur au Collège de France Gérard Berry parler de « La Conception du monde chez les Shadoks » (à 14h30 à la Criée). Et demain les deux dernières conférences, celle de Peter Szendy,, « La philosophie dans le juke-box, les tubes ou la bande-son de la vie » (à 15h au théâtre de la Criée), et celle, organisée par le site magazine d’Orange Culture mobile, « mob’philo ou la pensée mobile » (à 17h au palais de la Bourse). Autour d’Emmanuel Mahé, docteur en sciences de l’information chez Orange, Maurizio Ferraris, philosophe italien auteur de « T’es où ? Ontologie du téléphone mobile », Pierre Musso, professeur en sciences de l’information et de la communication, saint-simonien et auteur de nombreux ouvrages sur la question (dont « Télécommunications et philosophie des réseaux », aux PUF) et les N+N Corsino, duo d’artistes chercheurs chorégraphes qui ont notamment développé « Soi Moi », une application pour iPhone. On imagine que, à la façon d’un Paul Virilio qui voit dans l’ambiance sociale épique du moment une préfiguration de la grande panne écologique à venir, les penseurs de la mobilité apporteront leur vision de la situation locale, globale et réseau…

« Soi Moi », navigation à l’iPhone des N+N Corsino, 2009 :

annick rivoire 

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