Retour sur le Lift 2011, et sa théma « Be Radical ! », le rendez-vous des débats et workshops numériques, qui s’est tenu du 6 au 8 juillet à Marseille, par Nicolas Frespech, artiste et pop’chroniqueur.
Le dialogue de la machine et du poisson… Ou comment les déplacements du poisson dans l’eau font bouger la machine sur le sol, c’est "Machine 2 Fish" du collectif Dardex-Mort2Faim. © Nicolas Frespech/Licence Art Libre
< 12'07'11 >
Lift France 2011, l’innovation au bord de la rupture

(Marseille, envoyé spécial)

Pour sa troisième édition française, la conférence internationale Lift s’est installée au Palais du Pharo à Marseille pour un ballet de rencontres, débats et autres workshops autour de la radicalité. « Be radical ! » était en effet le mot d’ordre 2011, autour de quatre thèmes Care, Urba, Learn et Slow, les organisateurs s’intéressant aux « implications sociales des nouvelles technologies, considérant qu’anticiper le changement permet de le transformer en opportunité » (et privilégiant l’anglais, signe d’absolue modernité dans le monde techno...).

Côté ateliers, j’ai participé à deux d’entre eux, l’un, intéressant, animé par le rédacteur en chef d’« Internet actu » Hubert Guillaud, sur la façon dont le livre numérique peut s’adresser au non-lecteur, l’autre, sur le monde en 2020 : je n’avais aucune proposition à faire vu que le sujet ne m’inspire pas du tout !

Rayon conférences, c’est Kris de Decker, journaliste fondateur de « Low-Tech magazine », qui m’a le plus interpellé avec sa vision pragmatique du futur qui cultive le doute sur les avancées technologiques. Ses comparaisons avec les technologies du passé, dont le fameux télégraphe optique, cette tour à communiquer du XVIIIeme siècle tout aussi efficace (ou presque) que notre courriel actuel, étaient fascinantes !

A Lift, entre une conf et un workshop, ça networke à donf’ dans une ambiance cool. Ça parle « open data », « open source », « e-learning », « OpenStreetMap », « social scoring » (l’évaluation marketing des réseaux sociaux), « serious gaming »... et même tremblement de terre (on n’est pas à Fukushima, mais la terre a bel et bien tremblé) !

Mais Lift, c’est aussi « Experience », l’exposition art et design curatée par Axelle Benaich (au travers de la nouvelle structure Design The Future Now), où l’on a pu voir une sélection éclectique de créations qui questionnent les technos et leurs usages. Deux grandes tendances s’en dégagent : le monde des capteurs et celui de la mobilité. Sans oublier la petite dose d’Arduino de rigueur… Et oui, un artiste c’est open, à défaut d’être radical ! Petite revue des surprises de l’édition 2011.

Un poisson rouge dans son bocal :

« Machine 2 Fish », du collectif Dardex-Mort2Faim, est un dispositif (ou une sculpture) troublant(e). Un poisson rouge dans son bocal posé sur un meuble motorisé, des capteurs qui interprètent ses mouvements et voilà que le poisson rouge se déplace physiquement depuis son bocal dans l’espace de l’exposition... Le bocal et le poisson rouge comme métaphores de notre cerveau... ça fait peur !

Marie-Julie Bourgeois présentait une création efficace autour de la vidéosurveillance, « Extension du vide » : une webcam capte les mouvements du visiteur, projetant l’image d’une caméra qui essaie de suivre ses mouvements dans l’espace d’exposition. Une œuvre presque transparente mais très efficace pour ceux qui interrogent... la généralisation de la vidéosurveillance (néologisme des politiques pour faire passer la pilule du flicage généralisé)...

Du côté du hacking ludique, la star de Lift 2011 est sans conteste le Kinect, l’accessoire phare de la console de jeu de Microsoft. Kinect capte les mouvements du corps pour interagir avec des figures populaires de l’histoire de l’art transformées en marionnettes dans le projet « Pupp’Art » d’Emmanuel Rouiller et Mosquito. Quand elle ne sert pas à carrément interagir avec l’histoire tout court : « Forward To The Past », projet d’archives dynamiques, nous invite à nous déplacer dans la ville de Rennes modélisée en 3D. D’un simple signe de la main, je me transporte de la Rennes d’aujourd’hui à différentes époques (de 1750 à nos jours). Ce projet réalisé en partenariat avec la ville actualise presque en temps réel les nouveautés cadastrales. Autre projet utilisant le Kinect, « Digital Washbooard » nous plonge dans un univers plus électro, le corps imprime sur l’écran une partition plastique et sonore.

Danser avec son image :

Pour évoquer l’innovation, direction le stand SFR Player qui proposait au visiteur de faire bouger par sa pensée des cubes dans l’espace puis de faire tomber des noix de coco dans une modélisation 3D et kitsch d’une plage des Caraïbes ! Les interfaces cérébrales sont aussi vieilles (ou presque) que le jeu vidéo, c’est pourtant aussi le grand projet de Mattel avec son jeu « MindFlex », enfin disponible en Europe ! L’équipe de SFR utilise un casque qui capte l’activité cérébrale, laquelle déclenche l’action à l’écran. Le problème, c’est que ça ne marche pas tout le temps… avec les filles. Boîte crânienne plus petite ? Fond de teint isolant... ? On se pose des questions sur le stand. Mon conseil : achetez-vous le casque capteur et montez vos applications persos !

Pas artistique mais bien pratique, le projet de « Station Météo (ou)Verte » à base d’Arduino présentée par l’équipe d’Hackable Devices, pour que tout un chacun puisse capter des données météorologiques et les diffuser sur le Net, dans le même esprit que le projet de Montre verte présentée en 2009 par la Fing (Fondation Internet nouvelle génération, le lobby pro-nouvelles technos qui a importé le Lift en France).

Autre innovation dont on n’a pas décollé, ouverte aussi à tous ceux qui n’étaient pas à Lift et qui pouvaient intervenir via SMS ou Twitter pour inonder le « SMS wall » installé à l’entrée d’Experience et ce, en temps réel. Ça commente en live les conférences, ça parle panier repas décevant...

Pour ceux qui avaient envie de communiquer avec un robot, Gauthier Le Rouzic proposait TypeWriterBot, une vieille machine à écrire hackée à l’Arduino, pardon au Pinguino ! Ambiance fantomatique aussi avec l’installation du collectif MEI.

Sortir de l’exposition !

« Oterp » d’Antonin Fourneau est une appli ludique et sonore qui génère des mélodies en fonction de votre position et de votre action dans l’espace virtuel. L’application pour ordiphones, encore en phase de test, sera disponible en 2012.

« Discrépances » de Diego Ortiz est un projet similaire : vous êtes invité à charger un fichier vidéo sur votre téléphone mobile, la fiction tournée sur le lieu même du Pharo vous invite à sortir et à vous mêler à la foule (y’a du monde à Lift…) afin d’avoir plusieurs niveaux de perception de la fiction et de l’environnement réel.

C’est aussi autour de la mobilité et de l’espace public que j’ai proposé pour cette édition une création en réalité augmentée : « Dromomanie », histoire de ne rien exposer de tangible.

Ces trois propositions invitaient à quitter le lieu d’exposition... radical ?

Et pour finir, débousssolés ou pas, le visiteur se voyait remettre un questionnaire d’évaluation de son « Exposition au Danger Psychologique » (EDP). « Les relations humaines seraient les principaux facteurs de risques » explique son auteur, Emmanuel Germond. Le voici à télécharger, l’EDP se charge de l’évaluation par mail.

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nicolas frespech 

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