A l’occasion du Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand 2020, du 31 janvier au 8 février, notre focus du jour sur un des 161 films en compétition : « Kohannia », de Mykyta Lyskov (Ukraine), en sélection internationale
« Kohannia », un film d’animation aussi déglingué que l’est la ville de son réalisateur ukrainien, Mykyta Lyskov (capture écran). © DR
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Clermont 2020, le court du jour 2 : « Kohannia », l’amour au temps de l’effondrement

Clermont-Ferrand, envoyée spéciale

Echevelé et portant l’absurdité en étendard, « Kohannia », le choix du jour au 42e Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand, porte un regard caustique, âprement réaliste et totalement barré sur le monde contemporain. Cette animation de 14 minutes enchaîne à un ryhtme soutenu les saynètes les plus insensées, dans un paysage post-soviétique décadent, décati et dément.

Ce pur cocktail à l’acide revisite avec ses dessins 2D aux couleurs vives les « cités dortoirs périphériques » de Dnipro, la ville natale de son réalisateur ukrainien, Mykyta Lyskov. La troisième du pays, celle qui, par sa situation géographique, est la plus proche de la zone de guerre. Celle qui recueille les réfugiés, qui transmettent leur peur, celle où l’« on ne se prépare pas à la guerre, explique Mykyta, mais à déménager éventuellement au pied levé ».

Dans son monde de barres d’immeubles rosées, les hommes se transforment en arbres, la statue de Lénine se déforme jusqu’à exploser façon champignon atomique, un personnage se casse la tête en plongeant avec enthousiasme dans une piscine sans eau, un aigle pond des œufs pour signifier sa toute-puissance… « Le film reflète mon sentiment par rapport à l’atmosphère absurde et presque risible de mon pays, où même notre président est un acteur comique », explique très sérieusement Mykyta Lyskov à Clermont.

Plutôt qu’une leçon politique indigeste sur l’écologie, la paix à venir et l’envie des Ukrainiens de sortir d’une situation ubuesque de guerre avec la Russie de Poutine, Mykyta Lyskov choisit la carte Magritte et ses « Amants », ce tableau surréaliste d’un couple revêtu d’un drap. Il s’en inspire en recouvrant la tête de ses amoureux de sacs plastique. Kohannia, traduit à Clermont par suprême amour, et par deep love dans les festivals anglophones où le film fait un carton (une vingtaine de sélections à son actif), est en fait intraduisible, dit-il. Une sorte d’amour sans retour à l’ukrainienne.

Mykyta Lyskov, né en 1983, diplômé de l’université de cinéma et télévision de Kiev en 2012, admet « l’influence de l’animation soviétique des années 1980 », lui préfère encore l’estonien Priit Pärn et son « Déjeuner sur l’herbe » (1987, à voir par ici). « Kohannia » est bien parti pour prendre la relève de l’animation estonienne période post-soviétique, quand le pays balte s’émancipait de la tutelle russe. En tous les cas, sa déclaration d’amour à son pays prend les allures universelles d’un « Je t’aime, moi non plus ».

« Kohannia », Mykyta Lyskov, 2019, 14’, Ukraine (bande-annonce) :


Retrouver le court du jour de la veille à Clermont 2020

annick rivoire 

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