A l’occasion du Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand 2020, du 31 janvier au 8 février, notre focus du jour sur un des 161 films en compétition : « L’année du robot », Yves Gellie (France), en sélection nationale
Au cordeau, l’étude des relations entre l’humain et la machine dans « L’année du robot ». © Yves Gellie
< 04'02'20 >
Clermont 2020, le court du jour 3 : « L’année du robot »
Clermont-Ferrand, envoyée spéciale Singulier et subtil, notre film du jour au Festival du court métrage de Clermont-Ferrand est un documentaire expérimental qui explore la psyché humaine face aux fantasmes que portent les robots. « L’année du robot », d’Yves Gellie, ne ressemble en rien à une fiction du futur. En vint-huit minutes, ce film émouvant, perturbant et doux à la fois s’attaque à la thématique de la dissonance cognitive avec une sensibilité et une pudeur rares. A l’image, des personnes âgées en EHPAD victimes d’Alzheimer ou de démence sénile, des personnes handicapées (autistes notamment), en pleine conversation ou interaction avec un robot NAO. « L’année du robot », Yves Gellie, France, 2019, documentaire expérimental, 28’ (bande-annonce) : C’est parfois très tendre (« tu as de beaux yeux », dit une dame âgée au robot dont les yeux clignotent), parfois plus dur (NAO se fait rembarrer à chaque tentative par une femme en fauteuil roulant), parfois onirique (NAO récite une fable de La Fontaine) ou franchement joyeux (NAO et une vieille dame dansent un charleston endiablé). « L’année du robot », Yves Gellie (extrait) : Chaque séquence donne la curieuse impression d’être un moment d’intimité capturé par la caméra, posée à distance, à la lumière léchée, le plus souvent blanche (« les Velux des EHPAD, explique le réalisateur, donnaient un effet limbes idéal »). Le documentaire nécessite bien souvent une immersion longue pour permettre de se familiariser et d’apprivoiser son sujet. C’est le cas pour ce projet qui n’était pas destiné initialement à faire le tour des festivals. Yves Gellie, médecin devenu photographe puis artiste-chercheur, avait l’envie de « capter la relation entre humain et robot » après avoir été témoin d’une scène étrange de dissonance cognitive en Afghanistan, lorsqu’un démineur avait pris le risque de perdre la vie pour aller « sauver » un robot. En résidence d’artiste chercheur au laboratoire Lusage (Laboratoire d’analyse des usages en gérontechnologies), Yves Gellie met en place un protocole de rencontre entre des personnes âgées victimes d’Alzheimer ou de démence avec un robot NAO. « Un travail empirique sur trois ans, qui consistait à installer le robot d’abord immobile, puis à le faire bouger un peu, puis à le faire parler avec l’animateur des ateliers ». Jusqu’au jour où « une dame a invité le robot à venir dans sa chambre pour discuter avec lui ». Si le film est réussi, ça n’est pas pour les prouesses de NAO, dont Yves Gellie raconte qu’il a « développé une détestation » à son encontre puisqu’il a « planté 90% des scènes ». La robotique humanoïde est encore loin d’être parfaite et même, explique-t-il, elle risque de ne pas être développée plus que cela, la faute à la difficulté de simuler la locomotion d’un point de vue mécanique. NAO a ainsi été trafiqué, augmenté et parfois artificiellement transformé pour répondre aux besoins de l’expérience. Cette « autonomie idéalisée » permettait de « montrer notre fascination à communiquer avec ces machines », dit-il. Et c’est bien du côté de l’expérience humaine que le film fait littéralement frissonner. Cet échange merveilleux entre une femme en fauteuil roulant et NAO sur les oiseaux, par exemple, a d’abord été interrompu par le psychologue de l’EHPAD, estomaqué de voir cette « dame qui ne parlait jamais » ouvrir la bouche pour répondre au robot que oui, elle aimerait bien voler avec lui… « Pour ces personnes confrontées à la mort, explique Yves Gellie, ce robot a eu la vertu de souffler sur les braises. » « L’année du robot », Yves Gellie (extrait) : Yves Gellie raconte avoir enlevé « toutes les scènes les plus impressionnantes » au montage pour « garder le côté fragile ». Quant au choix de filmer seulement en plans fixes, il le justifie : « Je voulais faire disparaître totalement le cadre pour faire ressortir le relationnel. Comme si on tombait sur les archives des premières interactions homme-machine. » « L’année du robot », produit par Upian, la maison des formats interactifs, se décline également en exposition photo et en installation multi-écrans.
Ah ça IA, ça IA, ça IA
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