Phénomène issu de la crise de l’industrie musicale, des nouveaux sites communautaires et participatifs naissent sur la Toile, où l’internaute mise de l’argent sur des artistes, parce qu’en chacun de nous sommeille un producteur qui ne s’ignore plus.
« Les chansons de Grégoire sont comme un voyage qu’on n’oublie pas », nous assure MyMajorCompany. Les convaincus ont déjà misé 36 920 euros sur l’artiste. © DR
< 05'02'08 >
Fan, réveille le producteur qui est en toi

L’industrie du disque a l’œil rivé sur la Toile pour sortir du marasme. Au Midem, la semaine dernière, on a donc beaucoup parlé Internet et notamment du dernier concept à la mode, celui de « fan producteur », comprendre « ami internaute, finance ta musique préférée et gagne de l’argent avec ». Une sorte de maison de disques à la demande qui se rêve en successeur de Myspace. Rien de décisif n’est encore sorti de ce modèle, mais le phénomène vient de gagner la France et fait parler de lui. Alors on est allé faire une immersion... Déjà mis en œuvre par quelques artistes (Einstürzende Neubauten a financé son dernier disque comme ça), le principe est simple : sur des sites communautaires dédiés, on poste ses chansons et ceux qui aiment versent leur écot. Une fois atteint un seuil déterminé (de 15 000 à 50 000 euros, c’est selon), le musicien se voit proposer l’enregistrement, le mix et la distribution numérique d’un album. Les revenus éventuels sont alors (inégalement) partagés en trois entre l’artiste, les « fans producteurs » et le site.

Les premiers sites sont apparus aux Etats-Unis (ArtistShare, le plus installé, en 2001) et font des émules, comme Slicethepie (littéralement « prenez une part du gâteau ») créé l’an dernier. En Europe, le précurseur allemand Sellaband, lancé en 2006 à Amsterdam par des anciens de Sony BMG et Heineken ( !), a déjà sorti quatre albums et une dizaine d’autres sont en cours de production, de groupes venus de partout (Pays-Bas, Pologne, Etats-Unis, Royaume-Uni, Nouvelle-Zélande). Et en France ? En quelques mois l’an dernier sont nés Spidart (basé à Lyon), qui affiche d’emblée la répartition des gains (le site prend 30%, les fans producteurs et l’artiste 35% chacun), NoMajorMusik, qui opte pour une monnaie virtuelle, ou encore MyMajorCompany, cofondé par Michael Goldman, fils de l’horrible Jean-Jacques (mis à contribution pour la promo, of course) et neveu du regretté Pierre, le seul à sélectionner les impétrants.

Pour l’instant, on n’en est qu’au stade embryonnaire. Les gains espérés des internautes ne sont pas faramineux (voir les calculs de Ratiatum.com) et la qualité des artistes présentés est, comment dire, inégale. Car sur Spidart, c’est une reprise de Haddaway (si vous avez oublié, grand bien vous fasse, sinon vous pouvez vous faire du mal ici) qui a bombardé Naosol (qui n’écrit aucun morceau original) en tête de liste, avec plus de 12 000 euros de contributions. Une dizaine d’internautes ont versé plus de 1000 euros sur MyMajorCompany, où Grégoire caracole en tête des dons avec plus de 36 000 euros. Mais c’est une exception : la majorité des inscrits plafonne à... zéro euro (il en faut 70 000 pour enregistrer...).

Alors, ça donne quoi le futur de l’industrie musicale sur les sites francophones ? Comme d’habitude : du rock bien sage, du r’n’b dégoulinant, du rap de bas étage et de la variété française « à textes ». Pour vous faire saliver, « Toi + Moi » de Grégoire, donc. Ça commence comme ça : « Toi plus moi/ Plus eux/ Plus tout ceux qui le veulent/ Plus lui/ Plus elle/ Et tous ceux qui sont seuls/ Allez, venez/ Entrez dans la danse/ Allez, venez/ Laissez faire l’insouciance. » Comme disait le phénix du Poitou, avec son sens si personnel de la formule, « la pente est rude, mais la route est droite ». Mais même sur une ligne droite, on peut verser dans le fossé.

matthieu recarte 

votre email :

email du destinataire :

message :