« Naked War », film documentaire de Joseph Paris, un coproduction LaClairière Production, LCP, TV Tours et Cinaps TV, 60 mn, diffusion le 3/04 à 20h30, rediff. le 18/04 à 0h20, le 22/04 à 9h, et le 24/04 à 20h30, LCP.
Sur le dos d’une Femen, le dessin d’Amina, Tunisienne en prison (et libérée depuis) pour avoir manifesté. © Joseph Paris-LaClairière Production
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Femen, au cœur du corps combat
Ce soir, c’est devant la télé qu’on vous conseille d’aller poser vos fesses – nues ou pas, c’est selon vos convictions. La nudité est en effet au cœur de « Naked War », documentaire de Joseph Paris sur les Femen, qu’il a suivies pendant plus d’un an, en participant caméra au poing à leurs actions médiatiques depuis qu’elles sont apparues, brutalement, dans le paysage médiatique français, au printemps 2012. Son film retrace la guerre des seins contre l’obscurantisme, qu’il soit religieux (elles ont fait sonner les cloches de Notre-Dame en criant haut et fort « Pope no more », lors de la retraite anticipée du pape Benoît XVI), patriarcal et obscène (au tout début de leur mouvement, elles témoignaient contre le tourisme sexuel en Ukraine). Bref, de l’activisme contre la « servitude » des femmes dans notre monde hyperconnecté. Elles ont tout compris de l’idée du média qui fait le message, et l’utilisent à plein dans leurs combats. Non, les Femen ne sont ni nazies et encore moins machistes (elles sont attaquées de tous bords, y compris par certaines féministes ne supportant pas l’image de ces jolies blondes jouant des stéréotypes de la féminité). A l’heure où le mouvement Femen est discrédité et fragilisé par les attaques des extrémistes (entre autres), le film de Joseph Paris regarde « ce qui n’est peut-être pas sur les images », en apportant un contrepoint intelligent, sensible (et carrément plus subtil que le livre d’une Caroline Fourest, elle aussi proche du mouvement). « Naked War », de Joseph Paris, 2014, bande annonce : Loin de la propagande (des Femen comme des anti-Femen), Joseph Paris, qui milite depuis longtemps déjà du côté des pirates du Net, installe son film dans un ailleurs, hors champ, loin du débat « les Femen ont-elles raison ? ». Certes, il revient sur les rumeurs de manipulation, ne fait pas l’impasse sur les dissensions internes qui ont fragilisé le mouvement. Mais l’intéresse d’abord le fait de comprendre l’effet de cette guerre nue sur nos regards, nos corps occidentalisés et policés, notre culture de l’image et du flux dévorant de l’actualité. Il part du « surgissement » de cette image symbolique des Femen, poing levé et seins slogan à l’air, dans notre paysage médiatique. Conte son immédiate empathie, qui, à partir du Trocadéro en mars 2012, va l’occuper plus d’un an. Le récit de ce compagnonnage filmique ne cache en rien sa proximité politique avec elles, son engagement sincère comme petit soldat médiatique des Femen. Il n’occulte pas plus les questions, les doutes et les limites de l’exercice : fasciné par le courage des activistes aux seins nus, il a peur pour elles, ces audacieuses qui vont jusqu’à éprouver dans leur corps le danger de la provocation (tabassées par les militants d’extrême droite des manifs anti mariage pour tous ou par les services d’ordre de Civitas ou de Notre-Dame). Ces têtes brûlées ont d’une certaine manière préfiguré la révolution ukrainienne de la place Maïdan, avec la même détermination et un semblable recours aux armes médiatiques d’aujourd’hui. Joseph Paris creuse du côté de ce que provoque cette représentation cul par dessus tête des corps, le corps des femmes, parfois voilé en islam, mutilé en Afrique, atrophié hier dans les traditions de la Chine pré-communiste. Le corps-combat des Femen, avec ces positions répétées avant l’action où importe leur stature conquérante, à revers des images d’Epinal de la femme (soumise, forcément, épaules en dedans, tête baissée, etc.), est montré poing levé, main postée sur la hanche et tête haute. Les Femen retournent à profit la société du spectacle. Dérangeant ? Efficace en tout cas. Nul doute que Joseph Paris aime le cinéma de Chris Marker. On retrouve dans « Naked War » l’idée qu’une relecture de l’histoire immédiate lui donne une autre perspective, et qu’elle peut s’écrire en mode polyphonique. En l’occurrence, Joseph Paris fait appel à Annie Le Brun, écrivain et poète, et à Benoît Goetz, philosophe, qui viennent ponctuer les images des actions des Femen de leurs commentaires et lecture du mouvement. Oksana, Sasha, Josephine, Inna et les autres sont filmées au plus près, dans leur quotidien et leurs actions médiatiques préparées à la façon d’une performance en plein air. La caméra de Joseph tremble parfois, témoin direct ou instrument d’un activisme féministe –on repense aux « images qui se mettent à trembler » de Marker dans « Le fond de l’air est rouge »). Aujourd’hui, Joseph Paris, « dubitatif de la tournure prise par Femen France », dit avoir « coupé les ponts » avec le mouvement parisien, mais reste en contact avec les héroïnes de son film, Sasha et Oksana, « elles aussi en rupture avec la cellule française ». Ni à charge ni à décharge, il défend ainsi « Naked War » : « J’ai voulu faire ce film pour essayer de mettre les bons mots dans le bon ordre, en espérant qu’ils arrivent aux oreilles des bonnes personnes. »
Papillote à l’âge du Faire
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